RevUE du 23 octobre 2020
Agriculture, Application de traçage Covid, Health Data Hub et Euro digital - What's up EU!
Bonjour et bienvenue dans la Revue européenne. Nous éditons le mardi et le vendredi une newsletter documentée et lisible pour vous informer sur l’actualité européenne de la semaine.
AGRICULTURE — Virage au vert 🌿. Le Conseil “Agriculture et pêche” a réuni les ministres de l’agriculture des 27 États membres les 19 et 20 octobre 2020. Après d’âpres négociations, ils sont parvenus à un accord sur une orientation générale pour réformer la politique agricole commune (PAC) qui sera désormais plus “simple” et plus “verte”. Plus simple, parce que les contrôles devraient être allégés pour les petits exploitants. Plus verte, dès lors que le projet comprend des règles environnementales plus contraignantes et notamment la création d’ « éco-régimes », un système d’aides conditionnées à l’effort écologique des agriculteurs. La nouvelle PAC ne fait pas l’unanimité : pour les eurodéputés verts, des ONG et Greta Thunberg 👇(notamment), cette politique manque d’ambition environnementale.
Premier poste budgétaire de l’UE, la PAC représente un budget de 387 milliards d'euros sur sept ans. Sur cette somme, la France toucherait 62 milliards d'euros pour subventionner ses agriculteurs.
En matière de pêche, et pour favoriser la reconstitution des stocks de poissons, les ministres se sont mis d’accord pour réduire les totaux admissibles des captures (TAC) de certains poissons (les harengs notamment) et pour fixer les quotas de chaque État membre pour les stocks halieutique de la mer Baltique 🐠.
TRAÇAGE COVID 🕸 — L’Union européenne met en service une “passerelle d’intéropérabilité” entre les États membres pour connecter les applications mobiles de traçage entre elles. Concrètement, un voyageur ayant l’application allemande peut se rendre en Italie et sera averti en cas de contact rapproché avec un porteur du virus utilisant l’application italienne — et inversement. La majorité des États membres (dont l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Belgique) est déjà connectée ou le sera dans les jours qui suivent. Mais ce n’est pas le cas de la France et de la Hongrie : dans ces deux États, l'application est dite “centralisée”, et ce modèle (d’ailleurs controversé) n’est pas encore supporté par la technologie développée par les entreprises System-T et SAP pour l’UE.
Source : Commission européenne
HEALTH DATA HUB — La saga Schrems en France. Le juge des référés du Conseil d’État s’est prononcé sur la demande de suspension du Health Data Hub. Cette plateforme française, lancée fin 2019, agrège les données de santé pour permettre à des scientifiques d’accéder aux données anonymisées. Cette dernière décision intervient après le retentissant arrêt Schrems II — dont nous avions parlé ici — par lequel la Cour de justice de l’Union a jugé insuffisante la protection offerte par le Privacy Shield, qui encadrait le transfert de données États-Unis-UE. Le Privacy Shield servait de base légale aux transferts de données opérés par Microsoft, dont le service Azure agrège les données du Health Data Hub.
Malgré cela, le Conseil d’État a jugé que le risque que les services de renseignement américains accèdent à ces données ne justifiait pas une suspension du Health Data Hub, notamment en raison de son utilité pour la gestion de la crise sanitaire. Si le juge relève que le contrat interdit les transferts de données hors de l’UE, il enjoint à la plateforme de renforcer le contrat qui la lie à Microsoft. La CNIL sera chargée d’instruire les demandes d’autorisation des projets utilisant la plateforme, pour opérer un contrôle de proportionnalité entre le risque encouru par l’utilisation de la plateforme et la nécessité du projet, eu égard à la crise sanitaire actuelle. Le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, a par ailleurs indiqué le 8 octobre devant le Sénat que le Gouvernement envisageait de transférer le Health Data Hub sur une plateforme française ou européenne.
CORRUPTION — Passeport doré. Après la révélation de quelques scandales (impliquant des organisations criminelles), Chypre a mis fin cette semaine au controversé “passeport doré” qui a permis à plus de 3 000 étrangers ayant accepté d'investir au moins 2 millions de dollars dans le pays de voyager sans visa dans toute l'Union européenne.
Pour mémoire, c’est en tant que territoire divisé que Chypre a adhéré à l’Union européenne en 2004. Mais c’est en revanche l'ensemble de l'île qui fait partie de l'UE : les Chypriotes turcs qui vivent sur un territoire contrôlé par la Turquie sont bien citoyens européens et citoyens d'un pays membre de l'UE (Chypre).
EURO DIGITAL 💶 — « Qu’attendez-vous en priorité de la création d’un euro digital ? ». C’est la question que vous pose la Banque centrale européenne, et vous pouvez y répondre ici. Nous en avions parlé la semaine dernière, la BCE s’active sur l’euro digital. Après le rapport publié le 2 octobre, la banque européenne a ouvert une consultation jusqu’au 12 janvier 2021, devant aboutir à une décision quant au lancement d’un projet test d’euro digital d’ici le milieu de l’année 2021.
Si les espèces représentent toujours la moitié des transactions au sein de l’UE, les plans à l’étude depuis 2016 ont été accélérés par le lancement du Libra par Facebook au printemps dernier, l’expérimentation menée par la Banque centrale chinoise (PBoC) d’un Yuan digital dans quatre villes chinoises, et par le recours accru aux paiements en ligne lors de la pandémie de Covid-19. Les plans de la BCE interviennent alors que la Commission entend combler le vide juridique qui entoure les crypto-monnaies privées au sein de l’UE.
À la différence de ces crypto-monnaies, l’euro digital serait une monnaie digitale de banque centrale (MDBC). En l’état actuel, les banques commerciales créent environ 90% de la monnaie en circulation, via le mécanisme de crédit. La question de l’intermédiation bancaire est donc cruciale pour les banques européennes, dont la position est fragile. Un « portefeuille digital » de dépôts à la BCE échapperait ainsi complètement au système bancaire. Autres questions centrales : l’euro digital serait-il anonyme ? et en cas d’abandon des espèces, un euro digital à la traçabilité complète signerait-il la fin de l’anonymat des transactions ?
Et pour information👇
USAntitrust 🇺🇸
L’information à ne pas manquer la semaine dans la planète concurrence était l’ouverture d’une enquête gigantesque à l’encontre de Alphabet, société mère de Google. Le géant est accusé par le Department of justice (DoJ, vous trouverez la plainte ici), le Congrès et 50 États et territoires d’avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la recherche en ligne et de la publicité via des accords conclus avec des entreprises comme Apple. Google aurait payé Apple des milliards de dollars par an pour que son moteur de recherche soit l’option par défaut des iPhones et autres appareils de la marque américaine.
Comme l’analyse l’auteur américain Matt Stoller dans son article The Google Suit: We're All Anti-Monopolists Now, cette enquête est un véritable tremblement de terre idéologique pour les autorités américaines, qui jusqu’alors étaient plutôt réticentes à sanctionner leurs “champions” — contrairement à la Commission européenne qui prône depuis toujours la protection du consommateur, parfois au détriment de la compétitivité de son industrie.
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