Bonjour et bienvenue dans la Revue européenne du mardi, un condensé de l’actualité utile de la semaine. Bonne lecture !
TAIWAN • Les parlementaires européens en visite officielle à Taipei
Du 3 au 5 novembre, les 7 membres de la Commission spéciale sur l’ingérence étrangère et la désinformation (INGE) ont effectué la première visite à titre officiel de parlementaires européens à Taïwan dans un contexte de tensions croissantes entre Pékin et Taipei.
LES VALEURS • Des parlementaires européens avaient déjà réalisé des visites sur l’île par le passé, mais cette délégation qui a été reçue par la présidente Tsai Ing-Wen officialise la nouvelle position du Parlement européen vis-à-vis de Taïwan. La délégation a échangé avec le premier ministre Su Tseng-chang et la ministre du numérique Audrey Tang, figure notoire de la société civile. La délégation a aussi rencontré les acteurs associatifs du pays.
Dans la lignée du rapport du 21 octobre 2021 sur la coopération entre l’Union européenne et Taïwan, les sept députés, menés par Raphaël Glucksmann, ont qualifié Taïwan de “partenaire clé et d'allié démocratique”. Ils ont appelé l'UE et les autres démocraties à tirer les leçons des bonnes pratiques taïwanaises en matière de lutte contre l’ingérence de la République populaire de Chine.
LA FUREUR • La réaction chinoise ne s’est pas fait attendre. Dès le 4 novembre le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois Wang Wenbin a exhorté l’Europe à “réparer son erreur” et à éviter d'envoyer des signaux erronés aux forces séparatistes de “l'indépendance de Taiwan”, de peur que cela n'ait un impact sérieux sur les relations sino-européennes.
Les autorités pékinoises sont coutumières de ces remontrances contre toute dérogation à ce qu’ils dénomment le “one China principle” qui considère tout contact étranger avec les autorités actuelles de l’île comme une “ingérence étrangère” dans ses affaires intérieures.
LA VOIE LITUANIENNE • La récente visite du ministre des affaires étrangères de Taïwan Joseph Wu fin octobre en Lituanie avait provoqué les mêmes réactions outrées —alors même que le ministre des affaires étrangères chinois, Wang Yi, effectuait lui une tournée dans le sud de l’Europe.
Le petit pays baltique qui défie Pékin depuis plusieurs mois, s’est retiré du groupe 17+1 entre la Chine et l’Europe de l’Est et a annoncé l’ouverture d’un bureau de représentation de Taïwan à Vilnius ainsi que l’approfondissement des liens entre les deux pays.
Malgré la détérioration des relations avec Pékin et l’expulsion de son ambassadrice en Chine, la Lituanie ouvre une voie que d’autres pays pourraient suivre, le pays balte avait même quelques jours plus tôt le soutien commun (et rare) d’Ursula von der Leyen et de Charles Michel.
HONGRIE • Orbán demande à l’UE un remboursement pour la barrière frontalière
BUILD A WALL • Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, a mis une nouvelle fois la pression sur l'Union européenne pour qu'elle rembourse le coût du grillage construit aux frontières du pays (Bloomberg).
AND MAKE THE EU PAY FOR IT • Dans une lettre adressée mardi à la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, M. Orbán a déclaré que son gouvernement avait dépensé 590 milliards de forints (soit 1,64 milliard d’euros) au cours des six dernières années pour les coûts d’installation et d’entretien. Budapest avait déjà effectué la même demande en 2017 lors de la construction d’un “mur anti-migrants” aux frontières croate et serbe (Euronews). La Commission n’a pas bougé d’un iota sur la question, refusant de financer des “murs” sur les fonds européens.
M. Orbán a également appelé les autres États membres à se joindre aux Hongrois pour protéger les frontières extérieures. Début octobre, 12 États membres ont appelé la Commission à financer des “murs” aux frontières extérieures de l’UE (Le Monde). La Commission européenne avait adressé une fin de non-recevoir à cette requête : l’UE ne financera pas “de barbelés et de murs” avait alors avancé la présidente de la Commission.
MENACES MIGRATOIRES • Le porte-parole du Premier ministre, Bertalan Havasi, s’est inquiété d’une menace migratoire “hybride”. En cause : l’utilisation par la Biélorussie d’Alexandre Loukachenko de l’arme migratoire à sa frontière et le « retrait désastreux » des forces de sécurité d’Afghanistan, menaçant ainsi de créer une crise encore plus profonde qu’il y a six ans (444.hu). L’évolution du sujet migratoire amène certains à tempérer leur opposition au financement européen de murs — c’est le cas du PPE dont le leader, Manfred Weber, considère que ces pays ont leur mot à dire.
BREXIT • pêche encore, Irlande du Nord toujours
La dernière réunion sur la pêche à Bruxelles, tenue vendredi 4 novembre, a notamment évoqué la houleuse question des licences dont les pêcheurs européens, et notamment français, pouvaient profiter dans les eaux britanniques.
FISHY • Les enjeux politiques sont importants. Le gouvernement Johnson doit compenser avec une situation économique défavorable et, concernant la pêche, il doit honorer la promesse de retrouver la pleine maîtrise des eaux britanniques. Côté français, à l’approche de l’élection présidentielle et de la présidence française de l’UE (PFUE), les négociations avec le Royaume-Uni doivent convaincre les eurosceptiques que sortir de l’UE a un cout important, quitte à demander à la Commission de “punir” Londres, comme l’a demandé Jean Castex dans une lettre à Ursula von der Leyen.
NÉGOCIATIONS ENSABLÉES • Le sujet, qui relève d’une compétence exclusive de l’Union au titre du TFUE, n’a pas connu d’avancée significative. La Commission européenne a en effet fait part par l’intermédiaire du Vice-président Sefcovic de l’échec des toutes dernières discussions politiques et techniques avec le Royaume-Uni, dans la mesure où elles n’ont pas abouti pour les français à une demande du nombre de licences délivrées.
Si certaines licences provisoires ont pu être prolongées par les autorités de Jersey, de nombreux pêcheurs français sont toujours en attente de licences permanentes. Il est probable que l’UE puisse recourir à un plus large éventail de scénarios possibles, dont la prise de mesures unilatérales, pour lesquelles le soutien de l’ensemble des 27 États membres serait requis.
PROTOCOLE NORD-IRLANDAIS • Les tensions autour de la mise en œuvre du Protocole nord-irlandais sont toujours vives. Dans un contexte d’enlisement total des négociations avec l’UE, le Royaume-Uni a évoqué vendredi une suspension possible du protocole, via l’activation de l’article 16.
À Londres, David Frost doit présenter l’état des négociations devant la Chambre des Lords aujourd’hui (9 novembre), avant d’entamer une prochaine vague de réunions avec le Secrétaire d’Etat, Clément Beaune, puis le vice président de la Commission, Maros Sefcovic le, 12 novembre.
TECH • Frances Haugen au Parlement européen, Google au tribunal
La lanceuse d’alerte à l’origine des Facebook Papers, Frances Haugen, est en tournée en Europe. Elle était ce lundi à Bruxelles où elle était entendue par le Parlement européen, devant la commission du marché intérieur (IMCO) pour parler de “l'impact négatif des produits des grandes entreprises technologiques sur les utilisateurs”. Elle rencontrait également à Bruxelles ce lundi le Commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, qui entend réglementer le Far West digital (l’Écho).
DSA • L’ancienne employée de Facebook n’a pas mâché ses mots, accusant les produits de Facebook d’être nuisibles pour les enfants, d’aggraver les clivages politiques et de menacer la démocratie. Au Parlement européen, Frances Haugen a appelé l’UE à saisir “l’opportunité d’une génération” dans la réglementation des contenus en ligne en faisant du DSA un “gold standard” législatif (euronews).
La visite de Frances Haugen, et plus largement la déflagration causée des deux côtés de l’Atlantique par les Facebook Papers, pourrait peser sur les orientations de l’UE pour sa réglementation phare des grandes plateformes numériques, le Digital Services Act (DSA).
BAZOOKA • Le Parlement européen pousse pour une réglementation plus sévère des géants des réseaux sociaux. Celle-ci devrait passer par un renforcement des exigences en matière de modération des contenus, avec des amendes qui pourraient monter jusqu’à 6% du chiffre d’affaires mondial en cas de carences dans la suppression de contenus illégaux. Le Parlement européen se penche aussi sur la possibilité de limiter, voire interdire la publicité ciblée, une proposition à laquelle la Commission se montre très réticente.
TECHLASH • La semaine est chargée pour les GAFA de ce côté de l’Atlantique. Mercredi (10 novembre), le Tribunal de l’UE doit rendre son jugement concernant l’amende de 2,4 milliards d’euros infligée en 2017 par la Commission européenne en 2017 dans l’affaire Google Shopping.
Une confirmation de l’amende de la Commission serait une victoire qui donnerait un nouvel élan à l’agenda antitrust européen — après le revers subi l’année dernière dans l’affaire des rabais fiscaux accordés par le Luxembourg à Amazon (Politico).
ECOFIN • règles budgétaires, coalition allemande et prix de l’énergie
Ce lundi (8 novembre), avait lieu une réunion de l’Eurogroupe, suivie par la réunion du Conseil Écofin ce mardi (9 novembre). Au menu des discussions: inflation, crise énergétique, gouvernance économique, et euro digital.
PACTE DE STABILITÉ • Les ministres des finances de l’UE doivent débattre du futur de la gouvernance économique de l’Union européenne, alors que l’application du Pacte de stabilité et de croissance (qui impose aux États membres un déficit à 3% et une dette publique à 60% du PIB) a été suspendue pour cause de Covid-19.
EN ATTENDANT BERLIN • La Commission européenne a lancé une consultation en octobre 2021, qui devrait déboucher sur une proposition de réforme (ou pas) courant 2023. Mais les débats ont lieu sans certitude quant à l’identité du prochain ministre allemand des finances, dont la position pèse évidemment dans de tels débats.
La plupart des commentateurs voient le poste atterrir dans la besace des libéraux du FDP — et non à Robert Habeck, leader des Verts qui devraient gouverner en coalition sous la houlette du SPD d’Olaf Scholz. Christian Lindner est connu pour ses positions orthodoxes.
TRIBUNES INTERPOSÉES • Dans une tribune pour Die Zeit, Joseph Stiglitz et Adam Tooze mettaient en garde fin octobre contre les risques que ferait peser la politique fiscale restrictive promue par Christian Lindner sur le futur économique de l’UE — en substance répéter les erreurs de la crise des dettes souveraines (Eurointelligence).
Le principal visé a répondu aux attaques du duo dans un entretien accordé à la F.A.Z la semaine dernière, campant sur la nécessité de freiner la hausse des dettes publiques et de veiller aux risques inflationnistes au sein de la zone euro. Une position partagée par l’actuel ministre des finances autrichien, Gernot Blümel, qui milite pour le retour à des règles budgétaires plus strictes, citant dans une interview accordée à Bloomberg la convergence de vues avec Christian Lindner en la matière.
Le son de cloche est différent côté français. Bruno le Maire déclarait ce lundi que la sortie de crise suppose d’être “capable d’investir, d’innover, à la fois pour réussir la transition écologique, qui va demander des financements considérables”. Pour le ministre français de l’économie, la règle des 60% est “obsolète”.
LA FRANCE ET L’ÉNERGIE • Paris arrive à Bruxelles avec une série de propositions pour le marché européen de l’énergie. Alors que la majorité des leaders européens considère que les mesures conjoncturelles prises pour lutter contre la hausse des prix de l’énergie suffisent, Bruno le Maire considère que des réformes plus amples sont nécessaires (Bloomberg).
La France porte ainsi à Bruxelles l’idée d’un stabilisateur automatique des prix, de la mise en place de “contrats de long terme à prix garanti sur les énergies renouvelables pour les entreprises”, et de ”contrats de long terme sécurisés pour les ménages” (communiqué).
Nos remerciements aux rédacteurs de cette édition : Gaëtan du Peloux, François Hemelsoet, Guillaume Thibault, Agnès de Fortanier, Thomas Harbor. Merci également à Pierre Pinhas et Adam Zagoni-Bogsch pour leurs commentaires. À mardi prochain !