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Le Briefing
Le 23 et 24 mars, les chefs d’Etat de l’UE se réunissaient pour un Conseil européen centré sur le Green Deal, la guerre en Ukraine et la compétitivité de l’industrie européenne. L’obstruction allemande sur l’interdiction de la vente de véhicules à moteurs thermiques en 2035 a cependant dominé le sommet, où un accord entre la Commission et l’Allemagne a néanmoins été trouvé à la dernière minute.
COMBUSTION • Lors d’un sommet aux objectifs relativement flous, les chefs d’Etat européens ont adopté des conclusions concernant la guerre en Ukraine, la compétitivité de l’UE et la transition énergétique du bloc.
Des divisions sur un texte clé du Green Deal européen ont néanmoins volé la vedette. Initialement prévue pour le 7 mars, l’approbation finale de l’interdiction de la vente de véhicules à moteurs thermiques en 2035 était bloquée depuis plusieurs semaines par l’Allemagne.
Avec le soutien de l'Italie, la Pologne, la Bulgarie et la République Tchèque, l’Allemagne souhaite un plan spécifique de la Commission au sujet des carburants synthétiques — ou “e-fuels”. Ces derniers sont produits en utilisant du CO2 capturé dans l’atmosphère et de l’hydrogène produit à partir de renouvelables.
Si du CO2 est émis lors de la combustion, celui-ci correspond à du CO2 initialement capturé dans l’atmosphère, ce qui rendrait la technologie théoriquement neutre en carbone. Mais celle-ci est critiquée car elle requiert plus d’électricité que les véhicules électriques, et car les e-fuels doivent également être acheminés depuis des sites de production souvent localisés hors d’Europe.
POLITIQUE • L’Allemagne voit dans ces carburants de synthèse un moyen de préserver sa production de moteurs à combustion, qui représente environ 800 000 emplois dans le pays. Plus précisément, c’est le parti libéral-démocrate (FDP), l’un des trois partis de la coalition allemande, qui s’oppose à l’interdiction totale de la vente de véhicules à moteurs à combustion d’ici 2035.
Après plusieurs défaites électorales locales, le FDP voit dans les e-fuels un moyen de gagner en popularité auprès des Allemands, dont 68% reste opposé à la fin des moteurs à combustion en 2035.
Le parti libéral-démocrate a su rallier le parti social-démocrate (SDP) — à la popularité aussi en berne — du chancelier Olaf Scholz à sa cause, au grand dam du troisième parti de la coalition, les Verts.
RÉACTIONS • Concrètement, l’Allemagne souhaite la création d’un système de crédit pour les producteurs de voitures utilisant ces carburants alternatifs, qui serait entériné par l’adoption d’un acte délégué de la part de la Commission.
La France, l’Espagne, la Belgique, le Danemark, l’Irlande et les Pays-Bas ont quant à eux maintenu leur soutien au plan initial.
Du côté de l’industrie automobile, les critiques envers l’attitude allemande se sont multipliées, accusant le blocage allemand de causer une grande incertitude. Dans une lettre envoyée à la Commission le 20 mars, 47 entreprises automobiles — y compris Volvo et Ford — ont appelé la Commission à s’en tenir à au texte d’octobre 2022, invoquant des risques pour la sécurité des investissements et le “dangereux précédent” que représenterait une marche arrière sur le texte.
ACCORD • Vendredi dernier, plusieurs heures après le départ des chefs d’Etat européens, l’Allemagne et la Commission ont finalement trouvé un accord sur le sujet, a déclaré Frans Timmermans, commissaire en charge du Green Deal.
Les contours de l’accord restent flous, mais selon Politico, la Commission devrait créer une nouvelle catégorie exclusivement pour les e-fuels au sein de la classification automobile Euro 6. Cette classification devrait ensuite être intégrée au sein du texte sur la fin des véhicules à combustion à 2035 comme annexe technique. La Commission devrait rouvrir les négociations sur le texte si jamais Parlement décide de bloquer l’ajout de l’annexe technique.
WHAT NEXT • En pratique, le texte sera donc adopté en tant que tel, et les détails de l’intégration de la nouvelle classification seront débattus plus tard.
S’ajoutant à la pression de la France pour intégrer le nucléaire dans les politiques de l’UE en matière de transition énergétique — notamment sur l’hydrogène vert — l’attitude allemande sur les moteurs à combustion semble irriter plusieurs Etats-membres, qui estiment que la France et l’Allemagne minent l’avancement de l’agenda climatique européen à travers leurs désaccords et demandes individuelles.
Inter alia
BREXIT • C’est (presque) fait. Rishi Sunak a obtenu une majorité de soutien pour le futur des relations du Royaume-Uni avec l’UE. Avec 515 votes pour et 29 votes contre, la Chambre des communes a adopté le “Stormont Brake”, qui permet à l’Assemblée d’Irlande du Nord de s’opposer aux nouveaux règlements et directives européennes qui s’appliquent sur le territoire.
Il s’agit d’un vote clé dans la procédure législative qui devrait aboutir à l’adoption du Windsor Framework côté britannique. Le Windsor Framework a reçu le soutien unanime des Etats membres de l’UE lors d’un Conseil affaires générales qui s’est tenu le 21 mars.
Maroš Šefčovič et James Cleverly se sont retrouvés le 24 mars pour une réunion du comité mixte UE-Royaume-Uni. La déclaration commune a entériné les nouvelles modalités relatives au Windsor Framework — l’accord qui doit permettre de réduire les frictions commerciales à la frontière entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.
ENVI • Le 22 mars, la Commission a adopté deux nouvelles propositions concernant les droits des consommateurs, l’une sur la réparation des biens et l’autre sur la lutte contre le greenwashing.
En ce qui concerne les réparations, la Commission propose d’introduire un nouveau “droit à la réparation” pour les consommateurs. Ce dernier se traduirait, chez les vendeurs, par une obligation de proposer une réparation sauf si cette dernière est plus coûteuse qu’un remplacement.
Outre cette garantie légale, le plan de la Commission prévoit la création de plateformes en ligne de mise en relation entre les consommateurs et les réparateurs et d’une norme de qualité européenne pour les services de réparation, entre autres.
En ce qui concerne le greenwashing, la Commission propose des de nouveaux critères communs pour lutter contre le greenwashing et les allégations environnementales trompeuses. Selon une étude de la Commission, plus de 50% des allégations environnementales au sein de l’UE sont “vagues, trompeuses ou infondées”.
La Commission souhaite des règles à l’échelle du bloc afin d’empêcher le greenwashing mais également pour éviter la concurrence inéquitable qui peut découler de règles trop variées sur la question entre Etat-membres.
La proposition de la Commission sur le greenwashing a été vivement critiquée par les associations de consommateurs et les ONG environnementales. Ces dernières accusent la Commission d’avoir produit un texte trop vague pour qu’il puisse avoir un véritable impact.
Selon le FT, une version antérieure du plan de la Commission prévoyait l’utilisation d’une méthodologie d'empreinte environnementale — “product environmental footprint” — que les associations environnementales avaient perçu comme une victoire. Cette méthodologie est absente de la proposition officielle.
ECO • Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a fait part mercredi dernier de son inquiétude d’une spirale inflationniste alimentée par les demandes et les choix des travailleurs et des entreprises, qui pourraient accroître les pressions sur les prix en augmentant les marges bénéficiaires et les salaires.
Elle a déclaré que les récentes augmentations des coûts d'emprunt n'étaient qu'un début et que la BCE devrait relever les taux d'intérêt pour "freiner la demande" en raison de la persistance d'une inflation élevée. La BCE a relevé ses taux de 50 points de base le 22 mars, portant son taux de dépôt à 3 %.
Plus tôt dans la semaine, Christine Lagarde avait également averti que les récentes turbulences dans le système bancaire pourraient exacerber la contraction actuelle de l'offre de crédit, bien que les banques de la zone euro aient une "exposition très limitée" au Crédit suisse après son rachat par son concurrent UBS.
Le montant des prêts des banques de la zone euro dans l'Union européenne a diminué de 61 milliards d'euros entre janvier et février, soit la plus forte baisse mensuelle depuis 2013. Elle a prévenu les banques qu’elles doivent se préparer à "un environnement potentiellement moins favorable" en raison de la faible croissance économique, de la hausse des coûts de financement et de l'augmentation des défauts de paiement.
L'engagement ferme de la BCE à lutter contre l'inflation en augmentant les taux d'intérêt est en phase avec les politiques de ses principaux homologues, aux États-Unis, en Suisse et au Royaume-Uni, où la Banque d'Angleterre a décidé la semaine dernière d'augmenter son taux de référence à 4,25 %, alors que l'inflation des prix à la consommation a atteint 10,4 %.
Nos lectures de la semaine
Jon Danielsson et Charles Goodhart exposent dans les colonnes de VoxEU ce qu'ils appellent le "trilemme de la politique financière" : maintenir une croissance forte, une inflation faible et une stabilité financière élevée. Selon eux, l'échec des tentatives des décideurs économiques de concilier ces trois objectifs explique la crise bancaire actuelle.
Dans une note pour Bruegel, Alexander Lehmann et Catarina Martins expliquent comment les Sustainability-linked bonds (SLB) pourraient contribuer à incentiviser la mise en œuvre de politiques climatiques dans les pays de l'UE, accélérant ainsi les réductions d'émissions.
Le CEPS a publié un rapport de Veronika Movchan et al. sur les progrès réalisés par l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie dans leurs efforts pour remplir les conditions d'adhésion à l'UE, définies par la Commission en juin 2022.
Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud, et Maxence de La Rochère. À lundi prochain !