Hydrogène renouvelable : la Commission prend position
Mais aussi — Sanctions, Croissance, Infractions, PSC
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Le Briefing
Le 13 février, la Commission européenne a adopté deux actes délégués visant à définir ce qui constitue l’hydrogène renouvelable au sein de l’UE. Les désaccords entre Etats membres avaient retardé de plus d’un an l’adoption de ces deux textes.
ATTENTE • Le Parlement et le Conseil ont choisi de laisser à la Commission le soin d’établir des critères techniques définissant l'hydrogène renouvelable, via des actes délégués. L'établissement de ces critères était très attendu par le secteur. De nombreux investisseurs attendaient un signal clair de la Commission pour investir dans la production d’hydrogène.
Selon Jorgo Chatzimarkakis, PDG de Hydrogen Europe, le manque de clarté sur l’hydrogène renouvelable avait conduit les investisseurs à “se ronger le frein”, rapporte Euractiv. La sécurité juridique apportée par ces nouvelles règles sera appréciée, d’autant plus au moment où les Etats-Unis attirent de nombreux investissements à travers l’Inflation Reduction Act.
H2 • En adoptant ces nouvelles règles, la Commission tranche sur ce que les États membres peuvent considérer comme de l’hydrogène renouvelable. Ainsi, la Commission précise quels types d’hydrogène peuvent être utilisés ou non par les Etats membres pour atteindre leurs objectifs en matière d’énergies renouvelables.
L’apport majeur de ces nouvelles règles concerne le principe d'additionnalité, selon lequel seule la production d’hydrogène à partir de sources nouvelles d’électricité renouvelable peut-être considérée comme renouvelable.
La logique derrière cet impératif d’additionnalité est la suivante : l’UE souhaite éviter que l'hydrogène soit produit à partir de sources d’électricité renouvelable existantes, car cela pourrait créer des pressions sur la production d’électricité. L’UE souhaite en effet encourager une augmentation de la production d’électricité renouvelable, et non une utilisation des capacités existantes pour produire de l’hydrogène.
DÉROGATION • Selon les nouvelles règles, il sera possible de déroger au principe d’additionnalité dans les zones où les émissions de CO2 du secteur de l’électricité sont inférieures à un certain niveau, établi à 18g de CO2 équivalent carbone par mégajoule — ou 18gCO2eq/MJ si vous aimez vraiment les acronymes.
Dans une zone où l’électricité est produite entièrement à partir du nucléaire — qui satisfait donc la condition de faibles émissions de CO2 — l’hydrogène pourra être considéré comme “renouvelable” s’il est produit à partir d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques existants.
Cela signifie donc qu’en France — où l’électricité est largement décarbonée grâce au nucléaire — il ne sera pas nécessaire de construire de nouvelles capacités de production d’électricité renouvelable pour satisfaire le principe d’additionnalité. Les installations existantes suffiront.
À travers ces nouvelles règles, la Commission européenne reconnaît donc la contribution du nucléaire aux objectifs de décarbonation de l’UE.
VICTOIRE • “Le travail de persuasion que j’ai mené avec mes collègues européens a porté ses fruits”, a déclaré à la presse Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, rapporte Euractiv.
Pour la France, la prochaine étape consistera à faire en sorte que cette logique soit appliquée à d’autres textes concernant l’hydrogène comme RED3, la directive de l’UE sur les énergies renouvelables actuellement en cours de révision.
Le 1er février, la France et huit autres États Membres avaient d’ailleurs adressé une lettre à la Commission pour demander l’inclusion de l’hydrogène bas carbone dans cette directive. Selon cette lettre, l’exclusion de l’hydrogène bas-carbone de RED3 représenterait un “cul-de-sac” pour la décarbonation et aurait des effets délétères sur la compétitivité à l’échelle du bloc.
OPPOSITION • Si l’Allemagne a salué l’adoption de ces deux actes délégués, Berlin reste néanmoins sceptique quant à la prise en compte des sources d'électricité bas carbone dans les objectifs de production d’électricité renouvelable.
“C’est un sujet qui fait l’objet de discussions sur de nombreux dossiers et auquel une solution doit être trouvée. Certains pays qui veulent du ‘bas carbone’ partout et d’autres pays n'en veulent pas du tout”, a commenté un diplomate.
De son côté, la France pourrait être prête à envisager des objectifs plus ambitieux en matière d’énergie renouvelable si ces derniers sont pondérés en fonction de l’intensité carbone du mix électrique.
Sur l’hydrogène, plusieurs associations environnementales estiment que les dérogations aux principes d'additionnalité pourraient conduire à une plus grande consommation d’énergies fossiles afin de compenser l’électricité utilisée pour l’électrolyse.
Inter alia
SANCTIONS • Le 15 février, la Commission a annoncé un dixième train de sanctions contre la Russie. Ces nouvelles sanctions s’articulent autour de quatre axes principaux.
De nouvelles interdictions d’exportation d’une valeur de 11 milliards d’euros. Celles-ci ciblent des biens industriels, des produits du secteur de la construction, et des biens essentiels tels que les moteurs à réaction et les pièces de machine.
Un contrôle plus strict des exportations de “biens à double usage” — c’est-à-dire susceptibles d’être utilisés à des fins militaires — comme les hélicoptères. La Commission propose également pour la première fois de sanctionner des entités de pays tiers, notamment des entités iraniennes accusées d’avoir fourni des drones à la Russie.
La lutte contre la propagande russe. La Commission propose d'établir une liste des individus qui relaient des informations erronées sur le conflit à la faveur de Vladimir Poutine.
Un plus grande coordination des sanctions, afin d’empêcher le contournement des mesures par la Russie.
“Avec déjà neuf trains de sanctions, l’économie Russe est en recul”, a expliqué Ursula von der Leyen, déterminée à “maintenir cette forte pression”. Les nouvelles sanctions seront discutées par le Conseil dans l’optique d’une adoption des mesures avant le 24 février, date du premier anniversaire du conflit.
ECO • Selon les dernières prévisions économiques de la Commission, “l’économie de l’UE devrait échapper à la récession [en 2023], mais reste exposée aux turbulences”. Le niveau de croissance dans la zone euro pour 2023 est maintenant estimé à 0,9%, soit 0,4 point de plus comparé aux prévisions de l’automne 2022.
La baisse des prix du gaz, des températures hivernales relativement douces, ainsi que le faible taux de chômage, ont largement contribué à cette revue à la hausse. La Commission confirme également que le pic d’inflation est bel et bien passé — en témoignent la baisse de l’inflation des trois derniers mois.
Les turbulences liées aux prix de l’énergie continuent cependant de représenter un poids non négligeable pour les consommateurs. L’inflation sous-jacente — qui donne une idée plus précise de l'état général de l’économie en excluant les prix relativement volatils de l’énergie et les aliments non transformés — reste également en hausse au mois de janvier.
PSC • Dans le but de promouvoir l'investissement public dans des domaines essentiels tels que ceux liés à la transition écologique et d'éviter des politiques de réduction des déficits trop brutales, la Commission appelle les États membres à accélérer les discussions sur la refonte du cadre fiscal de l'Union.
Les déficits et les niveaux d'endettement actuels restent élevés et, compte tenu de la volatilité de l'environnement économique actuel, un retour rapide aux règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui sont actuellement partiellement suspendues, semble irréaliste. La Commission s'inquiète des conséquences possibles d’une absence de progrès dans les négociations d’ici à fin mars, ce qui pourrait compromettre la perspective d’introduire une réforme des règles avant les élections européennes de 2024.
En novembre, la Commission a présenté des propositions visant à rationaliser les règles budgétaires et à accorder aux différents Etats membres une plus grande marge de manoeuvre dans leurs stratégies de réduction de la dette. Des divergences de positions sur la prise en compte des besoins propres à chaque État membre dans la définition des politiques budgétaires ont entravé l’avancée des négociations.
Le gouvernement allemand craint qu'un assouplissement des règles n'affaiblisse la discipline budgétaire dans la zone euro. La Commission fait le pari qu'un accord pourra être trouvé lorsque les ministres des finances se réuniront le 15 mars, à temps pour le Conseil européen des 24 et 25 mars 2022.
INFRACTIONS • La Commission européenne a publié ses procédures d'infraction le du mois de février. Ces procédures sont monnaie courante : la Commission poursuit les États membres qui ne respectent pas leur obligation de transposer les directives européennes ou, plus généralement, de se conformer au droit de l’UE.
Par exemple, l'exécutif européen a engagé des procédures judiciaires contre huit États membres qui n'ont pas transposé intégralement les dispositions de la directive sur les lanceurs d’alerte; contre le Luxembourg qui n'a pas transposé les règles européennes sur l'achat d'armes à feu; et contre la Hongrie qui a voté contre la position commune de l'UE à l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
La mesure la plus importante est sans aucun doute celle prise à l'encontre de la Pologne, qui est renvoyée devant la Cour de justice l'UE pour "violation du droit de l’Union par le tribunal constitutionnel et sa jurisprudence”. Le tribunal constitutionnel polonais a déclaré dans deux arrêts en 2021 que certaines dispositions des traités de l'UE étaient incompatibles avec la constitution polonaise, remettant ainsi en cause la primauté du droit de l’Union.
L'UE et la Pologne s'opposent frontalement sur la question de l'État de droit depuis l'arrivée au pouvoir du PiS en 2015. Bruxelles s'inquiète de plus en plus du recul de la démocratie et Varsovie s'arc boute face aux incursions de l'UE dans sa souveraineté constitutionnelle. Ce bras de fer a amené l'UE à retenir des milliards de dollars de financement NextGenEU.
Nos lectures de la semaine
Après une semaine mouvementée en Moldavie, l’article de Tony Barber dans le FT retraçant l’histoire du pays, et analysant ses perspectives d'unification avec la Roumanie et d'adhésion à l'UE, s’avère particulièrement utile.
Dans une interview à Atlantico, Sander Tordoir du CER explique pourquoi il estime que la stratégie actuelle de la Commission pour faire pression sur la Hongrie et la Pologne dans le conflit sur la protection de l’État de droit n’est pas viable à long terme.
Le podcast Papy Boom ! vous fait découvrir la vieillesse sous un autre angle en partant à la rencontre de nombreux acteurs impliqués dans le sujet : cheffe d’entreprise, homme politique, réalisatrice de films, philosophe. Un podcast écrit et produit par Anna Maurette.
Cette édition a été préparée par Augustin Bourleaud et Maxence de La Rochère. À lundi prochain !