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Le Digital Services Act adopté par le Conseil.
Le 4 octobre 2022, le Conseil de l'UE a adopté le règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA), actualisant ainsi la directive sur le commerce électronique, vieille de 20 ans.
Après que le Conseil a donné son approbation finale à sa sœur jumelle, le règlement sur les marchés numériques (DMA), le 18 juillet, l'UE est désormais armée pour réglementer à la fois les contenus et les marchés numériques. Ce faisant, l'Union européenne entend se se positionner comme rule-maker en matière de réglementation numérique.
WILD WEST NUMÉRIQUE • "Ce qui est illégal hors ligne doit être illégal en ligne" — telle est la devise de l'UE depuis les premières étapes des négociations sur ce paquet législatif. La directive sur le commerce électronique avait besoin d’un coup de polish pour aborder les nouveaux problèmes apparus avec les changements rapides qu'a connus l'internet au cours des vingt dernières années — fake news, haine en ligne, et les nouvelles questions liées aux droits fondamentaux numériques et à protection des données privées.
“La loi sur les services numériques est l'une des réglementations horizontales les plus novatrices de l'UE et je suis convaincu qu'elle a le potentiel pour devenir la "référence" pour les autres régulateurs dans le monde", a déclaré Jozef Síkela, ministre tchèque de l'industrie et du commerce, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l'UE.
CE QU’IL CONTIENT • Le règlement de 312 pages contient de nouvelles exigences pour les fournisseurs de services intermédiaires tels que les plateformes de réseaux sociaux, les marchés en ligne, les très grandes plateformes en ligne et les très grands moteurs de recherche en ligne — VLOPs et VLOSEs, pour very large online platforms et very large online search engines — qui ont plus de 45 millions d'utilisateurs actifs dans l'UE.
Dans les grandes lignes, le DSA comprend des dispositions visant à lutter contre la vente de produits et services illégaux, l'obligation pour les plateformes de réagir rapidement lorsque des contenus illégaux sont mis en ligne, l'interdiction de la publicité ciblée pour les mineurs, des restrictions sur l'utilisation de certaines données personnelles (sexe, race, religion) à des fins de publicité ciblée, et l'interdiction des interfaces trompeuses ("dark patterns").
"Le DSA ne consiste pas simplement à apporter quelques modifications aux conditions générales en ligne. Elle exige des modifications structurelles plus fondamentales de l'infrastructure des services. Notamment, la manière dont les informations sont proposées pour garantir une transparence adéquate devra être revue. De même, les mécanismes de recours doivent être développés et/ou affinés", souligne Wouter Seinen, associé du cabinet juridique Pinsent Masons, basé à Amsterdam.
BIG TECH • Si tout ce qui précède semble rigoureux, cela le devient encore plus pour les mastodontes du monde numérique — que vous avez peut-être pris l'habitude d'appeler GAFAMs ou FAANGs mais que vous pouvez maintenant commencer à surnommer les VLOPs et VLOSEs.
Ces plateformes en ligne et moteurs de recherche obéiront à des obligations supplémentaires. Elles devront offrir aux utilisateurs un système de recommandation de contenu qui ne soit pas basé sur le profilage.
Les VLOPs et VLOSEs devront également procéder à une évaluation des risques liés aux problèmes systémiques qu'ils créent, qu'il s'agisse de l'influence sur les élections, ou de l’influence des réseaux sociaux sur la santé mentale des utilisateurs.
Le DSA introduit également un "mécanisme de réponse aux crises", qui permet d'analyser "l'impact des activités des VLOPs et VLOSEs dans un contexte de crise et de décider rapidement" des mesures à prendre pour garantir le respect des droits fondamentaux, dans des situations telles que la guerre en Ukraine.
PUBLICITÉ EN LIGNE • La publicité en ligne a été l'une des questions les plus controversées lors des négociations sur le DSA. Les publicités ciblées représentent l’essentiel des revenus d’entreprises comme Twitter, Meta, TikTok ou Google. Plus les données collectées sur les utilisateurs sont nombreuses, mieux les publicités peuvent être adaptées aux préférences des utilisateurs, augmentant ainsi la valeur — et le prix — des services publicitaires fournis par ces plateformes.
Si certains eurodéputés sont allés jusqu'à suggérer une interdiction pure et simple de la publicité ciblée, les négociations ont surtout porté sur l'interdiction des publicités ciblées pour les mineurs, le traitement des données personnelles sensibles et la garantie que le refus de consentement au traitement des données ne soit pas plus contraignant que le fait de donner son consentement.
Dans ces négociations, le Parlement européen s'est montré plus strict, tandis que le Conseil, sous la présidence française, a préconisé des dispositions plus mesurées.
APPLICATION • Les amendes peuvent aller jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires annuel mondial de l'entreprise qui ne respecte pas les obligations prévues par la DMA. Des recours privés en dommages et intérêts peuvent également s'ajouter aux amandes.
Alors que la Commission européenne sera le principal responsable de l'application du DSA, chaque État membre nommera un coordinateur des services numériques (CSN), une autorité indépendante chargée de superviser les services intermédiaires dans chaque État membre.
WHAT NEXT • Le DSA devrait entrer en vigueur en novembre. La plupart des règles du DSA prendront effet 15 mois après l'entrée en vigueur de l'AVN, tandis que certaines s'appliqueront immédiatement.
In Case You Missed It — Allemagne, USB-C, Salaire minimum, Communauté politique européenne
CAVALIER SEUL • Les dissensions grandissent entre les États membres de l'UE, une semaine après que l'Allemagne a dévoilé son plan de 200 milliards d'euros visant à protéger les entreprises et les ménages des prix élevés de l'énergie.
Ce plan est jugé excessif par de nombreux États membres qui ne disposent pas des mêmes capacités budgétaires que : "Nous devons réfléchir d'urgence à la manière d'offrir aux États membres – qui ne disposent pas de cette marge de manœuvre budgétaire – la possibilité de soutenir leurs industries et leurs entreprises", a déclaré Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur. Le scepticisme de l'Allemagne à l'égard d'un plafonnement du prix du gaz à l'échelle de l'UE alimente l'idée que le pays fait cavalier seul dans sa lutte contre la hausse des prix de l’énergie.
Cette situation rappelle le début de la crise du COVID, lorsque Angela Merkel avait en tête de soutenir l'économie de son pays de manière unilatérale. A l'époque, l’Allemagne avait également été accusée de porter atteinte au marché unique en faussant la concurrence.
L'annonce de ce plan intervient quelques semaines avant que la Commission ne présente son projet de réforme du pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui définit les règles de l'UE en matière de dette et de déficit publics.
LEX • S’ajoutant au DSA, deux textes ont été adoptés la semaine dernière.
Le premier est la nouvelle réglementation sur les chargeurs communs, qui a été approuvée par le Parlement européen. D'ici à la fin de 2024, tous les téléphones mobiles, tablettes et appareils photo vendus dans l'UE devront être dotés d'un port de charge USB-C. L’UE avait déjà fait passer le nombre de chargeurs courants de 30 à 3. Cette mesure devrait coûter cher à Apple, et son chargeur Lightning, alors que les appareils Android et Google sont déjà compatibles avec l'USB-C.
Le deuxième texte est la directive sur les salaires minimums, qui vise à promouvoir les salaires minimums légaux et la négociation collective. Cette législation n'est pas une tentative de créer un salaire minimum à l'échelle de l'UE. Les États membres devront mettre en place un cadre pour la fixation des salaires et prendre des mesures pour que les négociations collectives couvrent 80% de la main-d'œuvre. En juin dernier, nous avons discuté de la signification de cette directive avec l'eurodéputé Drago Pislaru de Roumanie, président de la commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen. Vous pouvez consulter l’entretien ici.
PREMIER SOMMET • La semaine dernière, le premier sommet de la Communauté politique européenne s'est tenu à Prague. Cette initiative, initialement portée par la France, a été lancée après le début de la guerre en Ukraine, afin de renforcer la coopération entre l'UE, ses partenaires stratégiques et ses pays voisins — notamment ceux qui ambitionnent d'adhérer à l'UE. Liz Truss, première ministre britannique, s’est également rendue au sommet, elle qui avait montré peu d'intérêt pour ce nouveau forum.
Les dirigeants européens ont échangé sur une variété de sujets, y compris la guerre en Ukraine, l'état de l'économie, l'énergie, le climat, les migrations et la mobilité. Le lancement d'une mission civile de deux mois de l'UE à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan a également été décidé lors d'une réunion parallèle entre les dirigeants de l'UE et les présidents des deux pays.
Vendredi, les dirigeants de l'UE se sont réunis pour une réunion informelle autour de l’énergie. Celle-ci n’a pas permis de trouver un terrain d’entente sur les nouvelles solutions à mettre en place pour lutter contre l’inflation des prix de l’énergie. Une réunion formelle sur le sujet devrait avoir lieu les 20 et 21 octobre.
Nos lectures de la semaine
Pour l'Institut Montaigne, Happymon Jacob écrit sur la conception indienne du système international actuel. Si New Delhi ne souhaite pas d’alliance formel avec les pays occidentaux, l’intérêt commun à contenir la montée en puissance de la Chine assurera leur coopération.
Marcel Muraille, de l'Institut Egmont, plaide pour que l'UE joue un rôle plus important dans les efforts actuels pour attirer les travailleurs les plus qualifiés en Europe.
Kenneth Propp, Frances Burwell et Cameron Kerry, de l’Atlantic Council, expliquent l'importance du décret américain sur les échanges de données transatlantiques pour la mise en place d’un nouveau cadre de protection des données (Data Privacy Framework, DPF) entre l'UE et les États-Unis.
Pour le Center for European Policy Studies, Michael Emerson explore le potentiel et les limites de la Communauté politique européenne.
Cette édition a été préparée par Maxence de La Rochère, Brian Ó’Donnaile et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !