Bonjour. Nous sommes le lundi 24 avril 2023 et voici votre condensé utile d’actualité européenne. Suivez nous également sur Twitter et LinkedIn.
Le Briefing
Le 18 avril, le Conseil et le Parlement ont trouvé un accord sur le European Chips Act, qui prévoit de doubler la part de l'UE dans le marché mondial de semi-conducteurs d’ici 2030.
PÉNURIES • Les semi-conducteurs sont indispensables à la production des puces électroniques contenues dans les smartphones, ordinateurs, voitures et autres objets essentiels du quotidien. Dès le début de la crise du Covid-19, une pénurie de semi-conducteurs avait perturbé les chaînes d'approvisionnement, mettant notamment à l’arrêt la production d’automobiles en Europe.
L’UE ne produit aujourd’hui que 9% des semi-conducteurs et dépend fortement de Taïwan, qui assure 50% de la production mondiale. Cette situation a conduit l'UE à élaborer une stratégie en matière de puces : le European Chips Act, proposé par la Commission européenne en février 2022.
COUP DE PRESSION • Dans la foulée, en mars 2022, Intel annonçait un investissement de 17 milliards d’euros afin de construire un site de production en Allemagne. Depuis, la hausse des prix de l’énergie et l’inflation galopante ont changé la donne, conduisant Intel à demander à Berlin des subventions supplémentaires. En réaction, le Parlement et le Conseil se sont dépêchés de trouver un accord sur le texte, afin de sécuriser au plus vite des investissements sur le territoire européen.
Récemment, les tensions entre la Chine et Taïwan ont accru la sensibilité des Européens à leurs dépendances stratégiques. L'entreprise taïwanaise TSMC — le plus grand fabricant de semi-conducteurs au monde — dispose de sites de production aux Etats-Unis et au Japon, mais pas en Europe, ce qui rend le vieux continent encore plus vulnérable à des perturbations géopolitiques du côté de Taïwan. Pour autant, l’UE peut s'enorgueillir des machines de lithographie produites par ASML aux Pays-Bas, indispensables au processus de production de semi-conducteurs.
MESURES • La proposition de règlement comprend un nouveau cadre pour les aides d'État en faveur des usines de fabrication de semi-conducteurs, des fonds européens réservés à la R&D et un système de gestion de crise permettant d'anticiper les pénuries d'approvisionnement.
SUBVENTIONS • Si l’UE affiche l’ambition de mobiliser 43 milliards d’euros pour les semi-conducteurs, il convient de noter que ce chiffre comprend à la fois des investissements publics et privés. Pour le volet public, les fonds proviendront majoritairement des Etats membres et à titre minoritaire du budget de l’UE, soit 3,3 milliards d’euros en provenance des programmes Horizon Europe et Digital Europe. A titre de comparaison, la construction d’une seule usine de semi-conducteurs coûte 15 à 20 milliards de dollars.
Le règlement prévoit également d’assouplir le droit des d'aides d'État pour faciliter les subventions destinées aux fabricants désireux d'investir dans des usines. Pour que les États membres puissent offrir des subventions aux projets de "mega-fabs", l'installation devra répondre aux critères d'un établissement "unique en son genre" faisant progresser de manière significative l'intérêt public et la capacité technologique de l'Europe.
SUPPLY RISKS • En outre, le règlement prévoit un système de surveillance et de réaction aux crises, chargé d'anticiper les pénuries d'approvisionnement et de fournir des réponses en cas de crise.
SUBSIDY WARS • Il n’est pas certain que les dispositions du European Chips Act seront suffisantes pour permettre à l'Europe d'atteindre ses objectifs. La Chine et les États-Unis ont déjà investi des centaines de milliards de dollars pour soutenir leurs industries nationales et réduire leur dépendance mutuelle, ainsi qu'à l'égard de Taïwan et de la Corée du Sud pour l'approvisionnement des semi-conducteurs les plus avancés.
Les États-Unis ont adopté le CHIPS and Science Act en août 2022. Le plan prévoit un financement estimé à 280 milliards de dollars pour la recherche et la fabrication nationales, dont 39 milliards de dollars de subventions pour la fabrication de puces.
L'effort commence peut-être à porter ses fruits aux Etats-Unis, la Semiconductor Industry Association ayant identifié plus de 50 nouveaux projets d'écosystèmes de semi-conducteurs dans le pays, avec une tendance à la hausse, selon le FT — les investissements dans les puces ainsi que dans les technologies propres sont deux fois plus élevés qu'en 2021, et vingt fois plus élevés qu'en 2019.
En Europe, les projets phares proviennent notamment d'Intel, de STMicroelectronics et de GlobalFoundries, qui se sont engagés à construire de nouvelles installations en Allemagne et en France.
NEXT STEPS • Le Conseil et le Parlement européen doivent maintenant donner leur approbation finale et adopter officiellement l'accord provisoire conclu la semaine dernière.
Inter alia
ENERGIE • Après deux ans de négociations entre le Parlement, le Conseil et la Commission, de nombreuses mesures du paquet législatif “Fit for 55” ont été adoptées par le Parlement le 18 avril. Avant d’entrer en vigueur, le texte qui les détaille doit encore être formellement approuvé par le Conseil, qui a six semaines pour statuer.
Ce texte comprend 13 mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'Union européenne (UE) de 55 % d'ici à 2030 et à atteindre la neutralité climatique d'ici à 2050. Le vote du 18 avril portait sur les 3 mesures suivantes:
La création du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF). Le MACF vise à imposer une taxe sur les importations de produits à forte intensité carbone, afin de les mettre sur un pied d’égalité avec les produits issus de l’UE — qui paient le coût de leurs émissions par le biais du système d’échange de quotas d’émission (SEQE). L’UE souhaite ainsi inciter les pays non-membres de l’UE à adopter des politiques climatiques plus ambitieuses et à éviter les fuites de carbone. Cet outil représente la première initiative de “douane carbone” à l'échelle mondiale.
La système d'échange de quotas d'émission (SEQE). En plus d’une augmentation des objectifs de réduction d’émissions pour 2030, le SEQE évolue pour rendre le MACF compatible avec les règles de l’OMC. Jusqu'à présent, les entreprises européennes de secteurs sujets à la concurrence déloyale des importations et aux fuites de carbone se voyaient attribuer des permis d'émission gratuits dans le cadre du SEQE. Le MACF, qui mettra les produits locaux et les importations sur un pied d'égalité, devra donc coïncider avec la suppression progressive des permis gratuits afin de s’aligner avec les règles de l’OMC. Les émissions du secteur maritime ont également été ajoutées au SEQE.
Un fonds social européen pour le climat visant à accompagner les ménages vulnérables et les micro-entreprises particulièrement touchés par la dépendance énergétique, notamment liée au transport. Ce fonds sera financé par l’ETS à hauteur de 65 milliards d'euros, 25 % supplémentaires étant couverts par des ressources nationales (soit un total estimé à 86,7 milliards d'euros).
MiCA • Le 20 avril, le Parlement européen a approuvé à une large majorité le règlement MiCA (pour Markets in Crypto-Assets) visant à mieux réguler les cryptomonnaies. Jusqu’ici, les transferts de cryptoactifs échappaient à législation européenne sur les services financiers. Partiellement inspiré de la loi Pacte, le règlement MiCA permettra notamment de lutter contre le blanchiment d’argent et de mieux protéger les consommateurs de ce secteur encore naissant.
Adoptés le même jour, les règlements MiCA et TFR (Transfer of Funds Regulation) “marquent la fin du Far West non réglementé de la crypto” selon Ernest Urtasun (Verts), co-rapporteur de la commission sur les transferts de cryptoactifs. Pour le rapporteur du texte Stefan Berger (PPE), MiCA donnera “une clarté réglementaire que des pays comme les Etats-Unis n’ont pas” et par suite “un avantage concurrentiel à l’UE”.
Cependant, ni la finance décentralisée (DeFi) ni les jetons non-fongibles (NFT) ne sont ainsi couverts par MiCA, ce qui a conduit la présidente de la BCE Christine Lagarde à lancer d’ores et déjà un appel pour un “MiCA 2”.
Nos lectures de la semaine
A un an des prochaines élections européennes, le FT Magazine consacre un long portrait à Ursula von der Leyen, signé Sam Fleming. A lire absolument !
Margrethe Vestager fait également l’objet d’un article très fouillé, signé par Sam Stolton pour Politico. On recommande.
Sebastian Mack publie un papier pour le Jacques Delors Center (Berlin) sur le rôle des banques dans le financement de la transition écologique, et pourquoi l’union bancaire est un prérequis pour une politique climatique européenne.
Cette édition a été préparée par Maxence de La Rochère, Marwan Ben Moussa, Clément Albaret, et Augustin Bourleaud. À lundi prochain !