Revue européenne | 14 septembre 2021
Obligations vertes • Eurogroupe • État de droit en Pologne • autonomie stratégique "ouverte" • crypto
Bonjour et bienvenue dans la Revue européenne du mardi, un condensé de l’actualité utile de la semaine. Bonne lecture !
GREEN DEAL • un cadre pour les “obligations vertes”
Le 7 septembre dernier, la Commission a adopté un cadre pour les obligations vertes, pour définir l’usage des fonds levés à travers ces instruments. L’Exécutif européen voudrait émettre ces premières obligations vertes dès octobre prochain. Elles serviront à financer 30% de la facilité de relance et de résilience (FRR) Next Generation EU, soit un total de 250 milliards de bonds verts.
Le cadre permettra aux investisseurs de financer les dépenses des plans de relance des États membres qui sont favorables à l’environnement, dûment évaluées par la Commission et approuvées par le Conseil. Pour être validé par la Commission, chaque plan de relance national doit atteindre a minima l’objectif de 37% de dépenses climatiques (plancher). Les États membres seront d’ailleurs tenus de faire un reporting ex-post pour permettre aux investisseurs de mesurer l’incidence bénéfique de leur financement.
Alors que le contexte de sortie de crise sera marqué par un effort de consolidation des finances publiques, le think-tank Bruegel soulève la crainte que les investissements publics soient les premières victimes de cet effort, comme après la Grande récession. Pour y remédier, l’Alliance socialiste et démocrate (S&D) du Parlement européen proposer de transformer NGEU en capacité fiscale permanente (POLITICO). Cela permettrait d’éviter une contraction des investissements dans les années à venir, en particulier les investissements indispensables au respect des objectifs environnementaux (entre 0,5 et 1,0 point de PIB par an) dans les États aux finances publiques les plus contraintes. Alternativement (ou cumulativement), la combinaison entre une taxonomie verte fonctionnelle et une augmentation du prix du carbone devrait rediriger les investissements privés et permettre de faciliter l’atteinte des cibles d’investissements écologiques. 🌱
Réunion de l’Eurogroupe en Slovénie
Le 10 septembre, les ministres des finances européens se sont réunis à Brdo pri Kranju (Slovénie) pour évaluer la situation économique de la zone euro après l’évolution de la pandémie.
Le sujet principal qui a animé l’Eurogroupe était l’impact hétérogène de la crise sur les différents pays et secteurs de l’Union, une problématique importante au regard de l’objectif de convergence — un des principes fondateurs du Traité de Maastricht — entre les économies de la zone. Une note d’analyse rédigée en amont par la Commission européenne souligne la convergence progressive des niveaux de richesse entre les États membres sur les 20 dernières années, une tendance généralement inversée en temps de crise économique.
Les réformes structurelles et les investissements de long terme prévus dans le cadre de NextGenEU sont considérés comme essentiels à la consolidation de cette convergence mais surtout afin d’éviter une divergence entre pays de l’Union qui s’inscrirait plus durablement une fois passée la crise.
ÉTAT DE DROIT • bras de fer avec la Pologne
Le 8 septembre, alors que s’intensifie le bras de fer en Bruxelles et Varsovie, la Commission a tenu à faire passer deux messages aux autorités polonaises :
Les États membres qui violent l’État de droit ne toucheront pas de fonds européens — et en particulier la Pologne, l’un des plus importants bénéficiaires du plan de relance. C’est l’idée qui présidait l’adoption du mécanisme de conditionnalité budgétaire fin 2020, c’est également celle qui motive le refus actuel de l’Exécutif européen d’approuver le plan de relance polonais. Selon Euractiv c’est plus précisément le débat “sur la supériorité du droit communautaire sur le droit national” qui est à l’origine du blocage des fonds européens prévus pour la Pologne par la Commission.
Les États membres (n’en déplaise à Monsieur Barnier !), doivent se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union (CJUE) sous peine d’être condamnés à payer des sanctions pécuniaires. C’est ce que la Commission a demandé à la CJUE, devant le refus des autorités polonaises de se conformer aux mesures provisoires prononcé par le juge européen. La Commission a aussi demandé la suspension du fonctionnement de la chambre disciplinaire de la Cour suprême polonaise.
Le PiS, qui a déclaré que la Pologne n’était “pas un vassal de Bruxelles” (Euractiv), ne semble pas s’en affoler puisque le Ministre de la justice Zbigniew Ziobro a suspendu un juge de ses fonctions qui devait juger une affaire sur l’indépendance d’une juridiction au regard du droit européen (10 septembre).
DIPLO • autonomie stratégique ouverte
Quatre ans après le discours de la Sorbonne d’Emmanuel Macron (26 septembre 2017) dans lequel il appelait à une “Europe souveraine, unie et démocratique” et une autonomie stratégique européenne, c’est une version édulcorée qui semble avoir été proposée par la Commission dans son Rapport de prospective stratégique 2021, “Renforcer la capacité et la liberté d’action à long terme de l’UE”, communiqué le 8 septembre par le Commissaire Maroš Šefčovič.
C’est le second rapport de ce type diffusé par la Commission “géopolitique” d’Ursula von der Leyen pour qui “l’Europe doit adapter sa politique extérieure à un ordre mondial qui change”. La version “ouverte” de l’autonomie stratégique est née en 2020 sous la plume de la DG Trade pour souligner l’engagement de l’UE en faveur du libre-échange, reprenant la notion dans un contexte de tensions commerciales tout en adoucissant ses possibles accents souverainistes et protectionnistes. Censé traiter de politique étrangère, ce document est plus proche d’un rapport de politique intérieure et étonne par l’absence de référence à la diplomatie européenne et à l’Europe de la défense.
La priorité est donnée à la “double transition” environnementale et numérique. La Commission recommande ainsi de sécuriser l’approvisionnement en matières premières nécessaires à cette transition et de relocaliser la production de biens critiques, notamment dans le secteur de la santé. L’Exécutif européen met aussi l’accent sur l’innovation technologique en Europe.
Si le discours français sur la souveraineté européenne avait suscité un réel engouement en 2020, l’élection de Joe Biden relègue l’Europe de la défense parmi les dernières priorités de la Commission. Le rapport affirme que “le partenariat UE-OTAN est un pilier indispensable de la défense de l'UE et sera encore renforcé” mais se limite à mentionner “plusieurs initiatives importantes” dans le cadre de la défense alors que celles-ci ont eu lieu dans le cadre de l’UE, comme l’avion de combat et le char du futur, l’Initiative européenne d’intervention, le Fonds européen de défense, la Facilité européenne de paix ou encore la nouvelle mission de formation militaire au Mozambique.
Ce rapport illustre les contradictions inhérentes de l’UE en tant qu’acteur dans le monde : se percevant foncièrement comme dotée d’un “agenda positif”, la Commission confirme, avec la notion d’autonomie stratégique ouverte, que l’UE n’est pas une puissance mais d’abord un acteur économique et normatif.
Il faudra suivre l’annonce de futurs “Agendas de la connectivité”, version européenne de la Belt and Road Initiative chinoise et du BUILD Act des États-Unis, pour voir si l’UE compte réellement s’affirmer comme une troisième voie, dans le cadre de la rivalité entre Washington et Pékin.
CRYPTO • méfiance…
Dans son dernier rapport semestriel sur les “Tendances, risques et vulnérabilités” (1er septembre 2021), l'Autorité européenne des marchés financiers est revenue sur les risques présentés par les crypto actifs.
Les crypto-monnaies et autres produits financiers reposant sur la décentralisation financière (DeFi) contribueraient à accroître les risques financiers et inciter les comportements de prise de risque. Selon l’autorité :
“La plupart des crypto-actifs ont des prix très volatils et fonctionnent en dehors du cadre réglementaire européen existant, ce qui soulève des problèmes de protection des investisseurs”.
Le rapport souligne également la menace pour la finance durable présentée par le coût environnemental croissant des activités de minage de crypto-monnaies.
Ce rapport s’inscrit dans un contexte de volonté européenne de mettre en place une réglementation complète sur les crypto-monnaies avec de nouvelles règles de lutte contre le blanchiment d'argent (AML) présentées durant l’été par Valdis Dombrovskis et Mairead McGuinness et d'obligations de déclaration fiscale pour les fournisseurs de services et les investisseurs en crypto-actifs contenues dans la révision de la directive relative à la coopération administrative (DAC8).
À terme, une régulation spécifique devrait émerger avec la mise en place d’un cadre réglementaire de l'UE sur les marchés des actifs cryptographiques (MiCA). Inclue dans le programme “Une Europe adaptée à l’ère numérique”. Celle-ci comprend des restrictions particulièrement strictes sur les stablecoins (cryptomonnaies adossées à des devises comme le dollar américain), notamment en exigeant que les émetteurs de stablecoins possèdent au moins 3 % des réserves de leur crypto-monnaie.
Interrogée le 1er septembre par Klaus Schwab, le fondateur du Forum Economique Mondial, Christine Lagarde avait réitéré ses réticences face à ces stablecoins, qu’elle considère comme des actifs déguisés.
AGENDA • discours sur l’État de l’Union
Date : 15 septembre 2021, 9h-13h.
L’évènement est à suivre en ligne depuis l’hémicycle, sur le site du Parlement européen, sur Facebook et sur Linkedin.
Instauré par le Traité de Lisbonne, le discours annuel sur l’État de l’Union est une étape cruciale de la vie politique européenne. Une chronologie de l’année 2021, un rapport sur les réalisations des institutions et une version pour les amateurs d’humour bruxellois (par POLITICO) ont déjà été publiés.
Merci à Ghislain Lunven, Hélène Procoudine-Gorsky, Marceau Ferrand, Guillaume Thibault, Agnès de Fortanier et Thomas Harbor pour la rédaction de cette édition.