Revue européenne | Accord sur le pétrole russe, exemption pour la Hongrie
Mais aussi — Gels d'avoirs, Commerce, Davos, Big Tech, Taxonomie
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Conseil européen — la Hongrie obtient son exemption, le Conseil son embargo
Les dirigeants de l’UE se réunissent à Bruxelles les 30 et 31 mai pour une réunion extraordinaire du Conseil européen. Les chefs d’État et de gouvernement de l’UE ont discuté de l’aide financière pour l’Ukraine, de la sécurité alimentaire et, bien sûr, de la sécurité énergétique.
DEAL • Cette nuit, les leaders européens sont parvenus à un accord sur un embargo sur le pétrole russe, qui devra être voté au sein du Conseil de l’UE. Ce faisant, les chefs d’État et de gouvernement accèdent aux demandes de la Hongrie en octroyant à cette dernière une importante exemption.
Voici un extrait des conclusions du Conseil, qui ont été publiées cette nuit :
5. Le Conseil européen convient que le sixième train de sanctions à l'encontre de la Russie couvrira le pétrole brut ainsi que les produits pétroliers livrés dans les États membres depuis la Russie, à l'exception temporaire du pétrole brut livré par oléoduc.
7. Le Conseil européen reviendra dès que possible sur la question de l'exception temporaire concernant le pétrole brut livré par oléoduc.
CONTEXTE • L’embargo sur le pétrole russe proposé par la Commission le 4 mai, a été retouché samedi 28 mai pour en limiter la portée et épargner la Hongrie — principale résistante.
LA SAGA ORBAN • Le pétrole — brut et raffiné — continuera d’affluer par pipeline vers des pays comme la Hongrie, mais aussi la République tchèque et la Slovaquie. D’autres États membres ont annoncé qu’ils refuseraient toutes livraisons par pipeline.
Le 28 mai, la Commission avait envoyé une proposition révisée aux États membres de l’UE. Alors que le dernier projet semblait répondre aux demandes de Budapest, Viktor Orbán a ajouté le 30 mai (lundi) qu’il avait besoin de garanties pour que la Hongrie soit toujours en mesure d’importer du pétrole russe par voie maritime si quelque chose devait arriver aux pipelines.
Quelques jours plus tôt, le 24 mai, , Viktor Orbán avait déclaré dans une lettre adressée au président du Conseil européen, Charles Michel, qu’il refuserait de débattre du sujet. Budapest voulait en savoir plus sur ce que l’UE peut faire pour aider les pays enclavés tels que la Hongrie, la Slovaquie ou la République tchèque, à se sevrer du pétrole russe.
« Compte tenu de la gravité des questions encore ouvertes, il est très peu probable qu’une solution globale puisse être trouvée avant la réunion extraordinaire du Conseil européen des 30 et 31 mai », « je suis convaincu que discuter du paquet de sanctions au niveau des dirigeants en l’absence d’un consensus serait contre-productif », écrivait ainsi Viktor Orbán.
EXIGENCES COÛTEUSES • Entre autres mesures (dont celles à l’encontre de Sberbank, de certains média russes et des personnes proches du Kremlin), la Commission avait proposé le 4 mai une suppression progressive des importations russes de pétrole d’ici la fin de l’année dans le cadre d’un sixième paquet de sanctions, qui ne tient toujours qu’à un fil.
Le 18 mai, la Commission européenne avait dévoilé son plan appelé “REPowerEU” visant à réduire la dépendance énergétique de l’UE vis-à-vis de la Russie d’ici 2027 — avec une enveloppe de 210 milliards d’euros.
Cette enveloppe était considérée comme insuffisante par Orbán, au regard de l’aide nécessaire pour les pays enclavés. La Hongrie attend de l’UE qu’elle débloque jusqu’à 800 millions d’euros pour l’aider à se passer du pétrole russe, car elle dépend actuellement d’un seul oléoduc pour acheminer le pétrole de Russie. La Commission européenne avait déjà proposé des exemptions pour les pays enclavés afin de faciliter la transition mais Budapest avait refusé l’offre de la Commission qui donnait jusqu’à la fin de 2024 pour que l’interdiction entre en vigueur.
ÉTAT DE DROIT • A noter que les fonds destinés à la Hongrie via la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR, qui fait partie du fonds NGEU) sont toujours retenus par la Commission en raison de préoccupations liées à l’Etat de droit.
En ce qui concerne l’État de droit, Orbán pouvait traditionnellement compter la Pologne comme un allié. Mais Budapest et Varsovie ont suivi des voies très différentes sur la façon de réagir à la guerre de la Russie en Ukraine, érodant de facto leur alliance sur d’autres sujets.
Comme le notent Adam Balcer et Zsuzsanna Végh dans un billet de blog pour l’ECFR
“Poland and Hungary will still need each other as mutual guarantors in the face of criticism from EU institutions and other member states concerning the rule of law. However, if Hungary does not take a tougher stance on Russia, Warsaw will not reconcile with Budapest and cooperation will remain limited to this basic common denominator.”
Gel des avoirs russes, et libéralisation des échanges avec Ukraine
CONFISCATION DES AVOIRS • Le 25 mai, la Commission a proposé de nouvelles règles sur le gel et la confiscation des avoirs des personnes et entités qui enfreignent les sanctions de l’UE.
Elle ouvre la porte à l’élimination des obstacles juridiques qui empêchent l’UE de confisquer les biens appartenant aux oligarques russes. En ajoutant la violation des “mesures restrictives” de l’UE – c’est-à-dire des sanctions — à la liste des crimes de l’UE, la proposition rendra illégale le contournement des sanctions dans tous les États membres, couvrant des pratiques telles que le non-gel des avoirs, la dissimulation d’avoirs ou le commerce illégal avec les personnes ou entités mentionnées.
La Commission a également proposé une Directive sur le recouvrement et la confiscation des avoirs qui autorisera la confiscation des avoirs obtenus illégalement — afin de punir l’enrichissement criminel et de prévenir de futures violations. À l’heure actuelle, la violation des sanctions n’est une infraction que dans 12 États membres et les sanctions varient au sein de l’UE. Le pari de la Commission est qu’une harmonisation des règles empêchera les contrevenants de profiter des pays avec des régimes moins sévères.
“À l'heure qu'il est, des définitions et des sanctions pénales divergentes en ce qui concerne la violation des mesures restrictives peuvent toujours conduire à l'impunité. Nous devons combler ces failles et fournir aux autorités judiciaires les outils adéquats pour poursuivre les violations des mesures restrictives de l'Union”, a expliqué Didier Reynders, commissaire chargé de la justice et des consommateurs
LIBÉRALISATION DES ÉCHANGES • Le 24 mai, le Conseil a adopté un règlement autorisant la libéralisation temporaire des échanges et d’autres concessions commerciales pour les importations ukrainiennes. Ébranlée par le conflit en Ukraine, l’UE s’est engagée à soutenir son économie ravagée par la guerre, en soulignant l’importance de la sécurité alimentaire en Europe et ailleurs.
L’accord suspend tous les droits de douane prévus au titre IV de l’Accord d’association UE-Ukraine couvrant les produits industriels et agricoles et prévoyant des quotas de biens exemptés de droits de douane pendant un an. Elle supprime également les droits anti-dumping et autres mesures restrictives sur les importations d’acier.
La proposition a été approuvée par le Parlement européen, soutenue par 515 députés, avec 32 contre et 11 abstentions.
“Nous devons donc soutenir l’Ukraine à tous les niveaux, avec tous les outils dont nous disposons : tant avec des armes et des sanctions qu'avec notre puissance commerciale (...), cela inclut aussi la garantie que l’économie ukrainienne demeure résiliente et compétitive.”, a déclaré Sandra Kalniete, rapporteure permanente pour l’Ukraine.
In Case You Missed It — Davos, Pologne, MEPs à SF, Taxonomie
DAVOS • Le forum de Davos, axé sur la coopération internationale et du stakeholder capitalism, se tient cette année alors que toutes les valeurs qu’il représente sont en crise.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a prononcé un discours, appelant les institutions internationales à rejoindre la plate-forme de reconstruction de l’Ukraine, qui sera présidée par l’Ukraine et la Commission européenne. Von der Leyen a souligné le lien entre le changement climatique et la géopolitique, alors que l’UE met en avant des objectifs climatiques ambitieux tout en se coupant des fournisseurs d’énergie géopolitiquement hostiles. La présidente de la Commission européenne a également souligné la question de la sécurité alimentaire, alors que 20 millions de tonnes de blé sont bloquées en Ukraine.
VARSOVIE SE RAPPROCHE DE BRUXELLES • Le parlement polonais a approuvé une loi visant à abolir la très contestée chambre disciplinaire pour les juges, ce qui avait amené la Commission européenne à retenir 36 milliards d’euros de subventions et de prêts de la NGEU pour des raisons tenant à l’Etat de droit. Pour mémoire, la Commission européenne n’avait pas déclenché le mécanisme de conditionnalité contre la Pologne - alors qu’elle l’a fait contre la Hongrie.
Le projet de loi a reçu le soutien des partis de la coalition, tandis que les partis d’opposition ont voté contre cette décision, jugée comme superficielle.
Comme l’écrit Jakub Jaraczewski de Democracy Reporting International:
“The bill fixes some issues identified by the European Commission, but doesn't address most of them. There's the expectation that the Polish [government] will take more actions related to this - such as un-suspending judges. I'll wait with commenting on the bill's contents until it's final, but we can already see that ultimately all the talk about sovereignty and not being dictated by Brussels on the core constitutional matters dissolved as getting EU money became an increasingly pressing issue”.
Ursula von der Leyen doit se rendre à Varsovie le 2 juin. La Commission et les responsables polonais ont pour objectif de résoudre le problème avant la visite de von der Leyen.
MEPs à San Francisco • Une délégation de la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen s’est rendue à San Francisco cette semaine. Huit eurodéputés y ont rencontré des dirigeants des grandes entreprises technologiques (dont eBay, Apple, Google, Meta, Airbnb ou PayPal), des universitaires et des représentants de la Silicon Valley. Leur visite de 5 jours visait à discuter du commerce électronique, la protection des consommateurs et la réglementation d’Internet, peut-on lire dans le communiqué de presse .
“The mission was timely because the European Union is ushering in a new era of digital platform regulation with the adoption of the Digital Markets Act and Digital Services Act. As Europe is pioneering new digital laws that will have an impact beyond the EU, US companies and think-tanks took great interest in the Parliament’s role in the process. We were able to discuss with some of the largest companies that will be most affected by the DMA-DSA package such as Meta, Google and Apple. Their feedback was mostly positive, although we will have to see how compliant or litigious they will be once the DMA and DSA enter into force”, a déclaré Andreas Schwab, président de la délégation.
THUMBS UP • À Michal Czaplicki, du secrétariat de la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen, pour son tweet depuis les locaux de Facebook.
TAXONOMIE • Pendant ce temps, la saga sur la taxonomie se poursuit, les eurodéputés s’efforçant d’empêcher le gaz et l’énergie nucléaire d’être inclus dans les règles vertes de l’UE. Après que la proposition de résolution contre l’inclusion du gaz et du nucléaire a été soumise aux commissions de l’environnement et de l’économie du Parlement le 20 mai par 16 députés de tous les horizons politiques, l’audition publique a eu lieu le lundi 30 mai avant le vote sur objection prévu le 14 juin. Le vote final en plénière aura lieu le mois suivant.
Cependant, la barre pour rejeter l’inclusion des deux énergies est haute, car une majorité absolue (353 voix) sera alors requise. Du côté du Conseil aussi, l’opposition se forme. Les États qui ont déjà indiqué leur intention de rejeter l’acte délégué comprennent l’Allemagne, le Luxembourg, l’Autriche, mais aussi le Danemark et l’Espagne, selon Contexte. Cependant, il faudra que 20 États représentant 65% de la population rejettent l’acte délégué proposé.
Les commissions ECON et ENVI ont auditionné les experts, dont des représentants du secteur financier, de la Banque européenne d’investissement (BEI), du Centre commun de recherche (CCR) et du Fonds mondial pour la nature (WWF).
Nos lectures de la semaine
L'Allemagne peut-elle tenir sa promesse d'augmenter ses dépenses militaires et de faire face à ses responsabilités de membre de l'OTAN ? Dans le Royal United Services Institute, Alexandr Burilkov relate les tentatives hésitantes du pays de trouver la voie du Zeitenwende.
Le conflit en Ukraine a creusé un fossé entre le Fidesz et le PiS, mais ne nous attendons pas à ce que le refroidissement des relations entre les alliés de longue date dure, expliquent Adam Balcer et Zsuzsanna Végh dans les colonnes de l'ECFR. Face aux critiques de plus en plus vives de leurs partenaires européens, les gouvernements hongrois et polonais n’ont d’autre choix que de se soutenir mutuellement.
Il existe un moyen pour l'Europe de mieux maîtriser l'approvisionnement et le prix du gaz, affirment Peter Cramton et ses co-auteurs dans VoxEU : former un cartel d'acheteurs.
Zach Meyers, du CER, encourage le Royaume-Uni à suivre le chemin emprunté par l'UE en faisant le choix d’une approche ambitieuse en matière de réglementation de la Tech.
Le Centre Martens, le think tank du PPE, a publié un rapport rédigé par Federico Ottavio Reho et Anne Blanksma Çeta sur les perceptions des opinions publiques sur l'économie européenne, la sécurité commune, la lutte contre le réchauffement climatique, et les valeurs partagées.
La newsletter de cette semaine vous est présentée par Cyril Tregub, Marianna Skoczek-Wojciechowska, Gautier Parthon de Von, Maxence de La Rochère, Augustin Bourleaud Agnès de Fortanier et Thomas Harbor. Rendez-vous mardi prochain !