L’euro-députée maltaise Roberta Metsola a été élue à la présidence du Parlement européen en janvier 2022, succédant à l’italien David Sassoli. Sa première année en tant que présidente du co-législateur de l’Union n’est pas terminée, mais à l’heure du discours sur l’état de l’Union européenne qui s’est tenu au Parlement à Strasbourg cette semaine, il y a lieu de faire un tour d’horizon des grands sujets politiques qui concernent l’UE.
Retrouvez ci-dessous notre entretien avec Roberta Metsola, traduit de l’anglais par Augustin Bourleaud.
Le Parlement européen a été très proactif dans son soutien à la candidature de l'Ukraine pour rejoindre l'UE. Comment appréhendez-vous la suite, et que pensez-vous que le Parlement européen pourrait faire de plus, d’un point de vue juridique et politique ?
Depuis que la guerre illégale de Vladimir Poutine a commencé en Ukraine, l’Union européenne a toujours répondu de manière unie. Je suis convaincue du rôle clé joué par l’Union européenne dans le soutien apporté à l'Ukraine ainsi qu’au peuple ukrainien. Nous avons réagi à cette agression inacceptable par la solidarité, l’unité et la force de notre réponse, que se concrétise par l’adoption de sept trains de sanctions.
La décision d'accorder le statut de candidat à l'Ukraine était également une décision historique et importante afin de montrer à tous les Ukrainiens que l'UE est à leurs côtés. Il est crucial de donner de l'espoir aux personnes qui se battent pour nos valeurs. Mais nous devons éviter que s’installe une lassitude vis à vis de ce conflit, et il est possible de renforcer notre action.
Nous devons rester déterminés dans notre soutien au peuple ukrainien, en explorant toutes les possibilités de prendre de nouvelles mesures ou sanctions, comme nous l'avons fait récemment concernant les visas pour les touristes russes. Toutes les brèches doivent être comblées.
Emmanuel Macron doit composer avec une majorité relative en France, et l'Italie devra avancer sans Mario Draghi. Comment ce nouveau paysage politique affecte-t-il la capacité de l’UE à traiter les problèmes majeurs auxquels nous sommes actuellement confrontés ?
Comment cela influencera-t-il la volonté du Conseil de faire adopter les conclusions de la Conférence sur l'avenir de l'Europe (CoFoE), que le Parlement européen a approuvées ?
Je crois que les États membres feront toujours ce qu'il y a de mieux pour l'Europe, quel que soit leur gouvernement ou la couleur des partis au pouvoir. En l'occurrence, l'Italie et la France ont toujours agi en véritables Européens et je suis convaincue que ces deux pays continueront à relever les principaux défis auxquels l'UE est actuellement confrontée.
Au cours de la conférence sur l'avenir de l'Europe, des citoyens de tous les États membres ont fait part de leurs préoccupations, de leurs suggestions, de leurs critiques mais aussi de leurs satisfactions concernant le fonctionnement de l'UE ; il faut en tenir compte.
À la suite de la conférence sur l'avenir de l'Europe, je crois qu'il existe aujourd'hui un sentiment commun en Europe selon lequel nous devons nous adapter aux temps nouveaux, et être plus efficaces dans des domaines vitaux tels que la santé, l'énergie et la défense. C'est pourquoi le Parlement européen appelle à une convention, qui serait la meilleure plateforme pour discuter de la voie à suivre.
La Commission européenne tente de diversifier les approvisionnements énergétiques du continent pour ne pas rester dépendant de la Russie. Suite au protocole d'accord de la Commission européenne avec l'Azerbaïdjan, vous avez déclaré à Malta Today que l'UE devait mettre fin à sa dépendance énergétique vis-à-vis des régimes autocratiques. Dans quelle mesure, et à quel prix, pensez-vous que les relations cordiales doivent prendre le pas sur la realpolitik énergétique ?
Nous devons nous passer de l'énergie russe car nous ne pouvons plus dépendre du gaz et du pétrole d'un gouvernement autocratique. Cette guerre a montré une fois de plus que l'énergie est, comme elle l'a toujours été, politique. Nous devons opérer un changement stratégique pour compter sur nos amis, et non sur nos ennemis.
Il est également urgent de changer notre modèle énergétique, c'est pourquoi notre action doit désormais se concentrer sur les énergies renouvelables, sur le développement de l'infrastructure énergétique verte dans l'UE et sur l'amélioration des interconnexions. Ce n'est pas le moment de faire marche arrière sur nos objectifs climatiques.
En tant que députée européenne, vous avez joué un rôle de premier plan dans les efforts visant à élaborer une législation européenne contre les poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPPs) – c'est-à-dire les poursuites qui menacent les journalistes et les militants des ONG.
Pourquoi les SLAPPs représentent-elles un problème important à Malte, votre propre pays ? Et dans quelle mesure êtes-vous satisfait de la directive européenne anti-SLAPP telle qu'elle existe ?
La liberté d'expression et la liberté de la presse sont essentielles dans une société démocratique. Soyons clairs, les poursuites stratégiques contre la participation publique (SLAPPs) n'ont qu'un seul objectif: faire taire. Empêcher les journalistes de mettre au jour la vérité qui est très souvent liée à des comportements criminels. C'est pourquoi nous avons besoin d'une législation pour combattre cette pratique abusive, afin que les journalistes n'aient pas à se réveiller chaque matin en se demandant s'ils peuvent vraiment se permettre de relater la vérité.
Malheureusement, les SLAPPs sont en augmentation en Europe, y compris dans mon propre pays. En tant que co-rapporteur du rapport d'initiative du Parlement sur la lutte contre les SLAPPs, j'ai fait entendre ma voix à plusieurs reprises sur cette question. La proposition de de la Commission visant à protéger les journalistes contre les poursuites abusives reprend de nombreux éléments des recommandations du Parlement. C'est un progrès pour notre lutte contre cette pratique abusive, mais on peut toujours faire plus.
Le Parlement européen donnera la priorité à cette question. Nous avons besoin d'une législation anti-SLAPP le plus tôt possible.
2022 est l'Année européenne de la jeunesse. Que fait l'UE pour écouter les jeunes tout au long de l'année ? Si l'UE a fait preuve d'unité en réagissant à la guerre, notamment en se sevrant de l'énergie russe, les conséquences économiques de ces décisions auront un effet les perspectives de ceux qui entreront sur le marché du travail dans les années à venir. Pensez-vous que la prochaine génération sera pro ou anti-EU ?
Avec la guerre en Europe, les jeunes d'aujourd'hui voient et comprennent plus que jamais la valeur de l'Europe. Je pense que l’Europe reste la meilleure option pour leur présent et leur avenir. Cependant, les jeunes mesurent l'importance de certains domaines où l'UE est encore trop lente, comme les questions environnementales et le changement climatique. Il est clair pour eux que l'UE doit travailler plus intensément dans ces domaines.
Bien sûr que ma génération a une responsabilité.
Nous devons faire davantage pour rapprocher les avantages du projet européen des citoyens, en particulier des jeunes qui n'ont connu que la paix en Europe.
Nous devons également écouter les jeunes, comprendre leurs préoccupations, leurs frustrations, et leur offrir des réponses concrètes et des solutions réalistes.
Je souhaite que les jeunes retrouvent un sentiment d'enthousiasme pour l'Europe, qu'ensemble nous puissions rendre notre espace commun plus sûr, plus juste et plus équitable. C'est l'un de mes engagements dans le cadre de mon mandat de Présidente du Parlement européen.