Vous retrouverez ici tous nos articles sur le Brexit, somme de quatre mois de couverture du sujet. Quatre mois de hauts et de bas, de coups de poker et de négociations tendues qui couvrent un panel extrêmement large de problématiques.
Une question, une remarque: écrivez-moi.
Cheers,
Thomas
Quid de l’exécution des décisions de justice ?
Contrairement au droit de l’Union européenne qui permet la reconnaissance mutuelle des décisions de justices au sein des États membres, l’Accord commercial du 24 décembre (voir notre édition spéciale) ne contient aucune clause sur le sujet. La question est donc ouverte, et le restera pour trois mois encore, le temps que l’Union se prononce sur l’accès du Royaume-Uni à la convention de Lugano.
Sans rentrer dans les détails de l'applicabilité du Règlement Bruxelles 1 Bis, au sein de l’Union, les règles en matière de compétence et de reconnaissance des décisions en matière “civile et commerciale” sont considérablement simplifiées. La reconnaissance et l’exécution d’une décision est garantie, sans qu’il soit besoin de reconnaissances bilatérales et de demandes d’exequatur.
Définition : La procédure d’exequatur est une procédure rendant exécutoire sur un territoire (par exemple en France) une décision judiciaire ou une sentence arbitrale rendue à l’étranger (par exemple au Royaume-Uni).
Entre l’Union et un certain nombre d’États tiers, c’est la Convention de Lugano qui réglemente ces sujets, dans un système moins intégré, mais qui permet également d’éviter la procédure d’exéquatur devant le juge (article 33 de la Convention). Conclue en 1988 et révisée en 2007, la Convention réunit l’Union européenne, la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Danemark (qui a refusé de participer à la Convention de Bruxelles — refondue plus tard en règlement “Bruxelles 1 bis”). Le Royaume-Uni s’est porté candidat à l’adhésion en avril 2019 (FT), soutenu par les pays non-membres de l’Union signataires.
En avril dernier, la Commission avait signalé qu’il existait des raisons pour rejeter la candidature britannique — celle-ci devant être approuvée à l’unanimité des pays signataires — à la Convention de Lugano (FT). En dehors de celle-ci, la reconnaissance et l’exécution des jugements répondent aux règles complexes et imprévisibles du droit international privé. Un refus de l’Union d’accéder à la candidature britannique à la Convention de Lugano équivaudrait à un très hard Brexit pour le secteur du conseil juridique et porterait encore atteinte à l’attractivité de la place de Londres pour ces services, ce qui fait de cette adhésion un important levier de négociation.
Brexiternity, la fin du début du Brexit
Sans escarmouches à Guernesey ni bouchons à Calais, le Royaume-Uni et l’Union ont entamé un nouveau chapitre de leur tumultueuse relation. À 521 pour et 73 contre, les députés des Communes ont largement soutenu l’Accord du 24 décembre, à l’exception des Unionistes nord-irlandais, des Écossais du SNP, et des Libéraux-démocrates. L’Accord s’applique provisoirement, en attendant le vote du Parlement européen (février sans doute). Fin du Brexit ? Bien au contraire, il faudrait plutôt croire au Brexiternity, terme que l’on doit à Denis MacShane. S’ouvrirait ainsi une ère de négociations et de renégociations permanentes de l’Accord.
Un accord sans tarifs ni quotas ? Cela est tout sauf un acquis. Le mécanisme mis en place par l’Accord permettra au Royaume-Uni et à l’Union d’imposer des tarifs douaniers en cas de divergence réglementaire et de subventions indues. Plus les partenaires s’éloignent, plus le coût du commerce augmente. Les barrières non-tarifaires, elles, sont bien réelles, et pourraient coûter jusqu’à 7 milliards de livres en frais administratifs supplémentaires au Royaume-Uni, selon le Trésor (FT). Si les premiers contrôles douaniers se sont effectués “sans aucun problème” au port de Calais le 1er janvier (Le Monde), notamment grâce au système Frontière Intelligente, il est difficile de considérer ce début d’année comme un test pour la gestion des douanes tant l’impact des restrictions de déplacements dues au Covid-19 pèse sur les flux transfrontaliers. Pour résumer, le niveau d’ouverture des échanges sera fonction de la divergence réglementaire, de la préparation des entreprises, et du zèle des autorités douanières à contrôler les flux de marchandises.
Si les relations entre la Suisse et l’UE doivent servir d’exemple, l’Union et le Royaume-Uni seront en négociations perpétuelles. Comme le note The Economist, les Brexiteers épris de liberté vont se rendre compte qu’ils auront du mal à se débarrasser de l’Union européenne.
The art of the deal • Notre analyse de l’accord du 24 décembre
💌 Édition spéciale du 29 décembre 2020
Pour notre édition spéciale complète publiée à l’occasion, cliquez ici.
Pas moins de dix mois de négociation ont été nécessaires pour que les négociateurs tombent d'accord sur les modalités de la coopération entre l'Union européenne et sa voisine d'outre-Manche. L’Accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ("l'Accord")entrera provisoirement en vigueur le 1er janvier 2021. La Chambre des communes est convoquée ce mercredi (30 déc.) pour un vote dont l’issue ne fait aucun doute : les travaillistes et les eurosceptiques de l’influent European Research Group (ERG) ont apporté leur soutien au Premier ministre. Le Parlement européen ne votera qu’en 2021. En effet, l’Accord qui doit être validé à l'unanimité du Conseil d’ici la fin de l’année, et sera ensuite discuté en session plénière au Parlement européen, vraisemblablement en février. Entre-temps, il s’appliquera provisoirement en attendant la signature de l’UE. Comme l’Accord ne touche qu’à ce qu'on appelle les compétences de l’Union (exclusives et partagées), la Commission européenne a proposé qu’il soit seulement ratifié par les eurodéputés — et non par les parlementaires nationaux des États membres.
L’Accord est en réalité triple. Il comporte (i) un accord de libre échange, portant sur la modique somme de 660 milliards de Livres Sterling d’échanges commerciaux, (ii) un accord de coopération policière et judiciaire, et (iii) un accord sur le règlement des différends qui peuvent survenir dans la relation future entre l'Union et le Royaume-Uni.
1259 pages, en six points.
No Tariffs — Il fallait que tout change pour que rien ne change : le Royaume-Uni et l’UE se sont entendus pour exclure les droits de douane et les quotas, bien loin des tarifs qui auraient été appliqués si la relation avait été réglementée par les critères de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pas de barrières tarifaires donc.
En revanche, il y aura nécessairement des barrières non-tarifaires, puisque leur absence équivaudrait à une stricte équivalence des réglementations. En effet, à quoi bon sortir de l’Union si c’est pour conserver une pieuse observance des réglementations européennes ?
Ce traité de libre-échange ne garantit pas le même accès au marché européen qu’une adhésion à l'UE : la règle de l’origine s’applique, les contrôles douaniers sont rétablis, et les produits seront soumis à des réglementations différentes qu’ils devront respecter pour être autorisés à traverser la frontière. Lorsque le pays insulaire était un État membre, une réglementation européenne unique s’appliquait aux produits traversant la "frontière". Pour des secteurs comme l’automobile, l’agroalimentaire ou la chimie, le diable sera dans les détails des mesures non-tarifaires.
“L'Union et le Royaume-Uni constitueront désormais deux marchés distincts, deux espaces juridiques et réglementaires distincts. Cela créera, dans les deux sens, des obstacles inédits aux échanges de biens et services.” — Commission européenne, communiqué de presse du 24 décembre 2020
Pêche — C'est la Sardine qui a bouché le port de Marseille. Grain de sable des négociations cet automne, les quotas de pêche sont soumis à un régime de transition de cinq ans et demi. Les flottes européennes voient leurs quotas de pêche dans les eaux territoriales britanniques baisser de 25% d’ici 2026, date à laquelle les quotas seront soumis à négociation annuelle.
Actuellement, les bateaux britanniques pêchent 50 % des ressources halieutiques dans leurs eaux territoriales et ce chiffre devrait passer à environ 66 %. Pour rappel, la pêche européenne dans les eaux britanniques représente 637 millions d’euros par an. Vu les montants absolus (>0,1% du PIB) et les concessions faites sur ce dossier, il est difficile de croire que le Royaume-Uni était prêt à faire de la pêche un argument de no-deal.
Au-delà des galéjades sur la souveraineté maritime, le principe de réalité s’imposera dès la première négociation des quotas dont nous parlions plus haut (en 2026) : il s’agit d’une négociation bilatérale, la pêche est un secteur parmi d’autre, le RU exporte 80% de sa pêche vers l’UE. L’Écosse, qui souhaite un second référendum sur sa participation au Royaume-Uni, ne trouvera que peu de réconfort dans ce nouveau deal : les quotas européens représentent moins de 5% des quotas totaux de pêche dans les eaux “écossaises”.
Level playing field — Cette expression fait référence à un terrain de jeu parfaitement plat, qui ne favorise ni ne défavorise aucune équipe. Comme l'explique le journal britannique The Economist, elle est utilisée depuis le début des négociations sur le Brexit pour désigner un accord juste et équitable. Effectivement, il ne faudrait pas que l'Accord entre l'Union et le Royaume-Uni ne permette de dumping en matière de concurrence (notamment les aides d'État), de droit du travail, de législation environnementale, ou de fiscalité.
Les deux blocs ont donc mis en place un mécanisme de gouvernance inédit pour assurer un level playing field dans la durée. Il permet à la fois aux États et aux entreprises de contester les subventions et avantages réglementaires indus accordés par l’une des parties. Pour éviter la compétence de la CJUE, l’Accord créé un tribunal arbitral chargé des différends futurs. En fin de compte, un tel mécanisme permet de pallier les distorsions de concurrence et, par ricochet, de rééquilibrer les divergences réglementaires entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
On vous explique ce point en détail plus bas dans cette lettre ▼
Inter alia —C'en est fini de la libre circulation des personnes. C'est le grand retour des permis de travail et autres visa à points pour les travailleurs venant de l’UE, conformément au vœu des Britanniques de contrôler plus strictement leur politique migratoire. Cependant, aucun visa n’est nécessaire pour des voyages de moins de trois mois.
L'île britannique sort aussi du programme Erasmus, et les conséquences en seront importantes concernant les frais de scolarité — qui vont doubler — des étudiants européens au Royaume-Uni. Les qualifications professionnelles ne seront plus reconnues automatiquement par équivalence : ce sera désormais cas par cas et pays par pays.
Ce qu’il reste à négocier — Certains sujets ont été évités et devront faire l’objet de négociations ad hoc. La City fait figure de grande oubliée de l’Accord, qui ne traite pas des services financiers. A ce stade, il n’y a pas de mécanisme d’équivalence qui permet aux sociétés domiciliées au RU de vendre leurs services financiers au sein de l’UE. Des négociations au cas par cas auront lieu en 2021 entre le RU et l’UE sur ces décisions d’équivalence. Les flux de données entre l’UE et le RU sont également suspendus à une décision d’équivalence ultérieure, ce qui pose une importante question de protection des données après les derniers épisodes de la saga Schrems devant la CJUE.
BUDGET — Un contributeur net en moins.Le budget européen représente environ 1% du Revenu national brut (RNB) de l’UE. Le Royaume-Uni était un contributeur important du Cadre financier pluriannuel du bloc européen, malgré le rabais sur sa contribution négocié en 1984 par Margaret Thatcher. La sortie du RU de l’UE coïncide avec le vote du Cadre financier pluriannuel (CFP) pour la période 2021-2027, alors même que le CFP passe de 960 milliards d’euros pour 2014-2020 à 1 074 milliards d’euros pour 2021-2027.
Sur le plan budgétaire, l'UE a changé son fusil d'épaule avec la pandémie de Covid-19, même si parler d’un “moment hamiltonien” peut sembler prématuré. Le 21 juillet dernier, les européens sont parvenus à briser deux tabous budgétaires dans le cadre du plan de relance Next Generation Europe (NGEU), doté de 750 milliards d’euros. D’une part, 52% des fonds seront des subventions et non des prêts. D’autre part, la Commission européenne émettra jusqu’à 100 milliards d’euros d’obligations dans le cadre du programme SURE.
Dans un contexte fiscal détérioré par les effets de la pandémie, le Brexit n’est finalement qu’une charge supplémentaire à mettre d’une Union désormais ouverte aux transferts fiscaux et à l’emprunt.
Mutations du virus, impasse des négociations
💌 RevUE et podcast du 22 décembre 2020
Sur fond de Covid-19 mutant et d'embouteillages à Douvres, Boris Johnson a déclaré hier qu’il refuserait l'extension de la période pour négocier un accord avec l’UE au-delà du 31 décembre (FT). De leur côté, les parlementaires européens ont refusé dimanche (20/12) de signer pour la ratification d’un accord avant la fin de l’année.
Les points de désaccord concernant la concurrence et la gouvernance du futur accord auraient, semblent-ils, été réglés d’après Les Echos. Les négociations patinent toujours sur le sujet de la pêche sujet sur lequel les “différences substantielles” n’ont toujours pas été surmontées (FT). Pour rappel, les bateaux européens pêchent l’équivalent d’un montant de 650 millions d’euros par an dans les eaux territoriales britanniques.
Depuis des semaines, les ultimatums se suivent et se ressemblent tous, chaque dimanche est fixé comme une nouvelle véritable date butoir. À ce stade, Downing Street n’exclut pas de soumettre un document au vote entre Noël et le jour de l’An. Du côté de l’hémicycle européen, il n’y aura pas d’accord ratifié avant le 31 décembre, mais la Commission songe à appliquer provisoirement l’accord (si accord il y a) en attendant un vote pour la ratification.
No deal, and maybe no no-deal
Après un entretien téléphonique ce dimanche (13/12), Ursula von der Leyen et Boris Johnson ont décidé “de poursuivre les discussions et de voir si un accord peut encore être atteint, même à cette étape tardive”, sous les applaudissements du marché des changes, où la Livre était en forte augmentation ce lundi (FT). Londres considère désormais le no-deal comme un “potential outcome”, et non plus comme “the most likely”.
Le discours officiel est identique chaque semaine : des progrès, mais des divergences importantes. Dans son briefing hebdomadaire aux ambassadeurs des États membres ce lundi, Michel Barnier gardait l’espoir d’un deal. Les discussions autour de la pêche se sont envenimées la semaine dernière, lorsque l’on imaginait la Royal Navy venir défendre The English Channel (la Manche) en cas de no-deal (Le Monde). Le négociateur européen a souligné des avancées en matière de concurrence : le Royaume-Uni aurait accepté l’idée d’un mécanisme de garantie d’une concurrence juste et équitable entre les sociétés européennes et britanniques permettant d’imposer des droits de douane en cas de déviation réglementaire ou d’aides d’État indues. Sur le plan économique, il va sans dire que des concessions britanniques sur le level playing field sont plus cruciales encore que celles qui pourraient être accordées par l’UE sur la pêche, et ce alors qu’un important syndicat de pêcheurs écossais a pressé le Premier ministre à trouver un accord commercial ce lundi (FT).
Les deadlines continuent d’être repoussées, et certains négociateurs britanniques laissent entendre que Noël pourrait ne pas être chômé, tant aux Communes et à Downing Street qu’au Parlement européen et au Berlaymont. Pour prendre de la hauteur, nous vous recommandons ce papier d’Adam Tooze, historien et professeur à Yale.
“Make or Break”
La conversation téléphonique d’une heure et demie entre le Premier Ministre britannique et la Présidente de la Commission européenne hier (07/12) n’a débouché sur aucun accord. Les négociations vont donc se poursuivre à Bruxelles jusqu'à mercredi, veille d'un sommet européen stratégique. Dans le FT, le Vice-Premier ministre irlandais se prépare à un no-deal alors que l’eurodéputée Nathalie Loiseau décrit une situation “acrobatique”.
Hier, alors que la Livre Sterling décrochait, le Premier ministre britannique a annoncé, sous condition d’accord sur le Brexit, la désactivation de la controversée Internal market bill. Ce texte aurait autorisé le Royaume-Uni à contrevenir à l’accord de retrait signé avec l’UE en janvier 2020, notamment à la frontière nord-irlandaise. La renonciation des Britanniques à violer les dispositions de ce traité international était peu susceptible de faire bouger les lignes, comme l’a démontré l’absence de compromis entre Johnson et Von der Leyen lundi.
Après les menaces de veto de Jean Castex à Boulogne-sur-Mer la semaine dernière, un groupe, ou “banc de pays” devrait-on dire, se détache : celui des États membres qui refuse qu’un agenda serré ne conduise à de trop généreuses concessions envers le Royaume-Uni. On y trouve la France, les Pays-Bas, le Danemark, l’Italie et l’Espagne, qui partagent la crainte que l’Allemagne, nageant à contre-courant, ne pousse à consentir à des concessions trop importantes (FT). À moins que celle-ci ne joue le “good cop”, auquel cas on assistera à un numéro de natation synchronisée devant le Conseil européen de jeudi (10 et 11/12).
Pour faire ratifier un accord de plus de 700 pages par les Parlements européen et britannique, la date fatidique demeure le 31 décembre. Si nous évoquions la semaine dernière la possibilité d’une extension via les “review clauses” (voir ici), Downing Street semble désormais exclure cette option, préférant brandir la menace d’un “no-deal”.
Aucun accord sur un désaccord
Mercredi dernier (25/11), la Présidente de la Commission européenne déclarait aux eurodéputés ne pas savoir s’il y aurait un accord à temps. Les négociations sur la pêche, les aides d’État, et le règlement des différends bloquent encore et toujours, alors qu’un accord doit être trouvé et ratifié avant le 31 décembre.
Désormais, les négociateurs sont en désaccord sur la façon de remettre à demain leurs désaccords, comme le souligne le FT. En cause, la mise en place d’une clause de revue, qui permettrait la mise en œuvre du Deal en l’état dès le 1er janvier, remettant à plus tard la négociation des clauses débattues. Les Britanniques proposent une période de 4 ans, à l’issue de laquelle l’UE examinerait si le Royaume-Uni s’est comporté de manière déloyale par rapport à ses engagements en matière de concurrence, pour le cas échéant, répliquer avec des tarifs douaniers. Pas question pour l’UE, qui considère que des tarifs douaniers ex-post sont une bien modeste contrepartie par rapport au risque de divergence réglementaire.
Rappelons que les services financiers, grands oubliés des négociations (ce ne sont que des accords ad hoc, et donc en dehors du fameux Deal) contribuent au PIB britannique à hauteur de 132 milliards d’euros, soit 200 fois ce que représente la pêche des bateaux européens dans les eaux britanniques (650 millions d’euros). Pour les travailleurs des docks, admettons-le, un accord ad hoc irait mieux aux pêcheurs qu’aux traders 👀.
“Connection instable”
Un négociateur européen a été testé positif à la Covid-19. Préméditée ou non, cette infection force à des discussions par visioconférence. Lundi soir, le FT révélait que les négociateurs réfléchissaient à introduire des “review clauses” pour sortir de l’impasse. Ces clauses permettraient de signer l’accord, en gardant la possibilité de renégocier certaines clauses du deal.
Depuis plusieurs semaines, le discours est le même : des progrès substantiels ont été effectués mais des divergences importantes persistent (pêche, aides d’État, règlement des différends). Si un accord est trouvé, il devra être traduit dans les 24 langues officielles de l’UE, et voté en Grande-Bretagne comme au Parlement européen, en session plénière lors de la semaine du 14 décembre. Certains députés européens n’entendent pas que le vote ne soit qu’un “coup de tampon”comme l’a souligné Manfred Weber (PPE), ou Rishi Sunak, le Chancelier de l’Échiquier, qui mettait en garde ce dimanche contre l’acceptation d’un compromis à tout prix.
Les commentateurs soulignent que passé le 30 novembre, les chances de ratifier l’accord avant le 31 décembre seront quasiment nulles. En toute hypothèse, une application provisoire, évoquée vendredi dernier, pourrait permettre d’attendre la ratification du texte. Ce week-end, le Canada et le Royaume-Uni ont signé un accord commercial calqué sur les termes du CETA conclu entre l’UE et le Canada, qui entrera en vigueur le 1er janvier...
“Le temps presse”
“Le temps presse”, soulignait dimanche le ministre irlandais des affaires étrangères, Simon Coveney, alors que Boris Johnson est confiné au n°10 Downing St après avoir été en contact avec un Tory “covidé”. Des deux côtés, les négociateurs annoncent une semaine de négociations cruciale, alors qu’il ne reste que six semaines avant le 31 décembre, alors que deux proches conseillers du Premier ministre ont quitté Downing St.
Le départ de Dominic Cummings, véritable cerveau de la campagne Vote Leave, donne au Premier ministre l’opportunité de prendre un nouveau départ, loin des stratégies agressives que l’on connaît au spin doctor du Brexit. Cette stratégie a notamment conduit au récent revers à la Chambre des Lords sur le vote de l’Internal Market Bill, qui devait permettre au gouvernement de revenir, en violation du droit international, sur certains engagements pris avec l’UE, ce qui avait provoqué l’envoi au gouvernement d’une lettre de mise en demeure pour manquements aux obligations par la Commission européenne.
Le négociateur britannique, David Frost, soulignait ce dimanche des avancées lors de la semaine passée, lors de laquelle Michel Barnier était à Londres et a pu donner à ses abonnés Twitter une illustration concrète de ce qu’est un level playing field à Regent’s Park. De son côté, Politico soulignait plutôt l’absence de progrès, notamment sur la pêche et le régime des aides d’État.
Pour qu’un accord puisse entrer en vigueur avant le 31 décembre, il doit être ratifié par la Chambre des communes et le Parlement européen, qui a prévu un vote lors de sa dernière session plénière, la semaine du 14 décembre.
Hail the Lords !
Le Premier ministre britannique et la Présidente de la Commission européenne se sont entretenus par téléphone samedi, alors que la presse britannique avance que le Royaume-Uni pourrait se retrouver bien seul après l’élection de Joe Biden à la présidence des États-Unis (The Guardian, BBC News).
Toujours les mêmes deux sujets au menu de ces négociations : les poissons et le « safety net » en matière de concurrence. Malgré quelques annonces enthousiastes, les désaccords persistent. Le 1er janvier, le Royaume-Uni doit perdre les bénéfices des 44 traités commerciaux préférentiels conclus par l’UE, couvrant 77 pays en tout. Les négociations commerciales du Royaume-Uni avec le Canada et Singapour sont toujours en cours, alors que le gouvernement a déjà signé de tels accords avec le Japon et la Suisse.
Les négociations entrent dans une période critique, alors qu’un bras de fer britannico-britannique est engagé entre le Gouvernement et la Chambre des Lords sur le projet de loi sur le marché intérieur. Ce texte devait permettre au gouvernement de se défaire des dispositions relatives à la frontière irlandaise – le fameux backstop – signées dans le cadre de l’accord de l’année dernière avec l’UE. Les Lords votent ce lundi pour empêcher le gouvernement de faire ce volte-face contraire aux engagements internationaux du Royaume-Uni.
Lundi soir, le gouvernement semblait toujours jouer le bras de fer, annonçant qu’il réintroduirait les clauses en question si celles-ci étaient retirées de l’accord par les Lords. Mais cette attitude risque de compromettre la position britannique vis-à-vis du président-élu des États-Unis, fier de ses origines catholiques irlandaises et très attaché à la préservation de l’accord du Vendredi Saint.
Sprint ?
Les négociateurs européens et britanniques se sont fixés une date butoir à la mi-novembre, le texte devant faire l’objet d’un vote à la fois au Parlement européen et à la Chambre des communes avant le 31 décembre. Pour cette dernière ligne droite, les réunions entre les équipes de David Frost et de Michel Barnier ont lieu tous les jours.
L’atmosphère a changé par rapport à octobre. Si des progrès “substantiels” ont été accomplis la semaine dernière à Londres, selon les sources du FT, peu d’éléments concrets ont fuité. Alors que les négociations ont repris vendredi à Bruxelles, la pêche et les aides d’État demeurent au centre des crispations. Selon Les Echos, une ébauche de texte était en préparation vendredi, elle pourrait lier l’accès au marché commun avec le respect du droit européen de la concurrence, mais sans imposer la compétence de la CJUE, au profit d’un tribunal arbitral.
Prochaine échéance: ce mercredi 4 novembre. Si le compromis approche, la négociation aura lieu entre l’exécutif européen et le Premier ministre britannique ; sinon, l’UE devra à nouveau consulter les États membres.
La City laissée pour compte ?
Ce lundi, l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA en anglais) a assoupli ses lignes directrices antérieures qui prévoyaient que le trading d’actions européennes devrait être effectué depuis le continent, à partir de janvier 2021. Désormais, l’ESMA considère que ces titres pourront être échangés sur des plateformes basées à Londres si elles sont libellées en livres sterling.
La Corporation de la City de Londres considère que les services financiers sont les grands oubliés des négociations entre l’UE et le Royaume-Uni. En l’état actuel des négociations, l’accord conclu entre le Royaume-Uni et le Japon, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021 accordera un accès plus large aux services financiers pour le Royaume-Uni à Tokyo qu’au sein de l’UE.
Alors que David Frost et Michel Barnier ont repris leurs discussions à Londres jusque dimanche 25 octobre avant de continuer à Bruxelles, certains s’étonnent que les pêcheurs comptent plus que les traders. Pour le Royaume-Uni, les services financiers représentent 10 % des recettes fiscales, soit environ 75 milliards de livres et un excédent de 44 milliards de livres pour la balance commerciale.
Le régime d’équivalence est au cœur de la négociation en matière de services financiers. Il permet aux services financiers de pays tiers (assurances, banques, fonds de pension, etc) d’avoir directement accès au marché européen, la Commission disposant d’un droit discrétionnaire de retirer cette équivalence à ces prestataires de services au cas par cas. Le Royaume-Uni a très vite fait montre d’une grande ouverture aux sociétés européennes en matière d’équivalences. Cependant, à ce jour, la seule équivalence donnée par l’UE concerne l’accès aux chambres de compensation (clearing houses) situées au Royaume-Uni pour les clients européens jusqu’en 2022. Cela constitue un bien maigre bilan pour le Royaume Uni qui escompte depuis 2016 une plus grande ouverture côté européen.
Menaces d’un no-deal
Pendant le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers, le premier ministre britannique Boris Johnson a une nouvelle fois menacé l’Union européenne à coups de no-deal, à moins que l’UE n’oriente les négociations de manière fondamentalement différente. Tenaces, les vingt-sept résistent, sous la pression des parlementaires qui les exhortent (dans cette tribune) à ne pas conclure de traité de libre-échange avec le Royaume-Uni tant qu’aucun accord de pêche équilibré n’a été trouvé.