Revue européenne | 27 juillet 2021
Protocole Nord-Irlandais • BCE • NGEU • Nord Stream 2 • Blanchiment
Bonjour! Bienvenue dans la Revue européenne du mardi, un condensé d'actualité européenne utile. Bonne lecture !
BREXIT • an offer you can only refuse.
DANS UNE COQUILLE DE NOIX — Boris Johnson veut revenir sur à peu près tout ce qu’il a négocié il y a un peu moins de deux ans. Le gouvernement britannique a proposé dans un papier, publié le 21 juillet, de renégocier le Protocole nord-irlandais signé en octobre 2019 et annexé à l’accord du Brexit de décembre 2020. La Commission européenne y a poliment répondu (communiqué), pour ne pas gâcher les vacances d’été de la bulle européenne.
Voici quelques unes des propositions du gouvernement britannique :
Suppression des contrôles à la frontière pour les produits à destination du seul marché nord-irlandais, avec un système d’auto-certification ;
Un régime dual en Irlande du Nord, où les produits en provenance de Grande-Bretagne et respectant les règles sanitaires et phytosanitaires britanniques coexisteraient avec les produits respectant la réglementation de l’UE ;
Revenir sur le régime des aides d’État : le gouvernement britannique ne veut pas que ses subventions pouvant affecter le commerce en Irlande du Nord soient soumises au droit de l’UE ;
Revenir sur la compétence donnée à la CJUE pour trancher les litiges qui surviennent dans l’application du Protocole.
Le Royaume-Uni fait une offre que l’UE ne peut que refuser (FT) et menace d’activer l’article 16 du Protocole, qui permet de prendre des “mesures de sauvegarde” unilatérales, qui est évidemment utilisé pour mettre la pression sur Bruxelles (Irish Times).
RÉACTIONS — Maroš Šefčovič a immédiatement rétorqué qu’il n'était pas question de rouvrir une négociation d’ensemble du Protocole.
Ursula von der Leyen, qui s’est entretenue au téléphone avec Boris Johnson jeudi dernier, a également rappelé que les négociations devaient avoir lieu dans le cadre du Protocole, écartant une renégociation (The Guardian).
Après avoir refusé l’harmonisation proposée par Bruxelles des règles sanitaires et phytosanitaires et consenti à l’extension de la période de grâce sur les contrôles douaniers jusqu’à la fin Septembre, le Royaume-Uni choisit le bras de fer avec la Commission européenne.
ÉCO • BCE et relance
La BCE promet des taux bas pour longtemps
EN BREF — Lors de la dernière réunion du Conseil des Gouverneurs le 22 juillet, la BCE s’est exprimée sur l'évolution de sa gestion des taux et de ses programmes d'achats (communiqué). Pour l’instant la BCE laisse inchangés ses taux et achats d'actifs.
Cette réunion est la première à intégrer la nouvelle stratégie de la BCE dévoilée il y a deux semaines, qui prévoit une nouvelle cible d'inflation plus flexible, désormais fixée à 2% tout en tolérant des dépassements temporaires et modérés.
REVISION DE LA FORWARD GUIDANCE — Pour atteindre l’objectif d'inflation symétrique de 2%, le Conseil des Gouverneurs a révisé sa stratégie de “forward guidance” en matière de taux d'intérêt. Maintenant une orientation accommodante de la politique monétaire, le Conseil prévoit que les taux d'intérêt directeurs de la BCE resteront à leur niveau actuel jusqu'à ce que l'inflation approche durablement des 2%.
ASSOUPLISSEMENT QUANTITATIF — La BCE poursuivra ses achats dans le cadre du Programme d'achats d'actifs aussi longtemps que nécessaire au rythme de 20 milliards d'euros par mois. L’institution continuera également les achats nets dans le cadre du Programme d'achat d'urgence en cas de pandémie, pour un montant 1,850 milliard d'euros au moins jusqu'à la fin mars 2022. Lors de la conférence de presse qui a suivi la réunion, la Présidente Christine Lagarde a ajouté être prête à tolérer un dépassement modéré et transitoire de son objectif d'inflation.
PAS D'UNANIMITÉ — Le changement de stratégie ne fait pas l'unanimité, le Financial Times rapporte que Jens Weidmann, Président de la Bundesbank, et Pierre Wunsch, Gouverneur de la Banque nationale de Belgique, s’y sont déjà opposés..
Fond de relance et fonds structurels
EN BREF — Dans le cadre du Plan de relance européen, c’est aux États membres, dans le cadre d’une gestion partagée, de décaisser rapidement les montants de la Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR) qui leurs sont affectés. Or chaque année, les États membres échouent (dans des proportions diverses) à dépenser les sommes des fonds structurels européens, ce qui crée un risque de chevauchement et de double financement des projets (Acteurs Publics) .
BÉNÉFICES — En temps de crise, un plan de relance budgétaire est d’autant plus efficace qu’il est déployé et exécuté rapidement, lorsque les multiplicateurs budgétaires sont élevés et le secteur privé en demande.
RISQUE — Dépenser des sommes importantes en respectant les critères européens du plan NGEU est loin d’être facile. Le risque serait d’utiliser les fonds du plan de relance pour financer des dépenses habituellement couvertes par les fonds structurels, en particulier ceux de la politique de cohésion. L’effet pour la relance serait alors nul : il ne s’agirait que d’un jeu comptable, et les sommes de la politique de cohésion viendraient alimenter le « reste à liquider » (RAL), qui atteignait 303 milliards d’euros à fin 2020.
NUANCE — On retient une citation dans un billet signé par la chef économiste de la DG Trésor, Agnès Bénassy-Quéré, à l’issue d’une étude comparée des différents plans nationaux de relance et de résilience
QUOTE « il apparaît clairement que les PNRR ne sont pas des plans de relance au sens keynésien du terme, mais plutôt des plans de transformation et d’efficacité des économies européennes ».
Dès lors, le contenu du plan pourrait être plus déterminant que le calendrier de son décaissement pour assurer un effet de long terme.
DIPLO • Nord Stream 2, le tube de l’été
EN BREF — L’Allemagne et les Etats-Unis sont parvenus à un accord mercredi 21 juillet sur le gazoduc Nord Stream 2 pour reprendre les travaux et la pose des derniers kilomètres du tube.
Le projet de gazoduc Nord Stream 2 vise à relier la Russie à l’Allemagne via un tube de plus de 1 000 kilomètres de long sous la mer Baltique (contournant donc l’Ukraine), d’une capacité de 55 milliards de m3 de gaz par an, doublant ainsi la capacité de son jumeau Nord Stream 1 mis en place en 2012. L’Allemagne a toujours promu ce projet, considérant que ce gazoduc l’aidera dans sa transition énergétique.
Depuis le début des travaux en 2018, Nord Stream 2 cristallise les tensions. En 2019, les États-Unis ont voté une loi imposant des sanctions contre les entreprises impliquées dans le chantier, interrompant de facto les travaux.
3 raisons expliquaient l’opposition des États-Unis : l’affaiblissement économique et stratégique de l’Ukraine, l’augmentation de la dépendance de l’UE au gaz russe et dès la baisse de l’attractivité de l’offre de gaz liquéfié américain pour les Européens. En changeant son fusil d’épaule, les Etats-Unis peuvent se rapprocher encore de
l’Allemagne dont l’appui est nécessaire pour de nombreux dossiers internationaux.
OPPOSITION À KIEV — La classe politique ukrainienne maintient son opposition à l’accord du 21 juillet. En effet, Nord Stream 2, en diminuant les recettes ukrainiennes du transit du gaz russe, va mécaniquement augmenter la vulnérabilité ukrainienne face à son puissant voisin (Politico).
TENSIONS À BRUXELLES — La Pologne et les Pays baltes s’opposent au projet depuis le départ. Ces pays sont traditionnellement contre les projets conduisant à une plus grande dépendance énergétique des pays de l’UE vis-à-vis de la Russie. Un communiqué de presse conjoint des ministères des affaires étrangères de l’Ukraine et de la Pologne à la suite de l’annonce de l’accord a ainsi consacré le front commun des deux pays contre Nord Stream 2. À noter que la Commission européenne elle-même e
st officiellement opposée au projet, un de ces porte-parole déclarant que Nord Stream 2 n’est pas un « projet européen d’intérêt commun » (Politico).
GARANTIES — L’accord du 21 juillet prévoit des mesures de compensation pour l’Ukraine destinées à garantir sa sécurité. On peut citer la mise en place d’un Fonds vert abondé par l’Allemagne (175 millions d’euros) ou la garantie que l’Ukraine puisse bénéficier d’approvisionnement en gaz depuis l’UE dans le cas où la Russie déciderait encore de fermer les vannes. Ces compensations ont été jugées insuffisantes par Kiev (communiqué).
INSTITUTIONS • lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme
EN BREF — Après un premier report, la Commission européenne a présenté, le 20 juillet, un nouveau paquet législatif pour lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (communiqué).
La lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme s’est imposée comme un impératif majeur après de nombreux scandales (Cyprus papers,Fincen files) et une pression croissante des États membres.
La Cour des comptes européenne avait notamment souligné, dans un rapport paru en juin, l’insuffisance des règles actuelles.
LE PAQUET — Pour répondre à cet enjeu, la Commission a présenté quatre propositions législatives dont l’une vise à instituer une nouvelle autorité en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Le nouveau paquet consacre également l’extension des règles en matière de lutte contre le blanchiment via les cryptos monnaies et limiter les paiements en liquide à 10 000 euros.
OBJECTIF 2026 — L’autorité (l’AMLA) sera chargée d’augmenter la coordination des autorités nationales de contrôle tout en ayant un rôle opérationnel en surveillant directement certaines banques et établissements financiers.
Cette nouvelle agence devrait être sur pied en 2026.
Merci à Gaëtan du Peloux (bienvenue !), Andreï-Bogdan Sterescu, Pierre Minoves, Felix Vanden Borre, Eva Boutsikaki, Nathan Munch, Léo Amsellem, Agnès de Fortanier et Thomas Harbor pour la rédaction de cette édition.
Mardi prochain, et pour trois semaines, la rédaction de What’s up EU est en vacances. Rendez-vous le 24 août !