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Mésentente cordiale des deux côtés du Rhin et de l’Atlantique
Le 26 Octobre, la rencontre entre Emmanuel Macron et Olaf Scholz à l'Elysée n’a été conclue par aucune déclaration commune. Les commentateurs allemands se sont émus que la présidence de la République ait fait patienter la voiture du Bundeskanzler devant les grilles de l’Élysée. Pour autant, l’UE fait front commun face aux États-Unis, dont l’Inflation Reduction Act menace notamment l’industrie automobile européenne.
PAS UN DÎNER DE GALA • Entre des désaccords sur la solution à apporter à la crise énergétique, une vision différente sur le futur des relations avec la Chine, un regard allemand tourné vers l’Europe de l’est et des incompréhensions sur la défense, la locomotive franco-allemande cale. Le 21 Octobre, Emmanuel Macron déclarait au Conseil de l’UE que l’Allemagne s’était “isolée” dans son opposition à l’idée d’un price cap sur le gaz. Quelques jours plus tard, l'annulation d’un sommet franco-allemand — pour des raisons divergentes des deux côtés du Rhin — révélait au grand jour les difficultés que rencontrent les deux pays à s’entendre.
EAU DANS LE GAZ • La France et l’Allemagne se sont opposés quasi systématiquement durant les dernières semaines au Conseil. Avec d’autres pays membres, la France s’est inquiétée des effets du plan allemand de 200 milliards d’euros visant à protéger les ménages contre les prix élevés de l’énergie, soulignant le manque de coordination de l’Allemagne au niveau européen et les possibles effets négatifs sur le marché commun.
Hier encore, après avoir cédé à l’idée d’un price cap temporaire sur les prix du gaz naturel, l'exécutif allemand a de nouveau critiqué la possibilité de lever de la dette au niveau européen : “We shouldn’t be raising the idea of more common borrowing by the EU at every opportunity, whenever we need more investment”, a appuyé dans le FT le ministre des finances allemand Christian Lindner.
La France reproche également à l’Allemagne ses investissements en matière de défense, voyant d’un mauvais œil l’achat d’équipement américain au détriment de l’industrie européenne — et française. De son côté, l’Allemagne n’a pas digéré l’opposition française au projet de pipeline Midcat — qui ne verra finalement pas le jour.
INFLATION REDUCTION ACT • Pour autant, le terrain d’entente entre les deux leaders européens existe bel et bien. En août dernier, Olaf Scholz expliquait vouloir une Europe “souveraine” et “géopolitique” —des termes qui font écho à la vision de l’UE qu’Emmanuel Macron défend depuis son discours de la Sorbonne en 2017.
Annoncé cet été, le plan de Biden pour lutter contre l’inflation (IRA) pourrait considérablement favoriser l’industrie américaine à travers des abattements fiscaux pour l'achat de voitures électriques produites sur le territoire des Etats-Unis, ce qui causerait des pertes de compétitivité conséquentes pour les producteurs européens, qui souffrent de prix de l’énergie décuplés du fait du renchérissement des importations — notamment étatsuniennes — de matières premières.
BUY EUROPEAN ACT • Le gouvernement français estime que les relocalisations vers les Etats-Unis qu’engendrerait ce plan pourraient lui coûter 8 milliards d’euros en investissements. Les leaders franco-allemands se sont accordés sur ce point lors de leur déjeuner à l’Elysée.
“Vous avez la Chine qui protège son industrie, les Etats-Unis qui protègent leur industrie, et l’Europe qui est ouverte à tous les vents. On doit changer. (...) On doit avoir un Buy European Act. C’est une des choses dont j’ai discuté ce matin avec le chancelier Olaf Scholz (...), on a eu une vraie convergence pour avancer sur le sujet” — a déclaré Emmanuel Macron, interviewé sur France 2 le 26 octobre.
Le ministre des finances allemand Christian Lindner estime qu’il est surtout important de créer de meilleures conditions pour les investissements au sein du marché unique, jugeant que l’adoption d’un mécanisme d’aide européen en réponse aux mesures de l’IRA ne serait pas une réponse adéquate.
STRATÉGIE • Si une plainte devant l’OMC apparaît comme une solution potentielle pour l’UE, la piste privilégiée reste celle des négociations. “We want Washington to apply the rules in a generous way. This is our best scenario”, rapporte le Financial Times. Mercredi dernier, Ursula von der Leyen, son chef de cabinet Bjoern Seibert et Mike Pyle, conseiller adjoint américain à la sécurité nationale, ont échangé sur le sujet à Berlin.
Le lendemain, la Commission a lancé un groupe de travail entre les Etats-Unis et l’UE, qui examinera la question dans l’optique d’une “coordination étroite pour soutenir des chaînes d’approvisionnement durables et résilientes dans toute la région atlantique, y compris pour construire une économie fondée sur les énergies propres”.
TTC • La première réunion de la task force se tiendra cette semaine. Les États-Unis et l’UE ont déjà lancé un forum de coopération pour discuter des questions commerciales et technologiques — le Trade and Technology Council — dont la prochaine réunion est prévue en Décembre.
Inter alia — Twitter, Benvenuti Sunak & Meloni, Ciao les moteurs polluants, Paiements instantanés
ELON • “The bird is free”, s’est enthousiasmé — sur Twitter évidemment — le futur propriétaire du réseau social, Elon Musk. Et Thierry Breton de lui donner la réplique quasi-immédiatement: “In Europe, the bird will fly by our [European] rules”, suivi du hashtag #DSA. Le technoking de Tesla devenu Chief Tweet de Twitter a fait part de ses ambitions réformatrices pour la modération des contenus et la façon dont le réseau social génère l'essentiel de ses 5 milliards de dollars annuels de revenus i.e., la publicité ciblée en ligne.
Il aura cependant à accorder ses violons avec le king du marché intérieur européen, Thierry Breton. Avec le DSA, l’UE ambitionne de donner le la de la réglementation des contenus en ligne, et dispose à la fois du muscle réglementaire pour le faire et de son marché intérieur, fort de 450 millions de consommateurs. Les deux ont déjà échangé sur le sujet en mai dernier.
“You want to enter into Europe? These are our rules”, avait déclaré Thierry Breton dans une interview sur Bloomberg Television. Le Digital Services Act, qui a été publié au Journal Officiel de l’UE la semaine dernière, viendra d’ici 2024 encadrer le fonctionnement des grandes plateformes telles que Twitter, de leur utilisation des données personnelles à leur impact systémique sur les systèmes électoraux.
GIORGIA • Lors de son premier discours devant le Parlement italien, Giorgia Meloni a cherché à rassurer les cercles internationaux sur l'engagement de l'Italie envers l'UE et l'OTAN. Mme Meloni a clairement indiqué qu'elle n'était pas tendre avec la Russie, alors que plusieurs de ses camarades de coalition sont considérés comme étant un peu trop proches de Poutine.
Elle a promis de travailler de manière constructive avec ses partenaires européens et a rencontré le Français Emmanuel Macron. Le successeur de Mario Draghi a fait l'éloge du plan de relance européen "Next Generation" et a défendu la suspension du pacte de stabilité et de croissance, le règlement de l'UE en matière de dette et de déficit, dont l'avenir fait actuellement l'objet de vifs débats dans les cercles européens.
RISHI • Le Royaume-Uni, ou Britaly pour les lecteurs de The Economist, a également un nouveau leader, Rishi Sunak. Le nouveau Premier ministre britannique a déclaré que le projet de loi sur l'UE de Jacob Rees-Mogg, qui aurait pour effet de réduire à néant les réglementations européennes au Royaume-Uni, serait abandonné par le nouveau gouvernement conservateur.
Le projet de loi suggère que tout élément de la législation européenne qui n'aura pas été révisé, remplacé ou conservé d'ici à la fin de 2023 sera automatiquement effacé du . Il vise donc potentiellement à éteindre environ 2 400 lois européennes conservées couvrant de multiples domaines politiques, tels que l'environnement, les droits des travailleurs ou la sécurité des consommateurs.
Ne prévoyez donc pas de brûler trop rapidement les directives européennes lors de la nuit de Guy Fawkes.
CHRISTINE • La Banque centrale européenne (BCE) a annoncé le 27 octobre sa troisième hausse consécutive des taux d'intérêt de l'année, dans un contexte d'inflation galopante. Le taux d'intérêt de référence de la BCE est passé de 0,75 % à 1,5 %, un niveau qui n'avait pas été atteint depuis 2009. Cette hausse intervient après des augmentations de 50 et 75 points de base en juillet et en septembre.
Dans le même temps, la BCE réduit également son soutien aux banques, en modifiant les conditions de ses opérations ciblées de refinancement à plus long terme, ou TLTRO. Ces opérations offrent aux banques européennes des conditions d'emprunt attrayantes, conçues pour les inciter à prêter.
Une autre question en suspens est la taille massive du bilan de la BCE, qui s'élève actuellement à 8 800 milliards d'euros, car sa réduction déclencherait un important processus de resserrement quantitatif. Le Conseil des gouverneurs de la BCE devrait discuter de cette question en décembre.
NO COUNTRY FOR OLD CARS • Les voitures équipées de moteurs à combustion sont appelées à progressivement disparaître des routes européennes. Jeudi, un accord a été conclu par les États membres, le Parlement et la Commission, en vertu duquel les constructeurs automobiles seront tenus de réduire de 100 % les émissions de CO2 de leurs véhicules d'ici à 2035. Les ventes de voitures diesel et à essence seront donc interdites. L'accord fait partie du paquet "Fit for 55", qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'UE de 55 % d'ici à 2030.
Les voitures sont aujourd'hui responsables de 12 % des émissions de CO2 du bloc. L'accord est conçu pour donner aux constructeurs automobiles le temps nécessaire d’atteindre l’objectif de zéro émission. Ils devront atteindre une réduction des émissions de 55 % pour les nouvelles voitures vendues d'ici à 2030. La Commission aura la possibilité de proposer des mesures supplémentaires autorisant la vente de véhicules alimentés par des carburants neutres en carbone après 2035.
PAIEMENTS INSTANTANÉS • Les banques de l'UE seront tenues d'offrir des services de paiement instantané compétitifs en euros, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an, selon un projet de règlement publié par la Commission. Les paiements instantanés permettent aux individus de transférer de l'argent à tout moment de la journée en dix secondes. En comparaison, les virements traditionnels ne sont traités par les prestataires de services de paiement que pendant les heures de bureau et peuvent prendre jusqu'à trois jours.
Le projet de règlement obligera les prestataires de services de paiement à veiller à ce que le prix facturé pour les paiements instantanés en euros ne dépasse pas le prix facturé pour les virements traditionnels, non instantanés. Seuls 11 % de tous les virements en euros dans l'UE étaient instantanés au début de 2022. La Commission estime qu'une augmentation de l'utilisation des paiements instantanés pourrait libérer jusqu'à 200 milliards d'euros actuellement bloqués dans le système financier un jour donné pour une utilisation productive, ce qui se traduirait par un avantage économique pouvant atteindre 1,84 milliard d'euros chaque année.
Nos lectures de la semaine
Le Financial Times a publié un portrait par Laura Noonan de Verena Ross, la présidente de l'Autorité européenne des marchés financiers. Son portefeuille inclut notamment l'unification des marchés de capitaux ainsi que l'avenir du système de compensation (clearing) pour les transactions en euros.
Toujours dans le FT, Guntram Wolff passe en revue les priorités stratégiques que le chancelier Olaf Scholz devra garder à l'esprit lorsqu'il se rendra à Pékin pour rencontrer le président Xi Jinping.
Pour Bruegel, Jeromin Zettelmeyer se penche sur plusieurs propositions de réforme des règles budgétaires de la zone euro.
Pour l’Institut Jacques Delors, Laura Estrella Blaya examine le futur de l’endettement européen d’un point de vue juridique. Le papier traite en particulier du niveau de prudence que l’UE devrait adopter lorsqu’elle a recours à de telles opérations, et aborde également la question de l’avenir de l’emprunt pour les dépenses.
Cette édition a été préparée par Matteo Gorgoni, Gaëtan du Peloux, Maxence de La Rochère, Brían O’Donnaile et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !