Revue européenne | 4 janvier 2022
Présidence du Conseil • réforme budgétaire • Ukraine • environnement • budget • concurrence • État de droit
Bonjour et bienvenue dans la dernière Revue européenne. Bonne année 2022 et bonne lecture !
PFUE • la France prend la tête du Conseil de l’UE
Du 1er janvier au 30 juin 2022, la France préside le Conseil de l'Union européenne, succédant au trio de présidences précédentes composé de la Slovénie, du Portugal et de l'Allemagne.
POLITIQUE • Le changement de présidence a été célébré en grande pompe par le gouvernement français lors du réveillon, de nombreux bâtiments publics étaient illuminés aux couleurs européennes. Le drapeau européen a flotté, seul, au-dessus de la tombe du soldat inconnu le 1er janvier (lors de la dernière présidence, en 2008, le gouvernement avait choisi de laisser flotter le drapeau européen aux côtés du drapeau tricolore).
Le symbole a suscité une controverse immédiate, avec des critiques sévères de la part d'opposants politiques, de Jean-Luc Mélenchon à Valérie Pécresse et Éric Zemmour. Les sondages montrent que le public français a une très mauvaise opinion de l'UE, tandis que l'intérêt pour la PFUE reste une niche (Politico). Le drapeau a été retiré le 2 janvier - une action prévue, selon le gouvernement, mais Marine Le Pen a célébré une “victoire patriotique” (Libération).
Au niveau de l'UE, les diplomates craignent que la France n'utilise son influence pour faire passer ses propres propositions politiques dans un délai très court. L'élection présidentielle devant se dérouler en avril 2022, la plupart s'attendent à ce que la présidence française dure deux à trois mois, jusqu'en mars (Politico).
AGENDA POLITIQUE • Les Français, le représentant permanent Philippe Léglise-Costa au premier plan, présideront les réunions de l'organe de l'UE chargé d'amener les 27 États membres à se mettre d'accord sur une position concernant les propositions législatives. Emmanuel Macron a donné une conférence de presse à ce sujet le 9 décembre, exposant les projets de la France pour la présidence — baptisée PFUE en français — avec une devise dédiée soulignant le besoin de “relance, puissance, appartenance” (Gouvernement).
NUMÉRIQUE • Concernant le numérique, Paris souhaite maintenir une position ferme — à la fois en termes de concurrence sur le marché et de surveillance du contenu en ligne — considérée comme nécessaire pour atteindre l'autonomie européenne. Elle fera pression pour que le DMA et le DSA soient achevés d'ici mars/avril.
CLIMAT • Bruno Le Maire a insisté sur le fait que la flambée actuelle des prix de l'énergie nécessite une solution structurelle, tandis que les Allemands ont affirmé que la crise était temporaire.
Si le système d'échange de quotas d'émission concerne la tarification de l'énergie au niveau national, l'UE a également prévu de lutter contre la pollution due aux importations. La France souhaite que la taxe carbone de l'UE — le mécanisme d'ajustement à la frontière pour le carbone, ou CBAM — entre en vigueur. Après des années de négociations en faveur d'une telle taxe, la Commission a soumis une proposition en 2021. Elle voudrait utiliser le produit de cette taxe pour financer directement le budget de l'Union.
POLITIQUE INDUSTRIELLE • Paris a toujours été un partisan d'une politique industrielle au niveau européen. La grande pandémie a donné plus de poids à la position française, car l'UE est devenue plus vigilante à l'égard des prises de contrôle étrangères et plus ouverte au langage de l'autonomie stratégique.
Alors que la France a été largement moquée en 2005 lorsqu'elle a empêché le rachat de Danone par Pepsi pour protéger ses “yaourts stratégiques”, la politique industrielle bénéficie désormais d'un élan certain (The Economist).
Cette évolution n'est pas seulement due à la pandémie. La montée en puissance de la Chine a également joué un rôle dans les efforts de l'UE pour renforcer sa politique industrielle. Lorsque la fusion Alstom-Siemens a été rejetée par la DG Concurrence de l'UE en 2019, les ministres de l'économie Bruno Le Maire et Peter Altmaier ont fait équipe pour demander l'adoption d'une nouvelle politique industrielle — c'est-à-dire l'assouplissement du contrôle des fusion et acquisitions — dans le but de créer des “champions européens”.
CONCRETEMENT • La France souhaite modifier la législation sur les aides d'État. Des secteurs spécifiques sont concernés, parmi lesquels les semi-conducteurs, le cloud, l'hydrogène et les batteries (Politico). Le commissaire chargé du marché intérieur et principal artisan de l'évolution de la politique industrielle à Bruxelles, Thierry Breton, veut des plans ambitieux pour les semi-conducteurs.
Les défenseurs de la concurrence sont plus sceptiques. La présidente de la DG COMP, Margrethe Vestager, se méfie de l'initiative française. Les pays nordiques à économie de marché ont tendance à s'opposer à de telles positions, bien que les Pays-Bas aient récemment fait volte-face en matière de politique fiscale.
LONG TERME • Paris souhaite aussi lancer une discussion sur la réforme de l'accord de Schengen, du pacte de stabilité et de croissance (voir ci-dessous), de la défense européenne et d'un salaire minimum européen. La conférence de presse de décembre de Macron a exposé des plans qui dépassent clairement à la fois le calendrier et les compétences accordées à la présidence tournante du Conseil de l'UE. Cet agenda plus large est considéré à Paris comme le deuxième acte de Macron, après son discours de la Sorbonne de 2017 (Contexte).
FINANCES • Macron et Draghi proposent une révision des règles budgétaires
Le Président français Emmanuel Macron et le Premier Ministre italien Mario Draghi ont publié une tribune dans le Financial Times appelant à “renforcer le programme des réformes” (“deepen the reform agenda”) concernant les règles budgétaires de l’UE contenues dans le Pacte de stabilité et de croissance (PSC).
Mario Draghi and Emmanuel Macron: The EU’s fiscal rules must be reformed, Financial Times, 23/12/2021
Revising the European Fiscal Framework, University of Chicago Working Papers, 23/12/2021
DISCUSSIONS • Entamant bientôt sa troisième année consécutive, la pandémie de Covid-19 a laissé les finances publiques en piteux état dans toute l’Union européenne. Cette situation a suscité de la part de la Commission européenne le déclenchement de la clause d’exemption générale du PSC. Certains États membres ont ensuite insisté sur leurs agendas nationaux, affirmant qu’un retour au statu quo ante-covidien était impossible. La Commission a ouvert une consultation sur les éventuels ajustements du PSC, afin d’accueillir les commentaires des États membres sur le sujet.
ESPRIT DU QUIRINAL • La tribune dans le FT illustre le renouveau de l’amitié transalpine, matérialisée par le traité du Quirinal — qui intervient après des années de relations tendues entre Paris et Rome. Au-delà des désaccords, les deux capitales ont eu tendance à avoir des positions similaires sur le sujet budgétaire.
Le Dracon (alias, le tandem Draghi-Macron) s'appuie sur l'expérience européenne du Covid-19, en faisant l'éloge du “pouvoir d'une action audacieuse et précoce”, illustré par le plan de relance d’1,8 trillion d'euros, Next Generation EU. La voie de la relance ne peut pas occulter les “défis importants à long terme” auxquels l'UE est confrontée et pour lesquels “l'UE doit agir avec audace et rapidité”.
INVESTISSEMENTS • Les deux dirigeants soulignent les investissements massifs nécessaires dans “la recherche, les infrastructures, le numérique et la défense”. Selon eux, les investissements stratégiques ne peuvent être réalisés dans le cadre actuel, cela nécessiterait d'augmenter les impôts ou de réduire les dépenses sociales, étouffant ainsi la croissance par une discipline fiscale excessive.
Parmi les autres options de réforme figurent l'exemption de certaines catégories d'investissement du PSC et des règles de comptabilisation de la dette. A ce titre, le vice-président exécutif de la Commission Valdis Dombrovskis s'est déjà dit ouvert à une "règle d'or verte" pour les investissements écologiques. Paolo Gentiloni a quant à lui proposé l’idée de fixer des plafonds nationaux de dette (Reuters).
NON PAPER • La tribune appelle à une discussion non idéologique sur le sujet, faisant référence à un document publié le même jour par le porte-parole de Draghi et le conseiller économique de Macron. Ce document, proche d’un “non-paper” pourrait être une contribution importante au débat en cours sur la réforme du cadre, selon Shahin Vallée de la DGAP (Twitter).
POLITIQUE • La France entend tirer parti de la PFUE pour faire avancer les discussions sur la réforme du PSC — avec Bruno le Maire à la tête des réunions ECOFIN. Un sommet spécial est prévu en mars 2022. En temps normal, l'initiative de Paris et de Rome se heurterait à une vive opposition des États membres fiscalement conservateurs, qu'il s'agisse des “quatre frugaux” ou de la "Ligue hanséatique". Mais la pandémie a changé la donne.
La conversion de l'Allemagne aux déficits (modérés) en 2020 et le contrat de “coalition rouge-verte-jaune” signifient que les positions ont changé en Allemagne — en partie l'héritage d'Olaf Sholz et du conseiller Jörg Kukies au Ministère des finances sous le dernier gouvernement Merkel (FT).
Il y a également du changement aux Pays-Bas, où le quatrième gouvernement de coalition de Mark Rutte promet d'être plus dépensier. D66, un parti libéral pro-européen, est arrivé en deuxième position lors des élections générales néerlandaises de 2021, et sa dirigeante, Sigrid Kaag, sera ministre des finances — un poste auparavant occupé par le faucon fiscal Wopke Hoekstra (Bloomberg).
UKRAINE • inquiétudes aux frontières
Depuis plus d’un mois, le monde occidental est alerté d’une possible invasion des troupes Russes, suite à une escalade de plus de 120 000 soldats près de la frontière ukrainienne.
BUILD-UP • Début novembre, les Etats-Unis ont prévenu l’UE et ses alliés d’une potentielle invasion de la Russie en Ukraine, suite à une détection d’une accumulation considérable des forces russes près de la frontière ukrainienne, notamment en mer Noire (Bloomberg).
Ces chiffres comprenaient 98 000 troupes au sol et 22 000 forces aériennes et navales. Des tensions similaires ont éclaté au printemps 2021 lorsque les États-Unis et l’OTAN ont accusé la Russie d’avoir rassemblé jusqu’à 100 000 soldats, chars et avions de guerre près de la frontière avec l’Ukraine (Military Times).
SAGA • Le 17 décembre, le Kremlin a publié un communiqué, exigeant les garanties de sécurité de l’OTAN et des États-Unis. Selon Moscou, l’Ukraine ne doit pas rejoindre l’Alliance. De plus, L’OTAN devrait renoncer à toute activité militaire en Ukraine, en Europe de l’Est, dans le Caucase et en Asie centrale.
Le 25 décembre, Moscou a annoncé la fin des exercices — qui ont duré un mois — près de la frontière ukrainienne. Le Ministère de la Défense a affirmé qu’il s’agissait des manœuvres d’entrainement au combat qui ont eu lieu dans plusieurs régions, notamment Volgograd, de Rostov, de Krasnodar, et de Crimée annexée, des zones à proximité immédiate de l'Ukraine. Plus de 10 000 soldats sont rentrés dans leurs bases.
CALL • A la demande du Président Poutine, un appel téléphonique avec le chef d’État américain a été organisé Jeudi 30 Décembre 2021, 2 semaines après la publication des exigences de l’OTAN (Maison Blanche). Il a eu pour but de trouver une voie diplomatique pour tenter de sortir de la crise ukrainienne et organiser une désescalade en Ukraine. Le président Russe a souligné que le déploiement de systèmes d’armes offensifs et l’élargissement de l’OTAN vers l’est aggraverait les relations russo-américaines (Le Monde).
EXCLUSION DE L’EUROPE • A la proposition des États-Unis d’inclure les pays européens dans le processus des négociations, le vice-ministre des Affaires étrangères Sergei Rybakov a répondu que l’objectif était de s’entretenir exclusivement avec Washington. Plus tard, le président de la commission des affaires étrangères de la Douma Leonid Sloutski a marqué que “La Russie discutera avec ceux qui sont réellement capables d'influencer la situation”.
SOMMET À GÉNÈVE • Washington et Moscou se rencontreront le 10 Janvier 2022 à Genève dans le cadre d’un sommet des relations russo-américaines. Le but de la rencontre sera de trouver une solution à propos des tensions près de la frontière ukrainienne, et aborder la question du contrôle de l’armement nucléaire.
Des représentants de Moscou et de l'OTAN devraient également se rencontrer le 12 janvier, tandis que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui comprend également la Russie et les États-Unis, abordera les tensions le lendemain.
ENVIRONNEMENT • le nucléaire et le gaz naturel comme énergies de transition
La Commission européenne s’apprête à reconnaître l’énergie nucléaire et le gaz naturel comme des activités économiques contribuant à l’adaptation ou à l’atténuation du changement climatique.
BONNE ANNÉE ! • Ce texte permettrait de nouveaux investissements à bas coût dans le nucléaire jusqu’à au moins 2045. Les centrales à gaz pourraient elles aussi bénéficier de financements labellisés durables mais sous réserve de conditions plus strictes (moins de 270g de rejets de CO2 par kW/h).
TAXO • Pour rappel, en 2020, la Commission européenne a adopté le règlement dit taxonomie. Il ambitionne de lister les activités économiques considérées comme durables afin d’orienter les investissements et, in fine, atteindre les objectifs climatiques que l’Union s’est fixée à l’horizon 2030 puis 2050.
PROCRASTO • Le nucléaire et le gaz ont été tenus hors de cette liste faute de consensus parmi les experts. La question divise également les députés européens. Lors de la plénière d’octobre, l’extrême-droite (les groupes CRE et ID) avait notamment déposé des propositions d’objection à l’adoption du premier acte délégué au motif qu’il ne couvrait pas le gaz naturel et le nucléaire. Les propositions avaient été rejetées.
Les États membres aussi étaient divisés. Le 10 octobre, dix d’entre eux dont la France signaient une tribune appelant à l’inclusion de l’énergie nucléaire dans la taxonomie. A l’inverse, l’Allemagne, le Danemark et le Luxembourg par exemple y étaient farouchement opposés.
Ces oppositions expliquent le retard pris sur ce texte. Un temps annoncé pour l’automne, il devait finalement être adopté avant la fin de l’année 2021. Il semble que ce document sera adopté le 18 janvier prochain.
Cependant, le climat ne s’est pas apaisé pour autant. Si la Slovaquie a salué le texte, l’Autriche menace de poursuivre la Commission devant la Cour de Justice de l’Union européenne si elle adopte ce texte et l’Espagne s’y oppose. Au Parlement européen, les Verts/ALE ont déjà fait part de leur opposition.
Côté société civile, le Bureau européen des consommateurs dénonce un greenwashing institutionnel. Alors que l’apport de la taxonomie réside dans son appropriation par les acteurs de marché, l’inclusion du nucléaire et du gaz menace de saper sa crédibilité auprès des épargnant nordiques, en particulier allemands.
BUDGET • De nouvelles ressources propres pour l’UE
Le 22 décembre, la Commission européenne a proposé d'"établir la prochaine génération de ressources propres pour le budget de l'UE".
IN CONCRETO • Selon la proposition de la Commission, trois nouvelles sources de revenus abonderont le budget commun de l'UE. L'argent provenant du système d'échange de quotas d'émission (ETS), du mécanisme d'ajustement carbone à la frontière (MACF) et des taxes prélevées sur les multinationales dans le cadre de l'accord OCDE/G20 sur la fiscalité mondiale. La Commission estime que l'ensemble de ces éléments représentera 17 milliards d'euros par an à partir de 2026.
NGEU • Les nouvelles ressources sont destinées à rembourser le fonds de relance phare de l'UE, Next Generation EU (NGEU). Pour financer les 800 milliards d'euros de NGEU, la Commission européenne a fait appel au marché obligataire en lançant une dette européenne commune. Ces nouvelles ressources seront également utilisées pour financer le Fonds social pour le climat — un pilier de la stratégie environnementale Fit for 55 de l'UE.
BUDGETOLOGIE • Le budget de l'UE est composé de quatre “ressources propres”. 75% des droits de douane perçus aux frontières extérieures de l'Union sont versés au budget commun. Il en va de même de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) perçue par les États membres et d'une autre ressource propre fondée sur les déchets d'emballages plastiques non recyclés. Le reste est constitué des contributions des États membres basées sur leur revenu national brut — principale source de financement de l'UE.
Le 16 décembre 2020, les institutions de l'UE ont émis une feuille de route pour de nouvelles ressources (Décision relative aux ressources propres) que la Commission propose de modifier. Le raisonnement était le suivant : sans nouvelles ressources, NGEU aurait fini par empiéter sur le budget général de l'UE.
CONCURRENCE • Apple risque une amende de 50 millions d’euros aux Pays-Bas
Le 24 décembre, l'autorité néerlandaise de régulation de la concurrence, l'Autorité des consommateurs et des marchés (ACM), a offert à Apple un cadeau de Noël anticipé, en lui ordonnant de modifier les conditions de son App Store sous peine de se voir infliger une amende pouvant atteindre 50 millions d'euros. Apple a jusqu'au 15 janvier 2022 pour s’y conformer.
BUY LOVE • La décision ne concerne que les fournisseurs d'applications de rencontre et condamne la pratique d'Apple consistant à exiger des développeurs d'applications qu'ils utilisent son propre système de paiement in-app — les applications de rencontre comme Tinder suivent un modèle freemium.
Leurs plateformes peuvent être téléchargées gratuitement, mais les utilisateurs paient pour bénéficier d'avantages supplémentaires, tels que l'utilisation illimitée de la fonction “swiping” ou la possibilité d'éviter les publicités in-app. Apple prélève une commission de 30% (puis 15%) sur tous ces achats et abonnements in-app, en plus d'une redevance annuelle fixe de 99 dollars. Ces commissions sont une source croissante de revenus pour Apple : l'AppStore a généré 85 milliards de dollars en 2021, soit 23% de son chiffre d’affaire mondial.
L'ACM a estimé que les commissions n'étaient “pas proportionnelles au service de paiement supplémentaire [d'Apple]”. Elle a noté que les applications de rencontres ne peuvent être proposées que par l'App store sur les iPhones, ce qui lui confère une position dominante impliquant des obligations supplémentaires.
DOMINANTE ? • Apple considère que son App Store n'est pas dominant, puisqu'il est concurrencé par le Google Play de Google. C'est aussi ce qu'ont estimé les juges américains dans l'affaire Apple v. Epic Games, qui concerne les conditions de paiement des applications de jeux sur l'App Store. La récente décision de la Commission européenne concernant Google Shopping — qui conclut notamment que Google Shopping n'est pas en concurrence avec Amazon — démontre une différence transatlantique dans l'évaluation des marchés numériques.
TECHLASH • La décision de l'ACM est la dernière preuve d'un climat réglementaire plus dur pour les App Stores. L'ordonnance pourrait renforcer la confiance de la Commission européenne dans sa propre enquête concernant l'App Store (streaming musical).
ÉTAT DE DROIT • le cadeau de Nöel de la Commission à Varsovie
Le 22 décembre dernier, la Commission a engagé une procédure en manquement contre la Pologne pour violation du droit de l’UE par son Tribunal constitutionnel.
CONTEXTE • Le Tribunal constitutionnel polonais, au centre des réformes du pouvoir judiciaire polonais et, partant, au coeur des débats entourant les violations de l’état de droit en Pologne a fait l’objet d’une procédure d’infraction.
Dans le viseur de la gardienne des Traités se trouvent plus précisément deux arrêts dudit Tribunal, en date des 14 juillet et 7 octobre derniers, où il “a considéré que les dispositions des traités de l'Union européenne étaient incompatibles avec la Constitution polonaise, contestant ainsi expressément la primauté du droit de l'Union”.
MAKE OR BREAK • Cette nouvelle procédure d’infraction peut constituer une étape décisive dans la sauvegarde de l'État de droit ou, tout au contraire, dans l’aggravation des relations entre Bruxelles et Varsovie. Il y a quelques mois, la Commission avait préparé le terrain en entamant une procédure d’infraction à l’encontre de la Cour constitutionnelle allemande. Cette dernière ayant cependant agi en bonne élève, cela lui a valu l’abandon des poursuites (What’s up EU, 7 décembre 2021).
Le Tribunal constitutionnel polonais devrait être moins coopératif que son homologue allemand. Sommé à plusieurs reprises de mettre un terme aux violations de l’État de droit et condamnée à payer quotidiennement 1,5 millions d’euros, le Gouvernement polonais campe sur ses positions et refuse d’obtempérer.
CONTAGION • D’ailleurs, même si - dans une tournure surprenant des événements - le Tribunal constitutionnel polonais finira par se conformer à la décision du CJUE, la primauté du droit européenne reste un postulat contesté au sein de l’UE. Pour montrer qu’il ne s’agit pas d’un “problème polonais” il suffit de se tourner vers la Roumanie, où la semaine dernière la Cour constitutionnelle a remis en question l’application d’une décision de la Cour. La Cour a fait valoir que l’arrêt n’est pas compatible avec la constitution roumaine et alors ne peut pas être appliqué sans la modifier (RTL BE).
Nos remerciements aux rédacteurs de cette édition : Briac de Charry, Ghislain Lunven, Marlies Humpelstetter, Filip Filipek, Léo Amsellem, Ambroise Simon, Rogier Prins, Agnès de Fortanier, et Thomas Harbor. À mardi prochain !