Bonjour. Nous sommes le lundi 21 Novembre 2022, et voici votre condensé d’actualité européenne pour démarrer la semaine. Ne gardez pas cette newsletter pour vous, partagez-la à vos collègues et amis ! N’hésitez pas non plus à nous suivre sur Twitter ou Linkedin.
La chute de FTX donne des ailes à MiCA, le règlement européen des crypto actifs
L’hiver est arrivé pour la tech. La chute soudaine de FTX, le rachat difficile de Twitter, les licenciements massifs et la chute des cours boursiers ont frappé un secteur il y a peu encore tout-puissant. L’industrie des règlements européens, elle, ne connaît pas la crise. Alors que le règlement MiCA – pour market in crypto assets – est presque prêt à voir le jour, l'effondrement de FTX est présenté comme la preuve par l’exemple qu’il faut mettre de l’ordre dans le ‘wild west numérique’.
FTX • La chute de FTX, l'une des principales plateformes d'échange de crypto-actifs – encore valorisée 32 milliards de dollars il y a quelques semaines – est suivie d’un œil attentif à Bruxelles. La société basée aux Bahamas et fondée par Sam Bankman-Fried opérait dans l'UE via une licence à Chypre, qui a été suspendue après le dépôt de bilan de l'entreprise. Avant de mettre la clé sous la porte le 11 novembre, FTX ne détenait que 900 millions de dollars d'actifs liquides contre 9 milliards de dollars de dettes.
POLITIQUES • Les partisans d'une réglementation (plus stricte) de la crypto ne se sont pas privés pour en faire un cas d’espèce. Mairead McGuinness, commissaire aux services financiers, a qualifié l'effondrement de FTX de "wake up call". "Such Lehman Brothers moments must be prevented in the crypto space. That's exactly what MiCA is for. Crypto assets are not play money. Crypto asset service providers must ensure internal risk management mechanisms", a tweeté Stefan Berger, rapporteur du règlement MiCA au Parlement européen.
MiCA • L'objectif de MiCA est de soumettre les prestataires de services sur crypto actifs – crypto asset services providers, ou CASPs – à un régime similaire à celui appliqué aux services financiers. La plupart des activités crypto ne sont pas considérées comme des "instruments financiers" et échappent de ce fait à la réglementation européenne sur les services financiers – c'est-à-dire qu'elles ne sont pas soumises aux dispositions relatives à la protection des consommateurs et à l'intégrité du marché.
MiCA cherche à éradiquer les risques de "fraude, de piratage et d'abus de marquage" pour faire du monde de la crypto un monde plus sûr. Il se compose de trois régimes réglementaires.
Pour les Initial Coin Offerings (ICOs), qui vise à accroître la transparence sur le marché, notamment via la publication obligatoire d'un document d'information (un " livre blanc ").
Pour les CASPs, qui devront obtenir une licence européenne pour opérer au sein du bloc, là où ces prestataires de services opéraient jusqu’ici selon les règles applicables (ou en l'absence de règles) dans chaque Etat membre de l’UE.
Un régime général pour les stablecoins. Les stablecoins sont des crypto monnaies adossées à des monnaies classiques telles que le dollar ou l’euro, et dont l’importance pourrait devenir systémique.
PRUDENTIA • Afin de préserver la stabilité financière, les fournisseurs de services de crypto-actifs devront se conformer à de nouvelles exigences prudentielles. "Just like banks, crypto asset service providers need mechanisms that ensure risk management", a déclaré Stefan Berger à The Block.
Pour éviter les crises de liquidité, le règlement MiCA interdit le co-mingling des actifs des clients avec ceux du prestataire de service. Le co-mingling consiste à réunir les fonds de différents investisseurs en un seul véhicule d’investissement.
MiCA contient également des règles inédites définissant les manipulations de marché dans le secteur des crypto. MiCA s'appliquera sous la surveillance de l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et de l'Autorité bancaire européenne (ABE).
WHAT NEXT • Le processus législatif en est déjà à ses étapes finales. La commission ECON du Parlement européen et le Conseil de l'UE se sont mis d'accord sur le règlement début octobre. Un vote final devrait avoir lieu au Parlement européen en février 2023. Les nouvelles règles devraient entrer en vigueur en 2024. À ce stade, il est clair que l'effondrement de FTX n'influencera plus le contenu de MiCA. La commissaire McGuinness a déclaré : "We will keep watching this area to see should we do more or indeed do something different, but for now we feel confident that what we have in place is effective".
Inter alia — Twitter, Schengen, BCE, G20 & COP27
TWITTER BLUES • La vague de licenciements et les nombreuses démissions qui ont suivi le rachat de Twitter par Elon Musk ont fortement touché les effectifs européens. A tel point que les décideurs à Bruxelles se plaignent des diffucultés à communiquer avec Twitter. Stephen Turner, le principal lobbyiste de l'entreprise à Bruxelles, a été licencié le 14 novembre, tandis que le responsable de la protection des données (DPO) Damien Kieran a quitté l'entreprise.
En dehors des États-Unis, Twitter opère via une société basée en Irlande. Elle bénéficie du "guichet unique" du RGPD, qui permet à l’entreprise de voir sa conformité être évaluée uniquement par le pays où elle dispose de son "établissement principal". Avec les récents licenciements, la Commission irlandaise de protection des données (DPC) s'est publiquement interrogée sur le fait de savoir si Twitter peut encore bénéficier de ce guichet unique.
Que signifirait une remise en cause du guichet unique ? "Any EU data protection authority would be able to act directly on concerns it has that local users’ data is at risk", explique Natasha Lomas pour TechCrunch. Au lieu de voir le DPC irlandais, qui est particulièrement tech-friendly, décider de la conformité de Twitter RGDP, la société pourrait être réglementée par à une armée de ving-sept régulateurs nationaux — un casse-tête juridique particulièrement coûteux.
Le Digital Service Acts (DSA) étant entré en vigueur le 16 novembre, les plateformes en ligne telles que Twitter ont trois mois pour déclarer leur nombre d'utilisateurs actifs mensuels à la Commission. Celles dont le nombre d’utilisateurs dépasse 45 millions de personnes n'auront que 4 mois pour se conformer aux obligations du DSA. Thierry Breton a déclaré publiquement que Twitter devra recruter des modérateurs dans l'UE pour se conformer aux principales dispositions du DSA. "En Europe, il va falloir qu'il augmente les modérateurs", a déclaré Breton dans une interview à France Info.
SCHENGEN • "La Commission invite le Conseil à prendre sans plus tarder les décisions nécessaires pour permettre à la Bulgarie, à la Roumanie et à la Croatie de participer pleinement à l'espace Schengen", peut-on lire dans une communication publié par la Commission le 16 novembre. La Commission a reconnu les progrès réalisés par les trois États dans l'application des règles de Schengen.
Les ministres de l'intérieur de l'UE devraient discuter de cette question le 8 décembre. Toutefois, il n’est pas certain que les trois pays rejoindront Schengen — la décision doit être prise à l'unanimité. Le mois dernier, le Parlement néerlandais a adopté une résolution contre l'adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à la zone sans passeport, exprimant des inquiétudes quant au crime organisé et à la corruption. D’autres pays — comme la Suède — pourraient adopter une position similaire.
BCE • Dans sa revue de stabilité financière de novembre 2022, la BCE a averti que la zone euro devait se préparer à une plus grande instabilité en raison d'une dangereuse confluence entre récession, inflation galopante, hausse des coûts de financement et diminution des liquidités.
Le vice-président de la BCE, Luis de Guindos, a conseillé aux fonds d'investissement de conserver davantage d'actifs liquides, aux banques de constituer des provisions supplémentaires pour les créances douteuses. La BCE a également souligné que l'aide financière accordée aux secteurs vulnérables par les gouvernements de l'UE devait rester ciblée et ne pas entrer en conflit avec la normalisation de la politique monétaire.
SANCTIONS POUR L'IRAN • Les ministres des affaires étrangères de l'UE ont convenu d'élargir le régime de sanctions de l'UE à l'encontre de l'Iran afin de demander des comptes aux responsables de la mort de Mahsa Amini et de la répression des manifestants. Alors qu'il est confronté à la plus grande manifestation populaire depuis la révolution de 1979, le gouvernement iranien est soumis à une pression intérieure et diplomatique croissante.
Dans une déclaration, le Conseil a indiqué que quatre personnes qui ont participé à la détention arbitraire de Mahsa Amini, les chefs provinciaux des forces de l'ordre iraniennes et du Corps des gardiens de la révolution islamique, ainsi que le général de brigade Kiyumars Heidari, ont été ajoutés à la liste des personnes soumises à des mesures restrictives par le Conseil. Press TV, la télévision d'État iranienne, figure également sur cette liste.
LE G20 À BALI • L'UE a participé au sommet du G20 de Bali, qui s'est tenu en Indonésie les 15 et 16 novembre. S'exprimant au nom de l'UE, Ursula von der Leyen et Charles Michel ont fait de l'autonomie stratégique un point central de leurs déclarations — pas de sofagate cette fois.
La Chine figurait en haut de l'ordre du jour, l'UE et les États-Unis ayant insisté sur la nécessité d'offrir une alternative à l'initiative Belt and Road et d'éviter une dépendance excessive à l'égard de la Chine. Xi Jinping s'est entretenu avec les États membres de l'UE de manière bilatérale, en rencontrant les chefs d'État français, allemand, italien, espagnol et néerlandais.
L'UE a également soutenu l'accord non contraignant de partenariat pour une transition juste, s'engageant à aider l'Indonésie à sortir progressivement du charbon. L'aide sera fournie dans le cadre de l'initiative Global Gateway.
FIN DE LA COP • La COP27 s'est terminée le 20 novembre, avec un accord en demi-teinte selon le point de vue européen. Frans Timmerman, vice-président de la Commission et négociateur de l'UE à la COP, a été l'un des principaux artisans du sommet, où il a tenté d'obtenir des réductions plus strictes des émissions de CO2 en échange d'une promesse d'indemnisation des pertes et dommages subis par les pays les plus vulnérables — une mesure rejetée depuis longtemps par l'UE et les États-Unis.
Malgré cela, un jour avant la fin de la COP, Frans Timmerman a menacé de quitter le sommet, soutenu par d'autres pays de l'UE : "Le message que nous adressons à nos partenaires est clair : nous ne pouvons pas accepter que 1,5C meure ici et aujourd'hui", a-t-il déclaré. En effet, si l'accord final annonce la création d'un fonds pour les pertes et dommages, il ne relève pas les objectifs de réduction des émissions, comme promis à Glasgow l'année dernière.
Nos lectures de la semaine
Le Financial Times consacre deux articles aux énormes défis auxquels l'industrie européenne est confrontée. Si, comme Andy Bounds en rend compte, les prix élevés de l'énergie sont le principal coupable, l’Inflation Reduction Act (IRA) américain incite également les entreprises du continent à orienter leurs investissements vers les États-Unis.
Pour Bruegel, Alicia García-Herrero et Pauline Weil s'interrogent sur les leçons que l'UE peut tirer des tentatives de la Chine de se doter, au cours de la décennie passée, d'une industrie des semi-conducteurs auto-suffisante.
Dans un article pour le Peterson Institute, Olivier Blanchard, Christian Gollier et Jean Tirole réalisent une synthèse critique des outils de politique publique disponibles pour lutter contre le changement climatique.
Cette édition a été préparée par Matteo Gorgoni, Gabriel Papeians de Morchoven, Maxence de La Rochère et Augustin Bourleaud. À la semaine prochaine !