RevUE du 3 novembre 2020
Attaque à Vienne, Trade War, Lobbying chez Google, Budget, Brexit et Salaire minimum - What's up EU!
Bonjour et bienvenue dans la Revue européenne. Nous éditons le mardi (et le vendredi quand l’agenda des institutions est chargé) une newsletter documentée et lisible pour vous informer sur l’actualité européenne de la semaine.
ATTAQUE À VIENNE — Qualifiée d’attaque terroriste par le chancelier autrichien, Sebastian Kurz, une fusillade a fait au moins trois morts (dont un assaillant, sympathisant de l’État islamique) et quinze blessés dans la capitale autrichienne hier soir (les chiffres datent de ce matin). Une opération de police d’envergure est toujours en cours dans plusieurs points de la capitale autrichienne.
L’Union européenne a condamné ces violences avec fermeté et les plus hauts représentants de l’Union se sont tous exprimés en soutien à l’Autriche. Parmi eux, Charles Michel, Président du Conseil a condamné une “attaque horrible” qui “viole la vie et nos valeurs humaines”, David Sassoli, Président du Parlement, “la tristesse et l’horreur de cette nouvelle attaque”, et Josep Borrel, Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, a dénoncé un “acte lâche”.
TRADE WAR — Boeing comme Airbus font face à une année marquée par une baisse de 60% du trafic aérien mondial. Pour aider à financer les plans de relance, les Européens peuvent néanmoins compter sur les droits de douane qu’ils pourront imposer aux États-Unis à partir du 10 novembre dans le cadre du contentieux qui oppose les deux blocs devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC).
Jusqu’à aujourd’hui, mardi 3 novembre, les États membres peuvent donner leur avis sur une liste de produits américains qui devraient faire l’objet de droits de douane, pour un total de 4 milliards de dollars. Ces nouveaux tarifs ont l’aval de l’OMC, qui a autorisé l’UE à prendre des mesures de rétorsion pour des crédits d’impôts illégaux attribuées à Boeing.
Si les Allemands se sont montrés prudents à l’idée d’imposer ces mesures pendant la période des élections présidentielles outre-Atlantique, la France a manifesté plus de volontarisme. Jusqu’ici, les États-Unis n’ont pas imposé le montant maximal de droits de douane autorisé dans le cadre du même contentieux. L’OMC permet aux États-Unis de viser 7,5 milliards de dollars de produits européens, pour une aide illégale accordée à Airbus.
DIGITAL SERVICES ACT — Le lobbying agressif de Google. Il y a quelques jours, des journalistes du Point et du FT ont eu accès à un document interne — et confidentiel — destinés aux équipes de lobbying de Google et détaillant la tactique du géant numérique pour faire pencher en sa faveur le Digital Services Act, et sa petite sœur, le Digital Markets Act. Avec le budget lobby le plus important des GAFAM en Europe (soit plus de 8 millions d’euros), Google prévoit un plan d’action remarquable, de deux mois, pour supprimer les “contraintes déraisonnables” qui pèsent sur son modèle commercial et “redéfinir le discours politique” autour de la législation proposée.
Pour mettre la pression sur le Commissaire en charge du marché intérieur, Thierry Breton, et “instiller des points de désaccord” au sein même de la Direction générale de la concurrence, le document récupéré par la presse parle par exemple d’organiser des entretiens avec des commissaires européens comme Roberto Viola (directeur de la DG Connect), des rencontres avec des ministres et des eurodéputés de différents groupes, de sponsoriser des publications et … de mobiliser l’État américain via des ambassades et le bureau du représentant du commerce.
“Too big to care” — Thierry Breton
Ces révélations ne vont certainement pas rendre plus audible le discours de Google envers les institutions européennes, dans un contexte où l’on s’interroge sur la pertinence de diviser la superstructure, devenue “too big to care” selon la formule de Thierry Breton.
BUDGET CONFINÉ — Le “distanciel” ne fait pas disparaître les désaccords sur un budget européen historique, inédit, et difficile. Les négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP) pour 2021-2027 et le fond de relance Next Generation EU (NGEU) se poursuivent, alors que Bruxelles vit confinée.
Ce budget est à décomposer en deux parties : le CFP à proprement parler, de 1 074 milliards d’euros, auquel s’ajoute le fonds de solidarité Next Generation EU (“NGEU”), dont l’enveloppe est de 750 milliards d’euros, composée de prêts et de subventions. Le NGEU vient par exemple financer à hauteur de 40% France Relance, soit 40 milliards d’euros du plan de relance français.
Les négociations sont actuellement dans une impasse, selon Euractiv, faisant peser l’inquiétude d’un retard dans le déboursement de la première tranche d’aide, au moment même où l’économie va être de nouveau durement frappée par les effets économiques des politiques de confinement. Si le printemps et l’été ont vu certains espérer un moment fédéraliste “hamiltonien” au niveau européen, l’automne est plus… “jeffersonien”.
Deux séries de blocages sont à souligner, ils sont à la fois institutionnels et thématiques. Entre le Parlement européen et les États membres d’une part. Depuis deux semaines, le Parlement demande 39 milliards d’euros supplémentaires dans le cadre du CFP, pour des programmes comme Erasmus, alors que l’Allemagne, qui exerce la présidence semestrielle tournante du Conseil des ministres de l’Union, ne propose qu’un peu moins de 10 milliards d’euros. Le Parlement entend également consacrer de nouvelles “ressources propres” — des impôts européens — nécessaires pour rembourser les 390 milliards d’euros du fonds de relance, sauf à augmenter la contribution des États membres. Entre les États membres d’autre part. Ces désaccords concernent la taille du budget (tant le CFP que le NGEU) mais aussi la conditionnalité des aides du NGEU au respect des droits de l’Homme (voir ici une note de l’Institut Jacques Delors sur le sujet).
Frugalité des uns, droit-de-l’hommisme des autres, sur fond de luttes institutionnelles et de résurgence de la pandémie de Covid-19, dans l’impasse des négociations, les mesures de relance tarderont à faire sentir leurs effets.
BREXIT DIARIES — Les négociateurs européens et britanniques se sont fixés une date butoir à la mi-novembre, le texte devant faire l’objet d’un vote à la fois au Parlement européen et à la Chambre des communes avant le 31 décembre. Pour cette dernière ligne droite, les réunions entre les équipes de David Frost et de Michel Barnier ont lieu tous les jours.
L’atmosphère a changé par rapport à octobre. Si des progrès “substantiels” ont été accomplis la semaine dernière à Londres, selon les sources du FT, peu d’éléments concrets ont fuité. Alors que les négociations ont repris vendredi à Bruxelles, la pêche et les aides d’État demeurent au centre des crispations. Selon Les Echos, une ébauche de texte était en préparation vendredi, elle pourrait lier l’accès au marché commun avec le respect du droit européen de la concurrence, mais sans imposer la compétence de la CJUE, au profit d’un tribunal arbitral.
Prochaine échéance: ce mercredi 4 novembre. Si le compromis approche, la négociation aura lieu entre l’exécutif européen et le Premier ministre britannique ; sinon, l’UE devra à nouveau consulter les États membres.
SALAIRE MINIMUM EUROPÉEN — Mercredi dernier (28 octobre), la Commission a dévoilé un projet de directive visant à protéger les travailleurs de l’Union par des “salaires minimaux adéquats”.
La directive propose un cadre pour des normes minimales et précise qu’elle “n’oblige pas les États membres à instaurer un salaire minimum légal, pas plus qu’elle ne fixe un niveau commun de salaire minimal”. La Présidente, Ursula von der Leyen, a bien souligné que la proposition vise “un cadre concernant les salaires minimaux, dans le respect plein et entier des traditions nationales et de la liberté des partenaires sociaux”. Si la Commission n’a pas compétence pour imposer un salaire minimum à l’échelle de l’Union, elle peut enjoindre les États membres à utiliser ses indicateurs, et à accompagner la montée en compétence par une hausse des salaires.
Actuellement, six pays européens fixent les salaires par convention collective, sans salaire minimum légal. Les pays nordiques, Suède et Danemark en tête, s’opposent au projet de la Commission, ils y voient une attaque de leur modèle. Des représentants d’intérêts comme des syndicats, s’inquiètent qu’une directive ouvre le porte au contrôle par la CJUE des législations nationales en matière de marché du travail, selon le FT.
RAPPORT — Les librairies sont malheureusement fermées, voilà donc de quoi lire en attendant : le service “Science” de la Commission a publié la semaine dernière un rapport de 172 pages sur le thème des réseaux sociaux , “Technologie et démocratie : comprendre l'influence des technologies en ligne sur les comportements et les décisions politiques”.
Le rapport analyse la manière dont les plateformes ont révolutionné la façon qu’ont les Européens de vivre la politique, en permettant notamment aux minorités d’occuper le devant de la scène. L’étude se concentre sur quatre points clefs : la désinformation, la sélection du contenu par les algorithmes, les “choice architectures” et “l’économie de l’attention”, c’est-à-dire toute l’activité commerciale qui dérive de l’attention et de l’engagement des internautes, vendus comme des produits aux annonceurs.
De façon assez originale, les auteurs du rapport offrent in fine une analyse prospective en anticipant quatre paradigmes possibles définissant “l'espace européen de l'information” en 2035 (dont vous avez un extrait ci-dessous👇).
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Excellente newsletter, bravo Agnès