Bonjour bienvenue dans la Revue européenne du mardi, un condensé d'actualité européenne utile. Bonne lecture !
Nous éditons également la Revue européenne en anglais. Vous pouvez trouver notre édition de la semaine ici, à partager avec vos collègues et amis qui n’ont pas la chance de lire la langue de Molière.
PARLEMENT • David Sassoli est décédé cette nuit
Le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli, est décédé cette nuit, a annoncé son porte-parole Roberto Cuillo sur Twitter. Il était hospitalisé depuis fin décembre.
INFLATION • nouveau record à 5% dans la zone euro
Le taux d'inflation annuel de la zone euro a atteint un nouveau record, augmentant légèrement à 5% en décembre 2021 contre 4,9% en novembre, selon la dernière étude d'Eurostat.
DELTA • L'ampleur varie considérablement au sein de la zone euro — de 2,6% à Malte à plus de 12% en Estonie, avec l'Allemagne à 5,7%, la France à 3,4%, l'Italie à 4,2% et l'Espagne à 6,7%.
CAUSA • L'augmentation est principalement due à la flambée des prix de l'énergie. Toutefois, la pression sur les prix devrait s'atténuer lorsque des facteurs ponctuels, tels que les effets de base commenceront à s'atténuer, que les prix de l'énergie se stabiliseront et que les goulots d'étranglement des chaînes d'approvisionnement mondiales se résorberont.
OBJECTIF • Au cours du second semestre de 2021, la variation annuelle de l'indice des prix dans la zone euro a été constamment supérieure à l'objectif d'inflation de 2 % visé par la BCE. Cette situation a conduit de nombreux économistes et responsables politiques à se demander si la BCE devait suivre la Fed dans le resserrement de sa politique monétaire.
NO TAPER • Lors du dernier Conseil des gouverneurs à Francfort en décembre, la BCE a annoncé un ralentissement progressif des achats d'actifs dans le cadre du Programme d'achat d'urgence en cas de pandémie (PEPP) en vue de leur arrêt en mars 2022 (communiqué de presse).
La BCE a par ailleurs annoncé qu'elle augmenterait le rythme des achats d'actifs dans le cadre de son programme d'achat d'actifs (APP), plus long, à 40 milliards par mois au premier trimestre 2022, puis qu'elle les réduirait progressivement à 30 milliards au troisième trimestre et à 20 milliards au quatrième trimestre.
Cependant, contrairement à la Fed, la BCE devrait maintenir ses taux d'intérêt directeurs inchangés en 2022. Pour l'instant, la Fed et la BCE semblent faire face à deux situations différentes. En fait, l'inflation de base (core) — qui exclut les prix volatils de l'énergie et des denrées alimentaires — suggère que les pressions sur les prix pourraient être plus généralisées aux États-Unis que dans la zone euro. Dans la zone euro, l'inflation de base est restée stable à 2,6 % en décembre.
GREENFLATION • Ce qui reste un défi des deux côtés de l'Atlantique est de comprendre dans quelle mesure la transition verte affecte la politique monétaire. Dernièrement, Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a déclaré que la transition énergétique pourrait également présenter un risque à la hausse pour l'inflation à moyen terme — par le biais de l'augmentation des prix du carbone et des taux d'imposition plus élevés sur les combustibles fossiles (FT). Cela implique que la politique monétaire ne doit pas ignorer les augmentations des prix de l'énergie si celles-ci s'avèrent plus persistantes et constituent un risque pour la stabilité des prix à moyen terme.
DIPLO • les tensions sino-lituaniennes de plus en plus européennes
Les frictions entre la Chine et la Lituanie devraient occuper les esprits lors de la première réunion informelle des ministres des Affaires étrangères de la présidence française du Conseil de l'UE (PFUE), les 13 et 14 janvier à Brest.
BRETONS • Une “relation plus équilibrée avec la Chine” est le troisième point inscrit à l'ordre du jour de la réunion. “Le ton est loin d'être positif”, note Stuart Lau de POLITICO, alors que les États membres de l'UE se réunissent pour discuter de "l'attitude de la Chine” envers “certains États membres” de l'Union qui subissent “certaines pressions politiques”, économiques et commerciales.
CONTEXTE • En mai dernier, la Lituanie a décidé de se retirer du groupe "17+1", un forum de coopération entre les États d'Europe centrale et orientale et la Chine. En août, Vilnius a ouvert un bureau de représentation à Taïwan — et non à Taipei comme l'exige One China Policy promue par Pékin.
Depuis, les relations commerciales et diplomatiques se tendent. Outre le rappel de l’ambassadeur chinois à Vilnius et de l’ambassadeur lituanien à Pékin, la Chine a rétrogradé diplomatique à Vilnius et a récemment cessé d'accorder des visas.
TRADE WAR • Sans l'avouer, la Chine organise des blocages douaniers depuis décembre. Cela ne pouvait pas rester un problème bilatéral très longtemps. Dans un entretien accordé à Die Welt, le commissaire européen au commerce Valdis Dombrovskis a déclaré que les entreprises allemandes, françaises et américaines seraient touchées. "Nous recevons de plus en plus de rapports d'autres États membres concernant des importations bloquées" par la Chine, a-t-il déclaré.
TAIWAN CHIPS IN • Taïwan abat également ses cartes géopolitiques, avec l’annonce de la création d'un fonds de 200 millions de dollars pour investir en Lituanie — notamment dans les micro-puces alors que l'UE tente de devenir moins dépendante des importations.
NEXT • Paris cherche à obtenir une position commune sur le boycott des Jeux olympiques d'hiver de Pékin, mais cette proposition ne semble pas bénéficier du soutien total des 27. Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont déjà annoncé qu'ils n'enverraient pas d'officiels à la cérémonie d'ouverture.
Une autre option envisagée est l'accélération des négociations sur l'adoption d'un instrument anti-coercition (ACI) — un nouveau mécanisme de défense commerciale conçu pour imposer des droits de douane aux pays tiers exerçant des pressions sur les États membres de l'UE. Toutefois, son adoption et son entrée en vigueur devraient prendre encore plusieurs mois (What’s up EU, 14/12/2021).
DATA • la CNIL sanctionne Google et Facebook pour des bannières de cookies “biaisées”
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a infligé deux amendes record de 150 millions d'euros et 60 millions d'euros respectivement à Google et Facebook Ireland.
CONTEXTE • Depuis la publication du Règlement général sur la protection des données (RGPD) et de la directive vie privée et communications électroniques (ePrivacy), l'utilisation de cookies et d'autres dispositifs de suivi par les sites web pour exploiter les données des utilisateurs a été encadrée.
Un cookie est un petit fichier qui est envoyé par un site web sur l'ordinateur de l'utilisateur. Il contient des informations sur la sélection par l'utilisateur des services du site web. Les cookies sont principalement utilisés pour recueillir des données sur l'utilisateur — afin qu'il puisse ensuite être ciblé par des stratégies de marketing numérique. La législation européenne n'autorise l'utilisation de cookies que si l'utilisateur y consent lorsqu'il accède aux services d'un site web.
AVERTISSEMENT • En 2021, la CNIL avait déclaré qu'elle allait sévir contre l'utilisation abusive des cookies. Ceci juste après avoir condamné Google à une amende de 100 millions d'euros en décembre 2020 pour le non-respect par ce dernier des lois françaises sur la confidentialité des données lors de la collecte automatique des données des utilisateurs, c’est-à-dire sans leur demander s'ils souhaitaient partager leurs données (CNIL).
CLICKING TOGETHER • Mais cette fois, la CNIL a sanctionné les géants américains pour la conception "biaisée" de leurs bannières de cookies — ces petites fenêtres pop-up apparemment inoffensives qui demandent à l'utilisateur s'il souhaite accepter ou refuser le suivi de ses données lors de sa navigation sur un site web.
Bien que les sites web google.fr, youtube.com et facebook.com offrent aux utilisateurs la possibilité de s'opposer à l'utilisation de cookies, l'interface de leurs bannières de cookies a été conçue de manière à ce qu'il soit plus complexe pour l'utilisateur de refuser l'utilisation de cookies que de les accepter. Cela se fait normalement en faisant dépendre l'acceptation d'un seul clic mais le refus de plusieurs clics — qui renvoient l'utilisateur à une multitude de paramètres et de descriptions affichant souvent les différents degrés et objectifs pour lesquels les cookies peuvent être utilisés.
Cette situation a donné lieu à de nombreuses plaintes. L'ONG None of Your Business (NOYB) — fondée par l’Autrichien Max Schrems, un privacy activist — affirme avoir déposé des centaines de plaintes auprès des autorités réglementaires nationales dans le cadre de sa "guerre des cookies" contre les grandes entreprises.
NEXT • Avec ses décisions, la CNIL a posé un principe directeur — à savoir que le refus total des cookies doit être “aussi facile” pour les utilisateurs que leur acceptation totale. Les bannières de cookies étant désormais omniprésentes sur internet, les décisions de la CNIL à l'encontre de Google et Facebook vont sans doute alerter tous les acteurs et les pousser à revoir la conception de leurs bannières de cookies en conséquence.
Les commentateurs soulignent que le paysage réglementaire en Europe est inégal en matière de confidentialité des données, puisque chaque régulateur national s'est vu conférer des pouvoirs de sanction variables. Certains régulateurs peuvent sanctionner plus fort et plus vite — ce qui permet aux entités réglementées présentes dans certaines juridictions d'avoir plus de chances d'éviter les amendes.
Google et Facebook contesteront probablement les amendes devant le Conseil d'État.
UKRAINE • éviter le feu au lac à Genève
Les réunions entre les délégations de diplomates russes et américains à Genève ont débuté hier — lundi 10 janvier — dans le but d'éviter un conflit militaire en Ukraine. L'UE, impuissante et à l’écart des discussions, discutera également de la question lors d'une réunion informelle du Conseil de l’UE à Brest, en France, cette semaine (Conseil).
DIPLO • Hier, la Russie a accepté une prolongation des pourparlers avec les États-Unis, mais a prévenu qu'elle n'exclut pas de se retirer des discussions si les États-Unis ne prenaient pas en compte leurs "garanties de sécurité". Parmi les desiderata de la Russie figure l'interdiction de tout nouvel élargissement de l'OTAN à l'Ukraine et à la Géorgie. Plus de 100 000 soldats russes sont massés à la frontière de l'Ukraine.
Cette première journée de discussions entre la secrétaire d'État américaine Wendy Sherman et le vice-ministre russe des affaires étrangères Sergei Ryabkov n'a vu ni percée ni rupture (FT). La délégation russe se rendra à Bruxelles mercredi — mais pour s'adresser aux membres de l'OTAN et non aux institutions européennes.
OLD STORY • La Russie se plaint depuis longtemps de l'expansion vers l'est de l'Alliance atlantique — qui, peu après la guerre froide, a inclus la Pologne en 1999 et les États baltes en 2004 — qu'elle considère comme un mouvement agressif dans sa zone d'influence.
Le président Poutine fait régulièrement référence à l'engagement occidental pris par George H. Bush auprès de Gorbatchev de ne pas étendre les limites de l'OTAN vers l'URSS. La partie américaine, quant à elle, invoque le libre choix d'alliances de l'Ukraine, et juge inacceptable le chantage militaire de la Russie.
OU EST L’UE • L'UE n'est pas représentée dans ces négociations. Comme le titre le New York Times, "les États-Unis et la Russie vont discuter de la sécurité européenne, mais sans les Européens". Le Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (HRVP), Josep Borrell, n'a pu que faire le constat de l'impuissance de l'Europe sur cette question.
La déclaration du HRVP selon laquelle l'objectif principal de l'UE "parler de la sécurité de l'Europe ne peut se faire sans non seulement la consultation, mais la participation des Européens" a valu un commentaire acerbe de la part du Financial Times. Le comité de rédaction du journal estimé que "plutôt que de se plaindre en public de leur propre inutilité, les dirigeants européens [...] devraient travailler plus dur en privé pour résoudre les problèmes qui ont poussé l'UE à être en marge des discussions".
Le 5 janvier, le HRVP s'est rendu sur la ligne de front dans l'est de l'Ukraine. Dans un billet de blog, M. Borrell a souligné que "l'ensemble de l'architecture de sécurité européenne est en jeu. Les dirigeants russes, en excluant délibérément toute référence à l'UE dans les "projets de traités" qu'ils ont présentés en décembre dernier, semblent avoir l'intention de revenir en arrière, aux temps anciens des logiques de la guerre froide". L'UE a fait pression pour que les discussions se déroulent dans le cadre du groupe de contact trilatéral (Russie, Ukraine et OSCE) et dans le format Normandie (Russie, Ukraine, France, Allemagne).
PFUE • Von der Leyen à Paris pour la semaine d'inauguration de la PFUE
La présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen, a rencontré Emmanuel Macron à Paris vendredi dernier (7 janvier) pour marquer l'occasion et commenter la présentation du programme d'activités de la présidence française.
HAPPY NEW YEAR • C'est dans un climat de grande attente que la France a entamé son semestre à la présidence du Conseil de l'Union européenne. Elle succède à la Slovénie le 1er janvier 2022.
Les priorités de la présidence française, énoncées lors d'une conférence de presse tenue à l'Élysée le 9 décembre 2021, s'articulent autour de trois grands axes — la relance, la puissance, appartenance — et vont de la mise en place du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières à la révision des règles budgétaires de l'UE, en passant par l'instauration d'un salaire minimum à l'échelle de l'Union (What's up EU).
Dans sa conférence de presse de décembre 2021, le président Macron a déclaré que :
“[l'Europe doit] passer d'une Europe de la coopération à l'intérieur de nos frontières à une Europe puissante dans le monde, pleinement souveraine, libre de ses choix et maîtresse de son destin” (Verbatim)
L'UE APPROUVE • Commentant le programme de la présidence française, Mme Von der Leyen a souligné la compatibilité de l'agenda français avec les propres priorités de la Commission.
REPRISE • La présidente de la Commission a réitéré sa proposition de parvenir à une réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 (Fit for 55). La Commission souhaite également faire avancer les propositions législatives sur les marchés et services numériques (DMA/DSA).
PUISSANCE • Ursula von der Leyen a présenté son programme de gestion des frontières et de renforcement de l'espace Schengen. Il s'agit notamment des propositions de réformes présentées en décembre concernant la gestion des frontières extérieures, la lutte contre les réseaux de contrebande et l'avancement du pacte sur la migration et l'asile. En ce qui concerne l'Union de la défense, Mme Von der Leyen a souligné l'accord de la Commission et de la France sur les priorités à l'aide de la boussole stratégique — une sorte de livre blanc sur la défense qui devrait faire l'objet de nouvelles discussions lors d'un sommet en mars.
AFRIQUE • Mme Von der Leyen a souligné les relations de l'UE avec l'Afrique et la nécessité de continuer à soutenir le continent, tant en termes de vaccins que d'aide pour faire face aux conséquences économiques des effets persistants de la pandémie de Covid-19. Cette question devrait être au centre des discussions du sommet UE-Afrique qui se tiendra à Bruxelles en février, alors que l'UE explore les moyens d'approfondir le partenariat UE-Afrique (Commission).
What’s up EU est désormais disponible en anglais — abonnez vous et partagez notre édition anglaise à vos amis et collègues qui n’ont pas la chance de parler la langue de Molière — What’s up EU in English.
Nos remerciements aux rédacteurs de cette édition : Ghislain Lunven, Briac de Charry, Mark Soler, Guillaume Thibault, Filip Filipek, Gabriele Buontempo, Andrei-Bogdan Sterescu, Rogier Prins, Agnès de Fortanier, et Thomas Harbor. À mardi prochain !