TECH & CONCURRENCE • victoire d'Amazon contre la Commission
La semaine dernière, le Tribunal de l'Union européenne a annulé la décision de la Commission déclarant illégale une réduction de la charge fiscale d'une filiale d'Amazon d'environ 250 millions d'euros. La réduction de la charge fiscale était une décision fiscale anticipative (tax ruling) qui avait été accordée par le Luxembourg, lieu de son siège européen, dans le cadre de la restructuration d'Amazon en Europe.
D'après la super-commissaire en charge de la concurrence Margrethe Vestager, le Luxembourg permettait à Amazon de payer "quatre fois moins d'impôts que d'autres sociétés locales soumises aux mêmes règles fiscales", accordant au groupe multinational "des avantages fiscaux sélectifs auxquels les autres sociétés n'ont pas accès" (Communiqué de presse de la Commission).
En droit européen, une mesure par laquelle un État membre accorde à certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide d’État : un transfert de ressources d'État (des subventions) n'est pas proprement nécessaire. La mesure fiscale accordée au groupe américain a donc été scrutée sous l'angle du droit des aides d'État (concurrence), et non sous celui du droit fiscal qui d'ailleurs ne relève pas de la compétence de l’Union européenne.
Amazon a poursuivi ses activités commerciales en Europe via deux sociétés basées au Luxembourg : Amazon Holding Technologies SCS ("LuxSCS") et Amazon EU Sarl ("LuxOpCo"). La première était la société détentrice des droits de propriété intellectuelle nécessaires aux activités du groupe Amazon en Europe et à ce titre, elle avait conclu, notamment, un accord de licence avec la deuxième, en tant qu’opérateur principal des activités commerciales en Europe. En vertu de cet accord, LuxOpCo s’engageait à payer une redevance à LuxSCS en contrepartie de l’utilisation des actifs incorporels.
Il n'est pas nécessaire de rentrer dans plus de complexité concernant la structure sociale du groupe Amazon en Europe ou de s'attarder sur le droit fiscal luxembourgeois pour comprendre la décision du Tribunal. Dans les grandes lignes, la Commission reprochait à l'administration fiscale du Grand-Duché d'avoir fait des erreurs de calculs et de s'être appuyée sur le montant dit "de pleine concurrence" à partir de la redevance dûe à LuxSCS, et non à partir des bénéfices de LuxOpCo. Néanmoins, la DG Comp ne prouve pas l'incidence ou le résultat de ces erreurs de calculs, le Tribunal balaye donc son argumentation considérant que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage, mais "tout au plus la probabilité de l’existence d’un avantage".
À la suite de la décision, le ministère des finances luxembourgeois s'est empressé de se féliciter de l'arrêt rendu par le Tribunal, en précisant que "le pays continuera à participer de façon active et constructive aux discussions en cours portant sur une réforme de la fiscalité internationale des entreprises, dans le respect du principe du "level playing field"." Il faut dire que l'optimisation fiscale d'Amazon fait l'objet de nombreuses critiques en Europe, en particulier à gauche du Parlement européen, comme en témoigne l'étude publiée vendredi 14 mai par The Left.
Cette affaire peut encore faire l'objet d'un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (juridiction d'appel d'une décision du Tribunal de l'Union), comme l'affaire similaire portée par la Commission européenne contre l'Irlande et Apple pour des tax rulings de 13 milliards d'euros.
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