L'inflation ralentit dans la zone euro
Mais aussi — Industrie verte française, Meta, Borrell au Maroc, Covid et Chine
Bonjour. Nous sommes le lundi 9 janvier 2023 et voici votre condensé utile d’actualité européenne.
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Le Briefing
Subissant une hausse moins importante que prévue, l'inflation dans la zone euro est passée en dessous de la barre des 10% à la fin de l’année 2022. Selon les dernières données d'Eurostat, elle s'établit désormais à 9,2% en décembre en glissement annuel, contre 10,1% en novembre. S'il s'agit bel et bien d'une bonne nouvelle, la zone euro n'est pas encore sortie d'affaire.
ÉNERGIE • L’un des facteurs clé du ralentissement de l’inflation est le recul des prix du pétrole et du gaz. Ces derniers s'étaient envolés l’année dernière en raison des craintes d'une pénurie d'approvisionnement liée à la guerre en Ukraine et aux sanctions de l'UE contre Moscou. Ils sont désormais revenus aux niveaux d'avant-guerre.
La constitution de stocks à l’échelle de l'UE ainsi que le début exceptionnellement doux de l’hiver ont très certainement contribué à la baisse de l’inflation. Récemment, l'UE a également adopté un mécanisme de plafonnement automatique des prix du gaz, qui pourra être activé à partir de la mi-février, garantissant également des prix moins élevés que l’année précédente.
PAS SI VITE • Mais il ne faudrait pas crier victoire trop vite. Si l’inflation globale ralentit, cela est dû en grande partie à la forte baisse des prix de l'énergie mentionnée ci-dessus.
L'inflation sous-jacente (‘core inflation’, en anglais) — qui exclut l'énergie et les denrées alimentaires — a quant à elle progressé. Elle a même augmenté plus que prévu en décembre, atteignant 5,2 % en glissement annuel. Il sera crucial pour la zone euro de s’attaquer spécifiquement à cette inflation sous-jacente afin de venir à bout des pressions inflationnistes. Cette tâche nécessitera une meilleure compréhension des moteurs spécifiques de l'inflation, maintenant que les prix de l'énergie ne semblent plus être les principaux coupables.
TAUX DIRECTEURS • Jusqu'à présent, la BCE a pris des mesures drastiques pour lutter contre les pressions inflationnistes. Durant la seconde partie de 2022, l'institution de Francfort a relevé ses principaux taux directeurs. En environ six mois, la facilité de dépôt est ainsi passé de -0,5 % à 2,0 %, mettant ainsi fin à près d'une décennie de taux d'intérêt négatifs.
La BCE a surpris les marchés avec des hausses plus importantes que prévues, de 50 points de base (+0,5 %) en juillet et de 75 points de base (+0,75 %) en septembre et novembre. La dernière hausse, en décembre 2022, a été inférieure aux deux précédentes, dans un contexte de décélération de l’inflation.
Pour autant, la BCE ne risque pas de renoncer à des futures hausses des taux d'intérêt. La pression de l’inflation sous-jacente font qu'il est impossible pour Christine Lagarde de s’éloigner de sa trajectoire d’augmentation des taux d’intérêts. Les analystes de la BCE prévoient d’ailleurs que l'inflation restera au-dessus de l'objectif de 2 % jusqu'à la fin de 2025. Le combat contre l'inflation est donc loin d'être terminé.
DIFFERENCES • Les taux varient très inégalement à travers le bloc, passant à 20,7% en Lettonie et en Lituanie à 5,6% en Espagne. En glissement annuel, l'inflation reste à deux chiffres pour la Belgique (10,2 %), l'Italie (12,3 %), l'Autriche (10,5 %), les Pays-Bas (11,0 %), la Slovénie (10,8 %) et la Slovaquie (15 %).
En France, où Emmanuel Macron a déclaré que le pic d'inflation n'était pas encore atteint, les boulangers sont toujours aux prises avec les prix de l'énergie. Ils font pression sur le gouvernement pour obtenir de nouvelles mesures plus ciblées et efficaces.
De l'autre côté du Rhin, le refroidissement de l'inflation est une bonne nouvelle pour le gouvernement. Un récent sondage référencé par Politico a souligné une forte baisse de popularité de la coalition au pouvoir, les Allemands craignant de plus en plus que l'inflation ne réduise leur richesse privée.
Dans la zone euro — où un taux d'intérêt unique régit vingt pays aux économies hétérogènes — les hausses de taux de la BCE ont créé des tensions importantes. L'Italie, où la dette publique représente environ 150% du PIB et où le pourcentage de prêts non productifs est élevé, est plus sensible aux hausses de taux que les pays où les emprunts publics et privés sont moins élevés.
Inter alia
FRANCE & IRA • Le ministre français de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé un nouveau projet de loi visant à renforcer l'industrie verte française. "Profitant de ce moment où tout le monde veut décarboner son industrie pour être la grande nation de la décarbonation industrielle en Europe", a-t-il déclaré sur France Inter le 4 janvier.
Le nouveau projet de loi sera présenté au Président et au Premier ministre dans les prochains jours. Il comprendra des mesures pour encourager la création de nouveaux sites industriels sur le territoire national, dans le domaine de la production d'hydrogène, de l'électrolyse, des batteries électriques, du nucléaire et des énergies renouvelables.
Le plan de Bruno Le Maire est une réponse à l'Inflation Reduction Act (IRA), le plan américain de 369 milliards de dollars visant à réduire l'inflation par des investissements massifs dans des secteurs clés, dont les énergies vertes. Ce plan pourrait favoriser les véhicules électriques fabriqués aux États-Unis au sein du marché américain, rendant les industries européennes moins compétitives.
En réponse aux inquiétudes européennes, le gouvernement américain a fait quelques concessions — voir notre dernière édition pour plus de détails — mais la France a clairement fait savoir que cela ne suffisait pas.
Parallèlement au projet de loi national, M. Le Maire a réaffirmé qu'un "IRA européen" était en préparation, sous l'impulsion de son homologue allemand Robert Habeck et de lui-même. "Le plan comprendra des aides financières plus importantes, plus rapides et simplifiées pour tous ceux qui veulent implanter des industries vertes sur le continent européen", a déclaré Le Maire.
Les États membres de l'UE ont déjà demandé à la Commission des propositions sur le sujet. Ils devraient en discuter en février lors d’un Conseil européen en février.
META • Le 4 janvier, Meta a été condamné à une amende de 390 millions d'euros par la Commission irlandaise de protection des données (DPC) — le principal organe de surveillance réglementaire de Meta dans l'UE — pour avoir enfreint le règlement général sur la protection des données (RGPD). Cette amende est le résultat de deux enquêtes concernant deux plaintes distinctes contre Facebook (210 millions d'euros d'amende) et Instagram (180 millions d'euros d'amende).
Avant le 25 mai 2018, date d'entrée en vigueur du RGPD, Meta avait modifié la base juridique sur laquelle elle s'appuyait pour utiliser les données personnelles des utilisateurs. L'entreprise, qui se basait auparavant sur le "consentement" des utilisateurs pour fournir des publicités ciblées, s’était alors tournée vers la base juridique du "contrat" pour la plupart de ses opérations de traitement des données. Les utilisateurs devaient accepter les nouvelles conditions de service de Facebook et d'Instagram (considérées par Meta comme un “contrat”) afin de pouvoir accéder aux deux plateformes.
À l'issue de l'enquête, le DPC a jugé que "les utilisateurs ne savaient pas clairement quelles opérations de traitement étaient effectuées sur leurs données à caractère personnel", et a conclu que ce manque de transparence contrevenait aux articles 12 et 13 du GDPR.
"Nous sommes en profond désaccord avec la décision finale du DPC, et nous pensons que nous nous conformons pleinement au GDPR (...). En conséquence, nous ferons appel sur le fond de la décision", a indiqué Meta dans un communiqué.
Ce n'est pas la première fois que Meta est reconnue coupable d'avoir enfreint les règles de l'UE en matière de protection de la vie privée. En 2022, l'entreprise a été condamnée quatre fois par le DPC pour non-respect du RGPD. Les amendes s'élevaient à 17, 405, 265 et 390 millions d'euros, respectivement.
BORRELL • Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’UE, s’est rendu les 5 et 6 janvier derniers au Maroc. La visite a été l'occasion d’évoquer la poursuite du partenariat UE-Maroc dans le cadre du nouvel Agenda pour la Méditerranée. Deux nouvelles initiatives — un dialogue de haut niveau en matière de sécurité et une coopération renforcée entre l’UE et le Maroc dans les institutions multilatérales — ont notamment été annoncées.
Josep Borrell s’est montré encourageant vis-à-vis du travail réalisé par le Maroc afin de trouver une solution au conflit du Sahara occidental. Il a d’ailleurs qualifié les efforts du pays en la matière de “sérieux et crédibles”.
À l’inverse, le haut représentant a souhaité afficher une position ferme quant au scandale d’influence au Parlement, affirmant qu’il “ne peut pas y avoir d'impunité pour la corruption” et appelant le Maroc à coopérer sur l’enquête toujours en cours. Son homologue Nasser Bourita a, pour sa part, dénoncé « des attaques médiatiques répétées (…) qui sont le résultat de calculs et d’une volonté de nuire à ce partenariat (UE-Maroc) ».
Découlant de l’enquête des autorités belges sur les pots-de-vin du Qatar, des suspicions de corruption de plusieurs députés impliquent l’influence des services de renseignement marocains, notamment l’ambassadeur du Maroc en Pologne. L’enquête est encore en cours.
COVID • Le 4 janvier, les États membres de l'UE ont conclu un accord visant à adopter une "approche de précaution coordonnée" en réaction à la vague d'infections de Covid-19 en Chine. Les mesures comprennent l'utilisation de masques faciaux dans les vols à destination et en provenance de Chine, ainsi que des tests négatifs obligatoires pour les vols vers l'Europe. Les États membres de l'UE et de l'espace Schengen sont toutefois seulement "encouragés" à les mettre en œuvre, aucune n'est obligatoire.
Alors que certains pays comme l'Italie ont pris des mesures préventives et appellent à l'adoption de règles plus strictes, d'autres, comme l'Autriche, s’y opposent, invoquant notamment le potentiel économique du retour des voyageurs chinois en Europe.
Entre les Etats membres, l’un des principaux points de tension est le potentiel manque de fiabilité des données officielles de la Chine sur le Covid-19, ainsi que la crainte de voir apparaître de nouvelles variants plus mortels, qui pourraient se propager rapidement en Europe en l’absence de restrictions.
Pékin a fait part de son opposition à toute contrainte imposée à ses ressortissants, et a menacé de prendre des mesures de rétorsion. Les États membres de l'UE continueront à évaluer la situation, et ont convenu de réexaminer les mesures d'ici la mi-janvier.
Nos lectures de la semaine
Malgré la baisse récente de l’inflation, la situation dans les pays baltes pourrait servir d'avertissement pour le reste de l'Europe, estiment Richard Milne et Martin Arnold du FT.
Si vous avez manqué l'édition de la semaine dernière, elle portait sur le procès intenté par ExxonMobil contre la taxe exceptionnelle de l'UE.
Cette édition a été préparée par Théo Larue, Keram Kehiaian, Maxence de la Rochère et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !