Revue européenne | 22 mars 2022
Ukraine • Sanctions • CBAM • Tech • Énergie • Chips • Égalité • Crypto • Finance • Commerce
Bonjour et bienvenue dans la Revue européenne du mardi, un condensé d'actualité européenne utile. Bonne lecture ! La revue est désormais disponible en anglais, espagnol, italien, roumain, russe, et ukrainien. Pour nous soutenir, abonnez vous 💌
Ukraine • état des lieux
Après trois semaines de conflit, on estime que dix millions d’Ukrainiens ont été déplacés, dont 3,5 millions hors du pays. Les dirigeants de l’UE ont convenu d’une quatrième vague de sanctions économiques contre la Russie, mais l'embargo du gaz et du pétrole russes n’est toujours pas d’actualité.
POURPARLERS • Le 14 mars, les délégations russe et ukrainienne se sont réunies virtuellement pour la quatrième série de pourparlers de paix. Si les positions russes semblent s’adoucir, les exigences ukrainiennes restent inchangées. “Cessez-le-feu, retrait des troupes et fortes garanties de sécurité avec des formules concrètes”, a demandé Mykhailo Podoliak, le conseiller du chef du bureau du président ukrainien.
Le projet de proposition en 15 points pour parvenir à un accord de paix, dont les deux parties ont discuté, impliquerait que Kiev renonce à son ambition d’adhésion à l’OTAN, ce qui nécessiterait un amendement à sa constitution.
Il interdirait également toute présence militaire étrangère sur le territoire ukrainien, en échange de garanties de sécurité de la part de pays tels que les États-Unis, le Royaume-Uni et la Turquie. Il est très peu probable que cette proposition de paix aboutisse. Les Ukrainiens ayant encore en mémoire la violation par la Russie du mémorandum de Budapest de 1994, qui avait obligé l’Ukraine à renoncer à son arsenal nucléaire — le troisième plus grand au monde à l’époque, en échange de garanties de sécurité.
DEMI-VISEGRAD • Mardi 15 mars, les dirigeants polonais, tchèque et slovène se sont rendus à Kiev pour s’entretenir avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Cette rencontre symbolique entre les quatre chefs d’Etats portait sur la situation militaire et humanitaire de l’Ukraine. “Your visit to Kyiv, in these hard times for Ukraine, is strong evidence of support. We really appreciate it”, a déclaré le président ukrainien. Le même jour, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a sous-entendu dans un post Facebook que l’UE devrait offrir son adhésion à l’Ukraine, pour son incarnation et sa défense des valeurs européennes.
FONDS DE COHÉSION • Mercredi 16 mars, le Conseil a approuvé une proposition législative visant à utiliser les fonds de la politique de cohésion pour faire face à la crise migratoire actuelle. Joël Giraud, ministre français de la cohésion territoriale et des relations avec les collectivités territoriales, a annoncé que l’UE avait accéléré le déblocage des ressources afin de fournir une aide urgente aux personnes fuyant la guerre en Ukraine. La proposition prolonge d’un an la mise en œuvre des fonds pour les affaires intérieures 2014-2020 et modifiera le fonds “asile, migration et intégration” 2021-2027 en donnant accès aux montants non dépensés.
FRONTEX EN MOLDAVIE • Le jeudi 17 mars, le Conseil a décidé de signer un accord avec la Moldavie — non membre de l’UE — pour permettre à Frontex de fournir au pays un soutien opérationnel. L’accord, que le Parlement devra approuver, sera appliqué à titre provisoire. Il permettra à Frontex d’aider la Moldavie dans sa gestion des frontières, par exemple en déployant des équipes frontalières pour procéder aux vérifications, aux enregistrements et à la surveillance aux frontières.
LIGNES DIRECTRICES DE la DPT • Le 18 mars, la Commission a présenté des lignes directrices opérationnelles visant à clarifier l’application de la directive sur la protection temporaire. Ce texte adopté en 2001 et activé le 10 mars dernier a vocation à accorder aux réfugiés ukrainiens des permis de séjour et de travail temporaires et immédiats dans l’UE. La directive donne aux réfugiés “un niveau cohérent et efficace de droits” et garantit que la Commission soutient les États membres à chaque étape du processus, de l’arrivée à l’intégration. Les lignes directrices sont constamment mises à jour pour refléter les circonstances et l’évolution des besoins des États.
GUERRE OU ÉTAT DE DROIT ? • Le vendredi 18 mars, la Commission a publié les lignes directrices sur l’application du règlement sur la conditionnalité à l’État de droit, qui permet à l’UE de suspendre l’octroi de fonds européens aux États membres portant atteinte à l’Etat de droit. Avant le début de la guerre en Ukraine, il s’agissait d’un des dossiers les plus brûlants. La CJUE ayant rejeté à la mi-février les recours introduits par la Pologne et la Hongrie contre le règlement 2020/2092, ce qui aurait dû donner le feu vert pour sa mise en œuvre. Certains responsables craignent cependant que l’UE ne donne la priorité à l’Ukraine, oubliant l’État de droit, et que la Pologne “utilise cette guerre en Ukraine comme un écran de fumée pour l’assassinat final de l’État de droit en Pologne”, a averti le juge Mateusz Mazur.
Nous avons eu une conversation sur la situation actuelle avec Ivanna Klympush-Tsintsadze, présidente de la commission parlementaire ukrainienne sur l’intégration de l’Ukraine dans l’UE et ancienne vice-première ministre pour l’intégration européenne et euro-atlantique de l’Ukraine. Vous pouvez retrouver l’interview ici (en anglais) 🔽
SANCTIONS • épisode IV
Le quatrième paquet de sanctions de l’UE contre la Russie a été adopté par le Conseil de l’UE le 15 mars, à la suite de la réunion informelle des États membres de l’UE les 10 et 11 mars à Versailles.
QUOI DE NEUF • Les nouvelles mesures comprennent l’interdiction des transactions avec certaines entreprises d’État et de nouveaux investissements dans le secteur énergétique en Russie. En outre, l’UE a introduit de nouvelles restrictions commerciales sur les importations de fer et d’acier ainsi que l’exportation de produits de luxe.
D’autres personnes, dont le propriétaire du Chelsea FC, Roman Abramovich, font désormais l’objet d’interdictions de voyager et de gels d’avoirs, soumettant au total 877 personnes et 62 entités à des mesures restrictives. La Commission a également annoncé que le financement de la Russie par l’intermédiaire d’institutions internationales telles que le FMI, la Banque mondiale et l’OCDE sera suspendu.
PÉTROLE ET GAZ • Malgré cette nouvelle vague de sanctions, les discussions sur les interdictions de gaz et de pétrole russes ne semblent pas être sur la table pour le moment — avec des réticences notables de la part de l’Allemagne, dépendante de l’énergie russe. Attendez-vous cependant à ce que les sanctions liées au pétrole et au gaz soient au cœur des conversations lors de la prochaine réunion des dirigeants de l’UE les 24 et 25 mars.
Les Pays-Bas, dans un geste sans précédent, ont annoncé qu’ils étaient prêts à interdire l’utilisation de sociétés écrans ayant des liens avec la Russie , même si l’économie néerlandaise est l’une des plus exposées en Europe, avec 27 milliards d’euros d’ investissements directs étrangers annuels en provenance de Russie.
Évènement • Observatoire de la PFUE
Pour suivre la Présidence Française du Conseil de l’Union Européenne (PFUE), CommStrat et le Mouvement Européen-France ont lancé un “Observatoire de la PFUE” en partenariat avec Harris Interactive, L’Opinion et la Maison de l’Europe de Paris et What’s up EU, pour suivre l'opinion des Français.
Le troisième événement de cet Observatoire se déroulera le ce soir, 22 mars 2022, de 18h30 à 20h30, à la Maison de l’Europe de Paris et en visioconférence, sur le thème “Guerre en Ukraine et Souveraineté énergétique”.
ENVI • le Conseil approuve le mécanisme d’ajustement aux frontières en matière de carbone
Le 15 mars, le Conseil de l’UE s’est mis d’accord sur une “orientation générale” sur le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM). Cela marque le début de nouvelles négociations entre le Conseil et le Parlement européen.
ACCORD • L’approbation par le Conseil d’une orientation générale sur le CBAM suit de près la proposition initiale faite par la Commission en juillet 2021 visant à faciliter le processus de décarbonisation de l’UE en empêchant la concurrence d’entreprises non-européennes soumises à des réglementations environnementales moins strictes. Jusqu’à présent, les entreprises européennes menacées par la concurrence déloyale et les fuites de carbone — principalement des industries à forte intensité énergétique — se voyaient attribuer des permis d’émission gratuits par le biais du système d’échange de quotas d’émission (SEQE) de l’UE. La mise en œuvre du CBAM devrait mettre fin aux quotas gratuits et introduire un prélèvement sur les marchandises importées à fortes émissions afin de tenir compte des coûts supportés par les industries européennes dans le cadre du SEQE. Cette orientation générale servira de base aux négociations du Conseil avec le Parlement européen.
CLARIFICATIONS • La position du Conseil donne une idée de ce à quoi pourrait ressembler le système en pratique. Une gouvernance centralisée du système pourrait être privilégiée, par exemple, le registre des importateurs CBAM pourrait être administré au niveau de l’UE. Pour éviter les maux de tête administratifs, le Conseil envisage également des exemptions d’obligation CBAM pour les envois dont le prix est inférieur à 150 euros.
ELEPHANT IN DA ROOM • Quelques questions épineuses ont néanmoins été laissées de côté par le Conseil. “Il y a un éléphant dans la pièce: quand et à quel rythme le CBAM remplacera-t-il les quotas gratuits?” a déclaré l’eurodéputé néerlandais Mohammed Chahim, rapporteur du texte. La suppression progressive des quotas gratuits est en effet cruciale pour inciter le secteur industriel à adopter des mesures ambitieuses de décarbonisation, mais aussi pour rendre le CBAM conforme aux règles de l’OMC. Le Conseil n’est pas allé au dela de la proposition de la Commission concernant le soutien potentiel aux pays vulnérables, ce que regrette l’Institut Jacques Delors. L’importance d’une coopération internationale renforcée a toutefois été notée par le Conseil et pourrait prendre la forme d’un club climat parallèlement au CBAM.
PROCHAINES ÉTAPES • La forme finale du CBAM sera déterminée au cours des négociations entre le Conseil et le Parlement. Les législateurs européens continuent de se réjouir de la position officielle du Parlement sur la question.
TECH • feu vert pour Amazon; plainte pour Microsoft ; amende pour Meta
TECH • feu vert pour Amazon; plainte pour Microsoft ; amende pour Meta
Cette semaine: Amazon, Microsoft, Meta, des enquêtes antitrust, des amendes pour non-respect du RGPD, et des films.
AMAZON / MGM • La Commission européenne a approuvé mardi 15 mars l’acquisition par Amazon de la société de médias Metro Goldwyn Mayer (MGM). Amazon espère que l’accord de 8,45 milliards de dollars l’aidera à lutter dans les “guerres du streaming”. Amazon Prime, la deuxième plus grande plateforme de streaming par abonnés derrière Netflix, aura accès à un vaste catalogue de films et de séries télévisées - qu’elle pourra retirer des plateformes rivales. La Commission n’a pas considéré que l’acquisition était anticoncurrentielle.
OVH / MICROSOFT • La société de cloud française OVHcloud a déposé une plainte auprès de la Commission européenne contre Microsoft à l’été 2021 pour pratiques anticoncurrentielles, a rapporté le Wall Street Journal le 16 mars. Il s’agit de la deuxième plainte à laquelle Microsoft est confronté sur le marché du cloud, après des allégations similaires de Nextcloud, basée en Allemagne. Microsoft fait l’objet d’un examen antitrust intense sur différents fronts, y compris son projet d’acquisition de la société de jeux vidéo Activision Blizzard.
OVH, comme pour l’affaire Slack — soutient que Microsoft peut augmenter les prix pour utiliser des services cloud en plus de Microsoft Azure, et que d’autres services cloud ne peuvent pas rivaliser parce que ses logiciels ne fonctionnent pas aussi bien lorsqu’ils sont utilisés sur leurs plates-formes.
Il n’est certain que la Commission s’engage dans l’enquête immédiatement. Elle pourrait attendre d’utiliser le Digital Markets Act (DMA), qui sera bientôt approuvé, pour sanctionner la conduite de Microsoft. En effet, la proposition réglementaire de la DMA inclut les services cloud et, lorsqu’elle sera adoptée, pourrait obliger Microsoft à permettre l’installation et l’utilisation efficace d’applications logicielles tierces pour les entreprises qualifiées de “gatekeepers”. La proposition de DMA entrera en trilogue prochainement et devrait entrer en vigueur avant la fin de l’année.
META SLAP • Meta a été condamné à une amende de 17 millions d’euros par l’agence irlandaise de surveillance de la protection de la vie privée — le Data Protection Commissioner (DPC) pour avoir failli à traiter une série de violations de données qui ont touché 30 millions d’utilisateurs de Facebook en 2018. En vertu du règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en 2018, les amendes peuvent atteindre 4% du chiffre d’affaires annuel dans les cas les plus graves. Il s’agit de “la première décision finale de l’Irlande sur une enquête RGPD contre Facebook lui-même depuis que le règlement a commencé à être appliqué il y a près de quatre ans”, a noté Natasha Lomas de TechCrunch.
ÉNERGIE • les négociants demandent de l’aide
La Fédération européenne des négociants en énergie (EFET), qui représente des entreprises comme BP, Shell et les négociants en matières premières tels que Vitol, a exhorté les États membres de l’UE et les banques centrales à fournir “un soutien d’urgence en liquidités limité dans le temps pour garantir que les marchés de gros du gaz et de l’électricité continuent de fonctionner”, a rapporté le Financial Times le 16 mars.
HELP • L’EFET fait valoir dans sa lettre que “l’objectif primordial [d’un régime de soutien à la liquidité] est de maintenir ouvert un marché ordonné pour les contrats à terme et autres contrats dérivés dans le domaine de l’énergie”. Plusieurs États membres de l’UE, dont la Grèce, l’Italie et l’Espagne, ont appelé l’UE à introduire des plafonds sur les prix de l’électricité — actuellement liés aux prix du gaz — et à envisager des réformes sur le marché de l’électricité.
Cet appel a également été soutenu par le président français, Emmanuel Macron, qui a fait valoir dans le cadre de ses annonces de campagne présidentielle que les règles de l’UE sur les prix de l’énergie devraient être modifiées. L'État Français se dit prêt à reprendre le contrôle de certaines parties du secteur de l’énergie – y compris la nationalisation complète de la compagnie d’électricité EDF.
THE HAGUE • Les Pays-Bas ont adopté une approche différente. Le ministre du Climat et de l’Énergie néérlandais, Rob Jetten, a déclaré que plafonner les prix de l'énergie pourrait ralentir l’investissement dans les énergies renouvelables qui, selon lui, constituent la meilleure option pour réduire la dépendance de l’UE au gaz russe. Se référant à l’appétit des pays du Sud pour les mesures interventionnistes, il encourage certains comme l’Espagne et le Portugal à utiliser l’énergie solaire “pour devenir les producteurs d’hydrogène vert de l’Europe”.
FRANCFORT • Isabel Schnabel, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), a ajouté une perspective monétaire à la conversation, affirmant dans un discours le 17 mars que la BCE s’en tiendrait à son mandat principal de maintien de la stabilité des prix, tout en alignant ses politiques sur l’accord de Paris, afin de fournir des incitations pour accélérer la transition vers l’énergie verte. Pourtant, il n’y a ni ajustement des méthodes de mesure de l'inflation à l’horizon, ni exclusion des prix de l’énergie des indices de référence utilisés par la banque centrale.
BRUXELLES • La Commission a annoncé le 8 mars son plan REPowerEU visant à “rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030”. À court terme, le plan prévoit une politique de stockage de gaz, qui consiste à remplir le stockage de gaz dans toute l’UE d’un volume d’au moins 90% de la capacité totale et ce avant le 1er octobre de chaque année. À moyen terme, l’UE multipliera les efforts pour mettre en œuvre son programme en matière d’efficacité énergétique.
DES CHIPS • Intel va investir 33 milliards d’euros dans l’UE
Intel, le fabricant américain de semi-conducteurs, a annoncé le 15 mars son intention d’investir jusqu’à 30 milliards d’euros dans l’UE.
MEGA FAB • Le plan comprend 17 milliards d’euros destinés à la mise en place d’une “méga-fab” basée en Allemagne, une usine de pointe qui produit les dernières générations de puces — pouvant mesurer jusqu’à 5 nanomètres et moins.
CHIPS ACT • Le 8 février, la Commission a adopté une proposition de loi européenne sur les puces, qui vise à porter la part de l’UE sur le marché mondial des semi-conducteurs de 10 à 20 % d’ici 2030. La Commission affirme que la loi européenne mobilisera plus de 43 milliards d’euros d’investissements publics et privés. Ce chiffre vise à se mesurer aux États-Unis aux 52 milliards de dollars offerts par le plan Build Back Better (BBB).
La Commission a déjà présenté un plan similaire pour les micropuces en 2013 avec l’ambition de doubler la production européenne de puces pour atteindre 20 % de la production mondiale en 2020. Cet objectif n’a pas été atteint.
AIDES D’ÉTAT • Des milliards de dollars de subventions seront distribués pour des investissements dans des solutions vertes, ou “first of its kind”, comme celle d’Intel – ce qui a amené des entreprises européennes à se plaindre qu’une société basée aux États-Unis pouvait bénéficier excessivement de deniers européens.
Les autres investissements d’Intel dans l’UE, qui ne sont pas destinés à des “first of their kind facilities” ne bénéficieront pas des mêmes largesses de la part de l’UE et de ses États membres. Les États sont en concurrence dans le monde entier pour attirer les fabricants de puces, compte tenu de la nature stratégique de ces opérations. Construire une “autonomie stratégique » dans la production de puces nécessite la mobilisation de fonds publics, qui devraient jusqu’à 30 à 40% des coûts selon Intel.
BRETON VS VESTAGER • Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, a été l’un des principaux défenseurs d’une politique industrielle à l’échelle de l’UE. La commissaire à la concurrence, Margrethe Vestager, veut rassurer les partisans du libre marché sur le fait que les subventions seront “ciblées et proportionnées”. Vesatger est catégorique sur le fait que la Commission ne modifie pas les règles en matière d’aides d’État, mais s’appuie sur les dérogations existantes pour les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC).
ÉGALITÉ • l’UE veut plus de femmes dans les conseils d’administration
Le Conseil de l’UE et le Parlement européen prévoit d’avancer sur un projet de législation visant à renforcer l’équilibre hommes-femmes dans les conseils d’administration des sociétés cotées dans l’UE. Le 14 mars 2022, les ministres de l’emploi et des affaires sociales réunis au Conseil se sont mis d’accord sur une “orientation générale” sur la directive “Women on board”, qui était bloquée au sein de cette institution depuis presque une décennie. Le Parlement a rapidement emboîté le pas, soutenant de nouvelles négociations avec le Conseil le 16 mars.
ACCORD • La proposition vise à ce que les entreprises atteignent un objectif minimal de 40 % de postes d’administrateurs non-exécutifs occupés par des femmes, ou 33 % si tous les membres du conseil d’administration sont inclus, d’ici 2027, laissant aux États membres le choix entre ces deux objectifs. Les entreprises qui ne les auront pas encore atteint devront s’efforcer d’introduire des règles pour la sélection et la nomination des femmes membres non exécutives du conseil d’administration et donner des gages en expliquant quelles mesures seront prises pour atteindre ces objectifs à temps.
PLAFOND DE VERRE • En octobre 2021, 30,6 % des membres des conseils d’administration en Europe étaient des femmes, tandis que seulement 8,5 % des présidents de conseil d’administration étaient des femmes, selon l’Institut européen pour l’égalité entre les hommes et les femmes (EIGE).
CHRONOLOGIE • La proposition de la Commission remonte à novembre 2012. Un ensemble d'Etats(principalement les Nordics) se sont opposés à la proposition législative, préférant une solution non contraignante sur la base de recommandations du Conseil. En parallèle, des lois sur les quotas au sein des conseils d’administration ont été adoptées dans neuf États membres : l’Espagne, la Belgique, la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Allemagne, l’Autriche, le Portugal et la Grèce.
Au cours de la dernière décennie, la proposition a été modifiée pour trancher les points de discorde , notamment avec l’introduction d’une clause de flexibilité (article 4ter), qui permettrait aux États membres de suspendre les exigences procédurales de la directive, à condition qu’ils aient pris des mesures pertinentes et efficaces pour se rapprocher des objectifs fixés.
NEXT • Le feu vert du Parlement est attendu en plénière le 23 mars, ouvrant la voie à de futures négociations interinstitutionnelles et marquant le début de l’élaboration de la législation.
CRYPTO • règlement en approche
Le 14 mars, le Parlement européen a approuvé un projet de réglementation pour la surveillance, la protection des consommateurs et la durabilité environnementale des crypto-actifs. Ce projet s’inscrit dans le cadre des travaux sur un futur règlement sur les marchés des crypto-actifs (MiCA), ouvrant la voie à un cadre juridique uniforme pour les crypto-actifs dans l’UE.
NÉGO • Le projet de règlement de la commission des affaires économiques et monétaires (ECON) du Parlement couvre un large éventail de questions, y compris les dispositions relatives à la transparence, à la divulgation, à l’autorisation et à la surveillance des transactions et les mesures contre les manipulations de marché. En raison de la complexité réglementaire des transactions financières basées sur la blockchain, le Parlement souligne qu’un cadre juridique uniforme donnera une plus grande sécurité juridique aux acheteurs et aux vendeurs de crypto-actifs, tout en soutenant le développement de services numériques et d’instruments de paiement alternatifs.
ÉCOLOGIE • Le comité ECON est allé encore plus loin, en signalant sa volonté de s’attaquer à l’empreinte carbone élevée associée aux technologies de la blockchain, en raison du processus “minier” énergivore par lequel une transaction est validée sur la blockchain. Les députés ont appelé la Commission à rédiger une proposition visant à inclure les activités d’extraction de crypto-actifs dans son système de classification taxonomique de l’UE.
CONTEXTE • L’absence de règles applicables aux crypto-actifs peut exposer les consommateurs et les investisseurs à des risques importants. Certains États membres ont mis en place des règles nationales différentes, ce qui a entraîné une fragmentation du marché au sein de l’UE. Afin d’harmoniser les pratiques et d’assurer des niveaux élevés de protection des consommateurs, la Commission a élaboré une première proposition en septembre 2020.
PROCHAINES ÉTAPES • Le Comité a accepté d’entamer des négociations avec les gouvernements de l’UE sur la forme finale du projet de loi. Le dépôt de la commission a été présenté en séance plénière du Parlement le 17 mars et la position du Parlement en première lecture devrait être rendue publique prochainement.
FINANCE • un plan visant à rendre l’Union des marchés de capitaux “plus efficace et plus compétitive”
Le 16 mars, la Commission européenne a présenté une proposition visant à modifier la réglementation des dépositaires centraux de titres (CSDR), en vigueur depuis 2014. Les modifications visent à rendre le système de règlement européen plus simple et plus compétitif tout en continuant de garantir la stabilité financière de l’UE.
Union des marchés des capitaux: la Commission propose des règles plus simples pour rendre le règlement sur les marchés financiers de l’UE plus sûr et plus efficace, communiqué de presse, 16 mars 2022
CONTEXTO • Le CSDR supervise les marchés de règlement dans l’UE et constitue un élément clé du plan d’action pour l’union des marchés des capitaux (UMC). Initié en 2015 à la suite de la crise financière et révisé en 2020, ce plan vise à faciliter l’accès des entreprises européennes aux marchés de capitaux, ainsi qu’à assurer la sécurité des épargnants et des investisseurs de long terme et faciliter les investissements transfrontaliers.
De par leur rôle d’intermédiaires dans le règlement des transactions entre vendeurs et acheteurs de titres financiers, tels que les obligations ou actions, les dépositaires centraux de titres (DCT) jouent un rôle déterminant dans le bon fonctionnement des marchés financiers. Ces institutions relèvent également d'une importance stratégique dans une Union post-Brexit, les DCT faisant l’objet de l’une des seules décisions d’équivalence accordées au Royaume-Uni et ce afin d’éviter des perturbations majeures sur les marchés financiers.
ENJEUX • Les propositions de la semaine dernière font suite aux résultats d’une consultation lancée l’année dernière auprès des acteurs du marché et supervisée par l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Il convient de noter que la Commission suggère de modifier les règles en vigueur afin de simplifier le “passporting”, permettant ainsi aux DCT de fournir leurs services dans tous les États membres, de faciliter les transactions effectuées dans d’autres devises que l’euro et d’assurer la coopération et la convergence entre les autorités nationales de supervision.
Du côté de la concurrence, la proposition durcit les règles applicables aux DCT de pays tiers, en leur demandant de notifier l’AEMF lorsqu’ils fournissent des services au sein de l’UE. De telles mesures, selon Mairead McGuiness, commissaire chargée de la stabilité financière, rendraient les DCT de l’UE plus efficaces et plus compétitifs”. Cette décision s’inscrit dans un contexte où Euroclear et Clearstream, les deux principaux dépositaires en Europe, attirent une part croissante des volumes de règlements sur le continent.
LA PROCHAINE ÉTAPE • Le conflit actuel en Ukraine a également souligné l’importance d’une harmonisation des règles au sein de l'UE, les DCT ayant joué un rôle déterminant dans le blocage des transactions avec les parties prenantes russes et garantir ainsi l’application des sanctions. Le Conseil et le Parlement européen doivent encore examiner et se prononcer sur la proposition.
COMMERCE • l’UE ne veut plus être un agneau sur les marchés internationaux
Dix ans après la première proposition de la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil ont conclu un accord provisoire sur l’instrument international pour les marchés publics (International Procurement Instrument, IPI). Il vise à protéger les entreprises soumissionnaires, ressortissantes de l’UE, de la concurrence d’Etats dont l’ouverture ne reflète pas celle de l’UE.
RÉVEIL • Les négociations sur la mise en place de l’IPI se sont rapidement enlisées après que la Commission a présenté un proposition de législation en 2012. Les libre-échangistes ont manifesté leur réticence, par crainte qu’il ne s’agisse d’un autre cheval de Troie pour les États membres plus protectionnistes. Le sursaut a été provoqué par un ensemble de facteurs, parmi lesquels la rhétorique offensive de l’administration Trump envers l’UE ou par les subventions apportées par la Chine à ses propres entreprises d’État – Pékin étant officiellement désigné comme un “rival systémique” depuis 2019.
“Actuellement, les marchés publics européens sont très ouverts aux entreprises d’Etats tiers, mais les entreprises européennes n’ont pas toujours un accès réciproque aux marchés publics dans ces pays”, a déclaré le ministre Français du Commerce, Franck Riester.
MODE D’EMPLOI • Dans le cadre de l’IPI, la Commission évaluera si un pays tiers établit une discrimination envers les entreprises de l’UE dans l’accès aux marchés publics. Si c’est le cas, la Commission engagera un dialogue avec le gouvernement. En cas d’échec, deux options seront possibles pour restreindre l’accès aux marchés publics européens. La Commission pourra soit infliger une pénalité à la société soumissionnaire, au travers d’une surélévation de son offre de 50 % à 100 % ; soit, dans les cas les plus graves, décider d’exclure toutes les entreprises issues de l’Etat en question d’un secteur identifié.
PROCHAINES ÉTAPES • L’accord IPI doit maintenant être approuvé par le Conseil et le Parlement avant de passer par la procédure formelle d’adoption. Deux autres textes législatifs importants suivront en 2022, sur les subventions illégales qui faussent la concurrence et les pratiques coercitives.
Nos lectures de la semaine
Pour étendre son influence, la Russie veut maintenir ses voisins faibles et instables, écrit Pierre Mirel pour la Fondation Robert Schuman, compromettant l'avenir du Partenariat oriental
Jusqu'où aller avec les sanctions ? Beaucoup plus loin, soutiennent Tinatin Akhvlediani et Willem Pieter De Groen pour le CEPS
Les sanctions ont un prix élevé, et comportent des risques politiques. Pour Egmont, Tobias Gehrke analyse la dépendance de l'Europe en matière d’importations de matières premières autres que les hydrocarbures
Le réveil géopolitique de l'Allemagne confronte le pays à cette dépendance au commerce international. Markus Jaeger, du Conseil allemand des relations étrangères (DGAP), examine les premières mesures qui peuvent être prises pour atténuer les risques
Nos remerciements aux rédacteurs de cette édition — Giulio Preti (bienvenue!), Augustin Bourleaud (bienvenue!), Marianna Skoczek-Wojciechowska (bienvenue!), Hélène Procoudine-Gorsky, Nicolas Tselikas-Bouzeau, Ambroise Simon, Briac de Charry, Lorenza Nava, Andreea Florea, Cyril Tregub, Andrei-Bogdan Sterescu, Maxence de La Rochère, Rogier Prins, Agnès de Fortanier, Théo Bourgery (bienvenue!), Thomas Harbor. See you next Tuesday !
*Les brèves de la Revue européenne sont signées collectivement. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent ni celles des auteurs crédités en fin d’édition, ni celles de leurs employeurs ou des institutions auxquelles ils sont affiliés.