DIPLO. • UE/Suisse, pas encore d’accord pour remplacer le gruyère bilatéral
Pays européen singulièrement intégré au marché unique, la Suisse a signé, depuis un accord de libre-échange en 1972, plus de 120 accords bilatéraux avec l’Union. Toutefois, ce réseau complexe d’obligations souffre de défauts structurels : contrairement à ce qui a été mis en place pour d’autres pays européens hors-UE dans le cadre de l’accord entre l’UE et Espace économique européen (EEE), tous ces traités doivent être régulièrement mis à jour, et ne contiennent pas de mécanisme de règlement des différends, ce qui impose une modernisation du cadre.
Parallèlement, au niveau politique, l’UE a toujours été soucieuse de ne pas laisser croire qu'une UE à la carte était possible — et ce bien avant le Brexit. Elle réclamait en effet depuis 2008 un accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’Union. De telles négociations ont été lancées en 2014, et clôturées en 2018.
Néanmoins, depuis lors, la ratification côté suisse n’a jamais eu lieu, et les négociations en vue d'homogénéiser le cadre juridique concernant la participation de la Suisse au marché unique achoppent des deux côtés. Côté européen, alors que plusieurs accords bilatéraux arrivent à expiration, l’Union pose désormais comme condition préalable à la conclusion de tout nouvel accord, la ratification de l'accord institutionnel.
Côté Suisse, il existe une interprétation divergente du marché unique sur trois points que sont les aides d'État, la libre circulation des personnes et le niveau de salaires des travailleurs détachés, comme a pu l’expliquer le ministre suisse des Affaires étrangères Ignazio Cassis. Mais l'UE a signifié en avril au président suisse son refus de modifier le texte de l'accord. «Nous sommes prêts à négocier, mais il n'est pas possible d'extraire ces trois points de l'accord», a-t-on insisté à Bruxelles. Et à présent, la dernière séance du Conseil fédéral suisse tenue jeudi 17 mai envisage d’interrompre les négociations avec Bruxelles.
S’il ne risque certes pas d’y avoir de déploiement de la marine suisse et de pêcheurs français sur le lac Léman, l’absence d’accord serait économiquement dommageable pour les deux parties (FT). Et ce, alors qu’une majorité de la population suisse (64%) reste favorable à l’accord-cadre. Comme nous l’explique Georg Riekeles (European Policy Centre (EPC), ancien de l’équipe Brexit à la Commission) :
“En Suisse les anti accord-cadre se mobilisent en se revendiquant de l’accord de commerce et de coopération (ACC) conclu en décembre dernier entre l’UE et le Royaume-Uni.
Au-delà du parallèle évident avec le Brexit s’agissant de la volonté de retrouver une forme de souveraineté nationale, la comparaison ne tient pas. Le Royaume-Uni a choisi avec le Brexit de quitter le marché unique. L’accord institutionnel avec la Suisse, c’est l’inverse. Les Suisses veulent continuer à bénéficier du marché intérieur.”
Les Suisses devront donc comprendre que, comme pour les Britanniques, l’Europe à la carte n’est pas au menu.