ÉCO. • Peur ou pas peur de l'inflation ?
Les anticipations d’inflation sont à la hausse depuis quelques semaines, tant aux Etats-Unis qu’en zone euro, interrogeant le rythme du programme d’achat d’actif de la BCE. Il ressort ainsi des minutes de la dernière réunion de politique monétaire d’avril, publiées vendredi dernier, que les rythmes de croissance et d’inflation en zone euro pourraient dépasser les prévisions selon l’institution de Francfort.
Voilà qui n’est pas pour rassurer nos voisins allemands chez qui le retour de l’inflation est un sujet d’inquiétude et d’actualité : le FT a pointé l’usage hyperbolique du terme “d’hyperinflation” par la chaîne ZDF allemande, sur son site le 11 mai dernier (titre qu’elle a corrigé depuis). Si Isabel Schnabel, membre allemande du Directoire de la BCE, s’est voulue rassurante sur les ondes ultra-rhénanes, il n’en reste pas moins que le niveau d’inflation au-dessus de 3% prévue en Allemagne serait inédit depuis l’entrée du pays dans la zone euro (Eurostat, Indice des prix harmonisés à la consommation).
Il faut dire que le regain d’inflation est de plus en plus assumé comme une politique volontariste de la part de la BCE : plusieurs gouverneurs de banque centrale nationale ont ainsi exprimé leur souhait de voir celle-ci adopter une cible d’inflation “symétrique” comme aux Etats-Unis (acceptant ainsi un dépassement de la cible de manière à compenser les années de faible inflation), Olli Rehn (gouverneur de la BC de Finlande) étant le dernier en date.
Quitte à jouer les apprentis sorciers et provoquer une perte de confiance massive dans la monnaie comme le craignent certains, ou donner du crédit à la théorie monétaire moderne (TMM) qui remet au goût du jour l’idée de monétisation des dettes publiques. Le retour de l’inflation en Allemagne en 2021 ferait d’autant plus partie du plan (du clan des cigales européennes) que le rééquilibrage macroéconomique de la zone euro à moyen-long terme pourrait se faire, comme le soulignait le Cepii en 2018, par un différentiel d’inflation entre les pays à balance courante excédentaire (Allemagne, Pays-Bas, etc.) et les pays déficitaires.
Las, si le cru 2021 s’apparente à une légère et inhabituelle surchauffe de la zone euro, les choses devraient bien vite rentrer dans l’ordre dès 2022 avec des projections d’inflation inférieures à 2% en 2022 et 2023 selon la BCE. Un certain nombre de déterminants de long terme expliquent en effet les bas niveaux d’inflation expérimentés par les pays développés depuis plus de trois décennies: disparition de la boucle prix-salaire (elle-même due à plusieurs causes parmi lesquelles l’affaiblissement du pouvoir de négociation des salariés), développement des marchés financiers qui absorbent la création monétaire, globalisation des chaînes de valeur qui compresse les coûts de production, hausse structurelle de l’épargne désirée, etc.
Il reste que, comme le souligne en creux le FT, nous savons que nous ne savons rien en matière d’inflation, phénomène macroéconomique des plus psychologiques, ce qui nous incite si ce n’est au mutisme sur le sujet, du moins à la prudence.
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