Conseil européen extraordinaire
Mais aussi — Brexit, Traité sur la charte de l'énergie, produits chimiques éternels
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Le Briefing
Le 9 février, le Conseil européen s’est réuni à Bruxelles à l’occasion d’un sommet extraordinaire. Après un échange en personne avec le président ukrainien, les dirigeants de l’UE ont adopté des conclusions sur l’Ukraine, les migrations et l’industrie.
TAPIS ROUGE • Pour la première fois depuis l’invasion russe en Ukraine, Volodymyr Zelenski s’est rendu en personne à Bruxelles pour intervenir devant les institutions européennes.
Ovationné par l’ensemble du Parlement européen, le président ukrainien a réitéré son ambition de rejoindre l’UE le plus vite possible : “L’Ukraine c’est l’Europe et l’avenir de votre nation est dans l’Union européenne”, lui a répondu Roberta Metsola, présidente du Parlement européen.
De leur côté, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont voulus plus prudents et aucune promesse n’a été faite quant au calendrier des négociations. Si l’Ukraine dispose du statut de candidat à l’UE depuis juin 2022, les négociations formelles sur son adhésion au bloc ne pourront en effet débuter qu’une fois que le pays aura rempli les conditions énoncées par la Commission européenne.
“Il n’y a pas de calendrier rigide. C’est un processus basé sur le mérite”, a rappelé Ursula von der Leyen. S’il est donc peu probable que l’Ukraine bénéficie d’un traitement de faveur sur la procédure d’adhésion, les dirigeants de l’UE ont néanmoins pris acte des “efforts considérables” déployés par l’Ukraine pour atteindre les objectifs énoncés dans l’avis de la Commission.
SANCTIONS • Le Conseil a cependant réaffirmé son soutien à l’Ukraine au sein du conflit avec la Russie. L’ensemble de l’aide apportée à l’Ukraine par l’UE et ses États membres s’élève à présent à 67 milliards d’euros, dont 12 milliards en soutien militaire.
Le président ukrainien a souligné l’importance de maintenir la pression sur la Russie avec de nouvelles sanctions. Un nouveau paquet de sanctions sera prochainement présenté par la Commission et devrait notamment concerner la désinformation russe.
Le déficit budgétaire russe a récemment atteint 25 milliards de dollars. En 2022, les dépenses publiques russes ont augmenté de 59%, et les revenus provenant du secteur du pétrole et du gaz ont chuté de 46% — preuve de l’effet des sanctions européennes sur le plan énergétique.
AVIONS • Volodymyr Zelenski a également invité les leaders de l’UE à renforcer leur soutien militaire par l’envoi de nouveaux équipements — en particulier des avions de chasse. Le président ukrainien craint en effet une offensive de l’armée russe au printemps, à la suite du premier anniversaire du conflit, le 24 février.
Après ses échanges avec les chefs d’Etat européens, celui-ci a affirmé avoir reçu des réponses positives sur l’envoi d’avions de chasse. Si ces envois se concrétisent, ils représenterait un changement significatif quant à la nature du soutien des Etats membres à l’Ukraine — les dirigeants de l’UE ont jusqu’à présent refusé de fournir des armes de longue portée et des avions militaires.
MIGRATION • Le départ de Volodymyr Zelenski a laissé place à d’autres sujets tout aussi brûlants. Parmi eux, la question migratoire a fait l’objet de nombreuses discussions, s’étendant jusqu’au milieu de la nuit.
La politique migratoire a récemment fait son retour sur le devant de l’agenda européen. En 2022, un total de 330 000 d’entrées irrégulières dans l’espace Schengen ont été comptabilisées, soit le niveau le plus élevé depuis 2016.
Dans ses conclusions, le Conseil “demande à la Commission de mobiliser immédiatement des fonds et des moyens substantiels de l'UE pour aider les États membres à renforcer les capacités et les infrastructures de protection des frontières” ainsi que “les moyens de surveillance”.
Si les points de vues des différents Etats membres sur la question migratoire divergent, le ton employé dans les conclusions du Conseil signale une position ferme. À l’approche du Conseil, une lettre signée par huit pays — l’Autriche, le Danemark, l’Estonie, la Grèce, la Lettonie, la Lituanie, Malte ainsi que la Slovaquie — demandait à la Commission et au Conseil une politique migratoire plus restrictive.
Porte parole de ces pays, l’Autriche a centré le débat autour de la possibilité pour l’UE de financer des murs dans les Etats membres — idée refusée par le Conseil, mais dont les conclusions reflètent la position ferme du Chancelier autrichien Karl Nehammer.
Les conclusions concernent également le renforcement de l’action extérieure de l’UE ainsi que la politique de retour et de réadmission. Sur cette dernière, le Conseil souhaite utiliser comme levier “l'ensemble des politiques, instruments et outils dont l'UE dispose à cet effet, y compris la diplomatie, le développement, le commerce et les visas, ainsi que les possibilités de migration légale”.
INDUSTRIE • Enfin, les dirigeants de l’UE ont montré leur soutien au Green Deal Industrial Plan, suite à la communication de la Commission du 17 janvier sur le sujet. L’accord du Conseil masque cependant des divisions internes sur le relâchement du droit des aides d’Etat ainsi que les possibilités de contracter à nouveau de la dette commune à l’échelle de l’UE — pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous référer à notre édition précédente.
Inter alia
BREXIT • La Cour suprême du Royaume-Uni a rejeté l'appel des politiciens unionistes — dont l'ancienne Première ministre Arlene Foster et le défunt leader unioniste d'Ulster David Trimble — visant à faire déclarer inconstitutionnel le protocole nord-irlandais. Le jugement rendu le 8 février fait suite à deux défaites devant des tribunaux inférieurs et signifie qu'aucune autre contestation juridique du protocole n'est possible.
Le protocole est essentiel à l'accord de retrait du Royaume-Uni de l'UE. Il garantit que l'Irlande du Nord, contrairement au reste du Royaume-Uni, est soumise aux règles européennes sur les marchandises.
Lord Stephens, qui a rendu la décision, a déclaré qu'il y avait eu une "participation parlementaire intense" sur le Brexit, de sorte que le gouvernement a été autorisé par la loi à rédiger le protocole. Cette décision enlève un poids à Londres et Bruxelles, qui doivent trouver un compromis permettant de “réduire au minimum (...) la nécessité de contrôler les marchandises arrivant de Grande-Bretagne dans les ports d'Irlande du Nord".
ENERGIE • Selon une fuite d'un “non-paper” de la Commission européenne, celle-ci recommandera un retrait coordonné de l'UE et de ses 27 États membres du traité sur la charte de l'énergie de 1998.
Le TCE est un traité d'investissement, élaboré dans le sillage de la chute du mur de Berlin. Signé par 50 pays, il vise à offrir un cadre juridique sûr aux entreprises, en leur permettant de contester des mesures étatiques devant des tribunaux arbitraux.
Le TCE est critiqué pour la protection qu’il accorderait aux énergies fossiles. Une étude récente montre que la valeur totale des investissements dans les combustibles fossiles protégés par le TCE et situés dans l'UE, au Royaume-Uni et en Suisse s'élève à 344,6 milliards d'euros.
Une sortie coordonnée entraînerait des problèmes juridiques épineux en raison de la "clause de caducité" présente dans le TCE. Cette clause soumet les États parties à des actions en justice de la part des investisseurs pendant 20 ans après leur sortie du traité. Pour contrer ses effets, la Commission suggère que les États membres signent un accord entre eux déclarant que le TCE "ne s'applique pas, et ne s'est jamais appliqué, dans les relations intra-UE".
Si un retrait complet est rejeté par l'Union, la Commission peut soit soutenir un retrait précédé de négociations visant à réformer le TCE pour les États membres qui restent, soit inciter le Conseil à soutenir les réformes proposées tout en lançant un processus de départ coordonné en parallèle.
Entre-temps, la Suisse a déclaré qu'elle ne sortirait pas du TCE, ce qui pousse les entreprises souhaitant poursuivre des sociétés en vertu du TCE à s'installer en Suisse.
PFAS • Le 7 février, l'Agence européenne des produits chimiques a publié sa proposition visant à restreindre les PFAS, autrement appelés "produits chimiques éternels". La proposition de restriction de "la fabrication, de la mise sur le marché et de l'utilisation" des PFAS touchera environ 10 000 substances per- et polyfluoro-alkyles qui sont utilisées dans toute une série de biens de consommation, mais qui sont également connues pour persister dans l'environnement et entraîner une exposition environnementale et une bioaccumulation irréversibles.
Si les organisations de consommateurs sont favorables à l'interdiction, les fabricants de plastiques et les fournisseurs de puces électroniques ont prévenu qu'elle perturberait l'innovation et les chaînes d'approvisionnement, entraînant ainsi une hausse des prix des biens de consommation.
Nos lectures de la semaine
L'Europe a besoin d'une nouvelle stratégie pour l'Iran, écrit Luigi Scazzieri du CER. L'heure tourne : il ne restera bientôt plus de temps pour éviter les scénarios d’un Iran nucléaire et/ou d’un conflit au Moyen-Orient.
Cette édition a été préparée par Ysabel Chen, Mark Soler, Maxence de la Rochère et Augustin Bourleaud. À lundi prochain !