Interview | "Fierté européenne", une conversation avec Guillaume Klossa
Nous avons discuté avec Guillaume Klossa, l’auteur de Fierté européenne, manifeste pour une civilisation d’avenir, avec une préface Jean-Claude Juncker, aux éditions Télémaque.
Guillaume Klossa a créé le think tank EuropaNova avec la philosophe Cynthia Fleury et le mouvement citoyen Civico Europa avec l’écrivain Roberto Saviano. Professeur à HEC, Sciences Po, au Collège d’Europe et aujourd’hui à l’ESCP, il a dirigé l’Union européenne de radiotélévision qui organise l’Eurovision et a conseillé la Commission européenne sur la régulation des GAFA. Senior Vice-président de Hill+Knowlton Strategies, un groupe de conseil en communication stratégique et affaires publiques, et président d’une Med Tech.
Guillaume Klossa sera le 4 juin à 17h, à la librairie Les Cahiers de Colette, 23 rue de Rambuteau (Paris 75004) pour une séance de signatures de son essai introduite par Clément Beaune, ministre des affaires européennes.
Votre dernier essai, Fierté européenne, comme le souligne votre préfacier Jean-Claude Juncker, tire les leçons des trois grandes crises que l’Union européenne a traversées ces dernières années : Brexit, Covid-19, guerre en Ukraine.
Comment l’Union européenne sort elle de cette triple crise ? L’UE est-elle prête à sortir de l’Europe-marché pour devenir Europe-puissance ?
Ce qui est certain, c’est que chacune de ces crises aurait pu être mortelle pour le projet européen. Les Brexiters avaient fait le pari que le non au référendum aurait un effet domino et créerait la discorde entre les Européens, l’effet – une unité remarquable et durable face aux Britanniques - a été contraire. On peut même dire que le Brexit a été libératoire. Sans lui, l’amorce d’une défense européenne ou encore le plan de relance auraient été impensables.
La grande pandémie a créé un effet de solidarité sans précédent notamment dans les domaines budgétaire et sanitaire, permettant aux citoyens de l’Union de bénéficier rapidement et sur une base d’égalité des meilleurs vaccins. La guerre en Ukraine génère un choc de conscience, nous aidant à réaliser que l’Union est bien plus qu’un projet technocratique, c’est d’abord un projet politique et civilisationnel extrêmement attractif.
Les conditions sont en train d’être réunies pour l’avènement d’une vraie démocratie européenne, qui est la condition pour que l’Union puisse se concevoir en puissance démocratique et ne se limite plus à un grand marché.
Au-delà de l’Union européenne comme institution, votre essai se penche sur la « possibilité d’une civilisation européenne » de nouvelle génération de Vilnius à Lisbonne alors que la notion de civilisation a longtemps été taboue en Europe.
La guerre en Ukraine aurait-elle servi de catalyseur sur le sujet ?
L’idée de civilisation européenne était en effet depuis la fin de la seconde mondiale taboue. Notre civilisation « d’avant-guerre » avait failli, conduit aux pires barbaries à commencer par la Shoah et les goulags, ruiné l’Europe et fait des dizaines de millions de mort.
Mais dès le lendemain de la guerre, partout en Europe, des citoyens et des personnalités ont voulu créer les conditions d’une renaissance morale de l’Europe en inventant un nouveau modèle civilisationnel qui ne disait pas son nom, prenait le meilleur de ce que les Européens avaient bâti en plaçant la dignité de la personne à son coeur et tirait les enseignements des erreurs et dysfonctionnements du passé en limitant la toute-puissance et les pulsions guerrière et colonisatrice des Etats grâce notamment à la création d’un droit supranational, à des solidarités de fait et à la volonté de rendre effectifs les libertés et droits fondamentaux issus de la révolution française.
L’Union européenne est en fait l’incarnation politique de cette civilisation européenne renouvelée, c’est clairement ce que nous a dit le président Volodymyr Zelensky quand il est intervenu le 2 mars dernier au Parlement européen de Strasbourg. Le retour de la guerre à nos frontières et la perspective d’une nouvelle guerre mondiale sont une sorte de choc de conscience qui nous aide à réaliser ce que nous avons construit depuis sept décennies.
Moment hamiltonien, plan Marshall européen — on a souvent l’impression que pour se raconter, l’Europe a besoin de références extra-européennes.
Que manque-t-il pour pouvoir développer un récit européen, dans des termes européens ? Quel rôle pour les citoyens ?
Je dirais que nous sommes dans un moment républicain, au sens de chose publique et de bien commun européen. Les citoyens de l’Union attendent de l’Union qu’elle produise des biens communs, comme la paix et la sécurité bien mais aussi un développement durable et offre de vraies protections notamment en matière sanitaire et numérique. Il faut s’appuyer sur ces attentes mais aussi sur le désir des citoyens de contribuer à transformer l’Union en une vraie démocratie.
A cet égard, il est frappant de voir comment les citoyens tirés au sort pour la conférence sur l’avenir de l’Europe se sont pleinement engagés dans cet exercice qu’ils souhaitent voir généraliser à l’ensemble des citoyens de l’Union. Ils appellent également au développement d’une éducation civique européenne pour tous. Il est intéressant de noter que la quasi-totalité des citoyens tirés au sort n’avaient aucune éducation européenne et qu’ils ont presque tous accepté de participer à la conférence alors que cela n’allait pas du tout de soi.
Soyons clairs, l’opinion publique européenne a voulu l’unité face au Brexit, la solidarité dans la crise sanitaire et aujourd’hui le soutien à l’Ukraine, c’est qu’ont montré aussi bien les eurobaromètres que les sondages. Elle a été en quelque sorte en avance sur les dirigeants qui étaient souvent beaucoup plus réservés sur ces sujets. Pour développer un récit commun, il faut à mon sens s’appuyer sur la force motrice des citoyens.
Les élections législatives à venir en France doivent décider si le Président Macron disposera d’une majorité présidentielle solide. Quelles sont les implications au niveau européen de ces législatives ?
Attendons les résultats des élections et souhaitons que le président Macron dispose d’une majorité solide qui lui donne les moyens de l’action au niveau européen.
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