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Le Briefing
Comme pressenti à l’annonce de la visite d’Ursula von der Leyen à Londres le 27 février, les négociations entre le Royaume-Uni et la Commission européenne sur le protocole nord-irlandais ont enfin abouti. L’accord de Windsor vise à résoudre les nombreuses instabilités causées par l’application du protocole.
SOULAGEMENT • Pour rappel, le protocole nord-irlandais fait partie du EU Withdrawal Act de 2018. Afin d’éviter de rétablir une frontière physique entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord après la Brexit, le protocole établit des contrôles sur les biens entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne. En contrepartie, certaines règles de l’UE sur le marché intérieur et l’union douanière continuent de s’appliquer à l’Irlande du Nord.
CRITIQUES • En Irlande du Nord, les unionistes déplorent le fait que le protocole crée de facto une frontière en mer d’Irlande. Ils considèrent que le protocole est à l’origine d’un “déficit démocratique”, car il implique que l’Irlande du Nord reste soumise à certaines règles issues du droit de l’UE, alors que le pays est à présent absent du processus législatif qui les produit.
De plus, la CJUE reste compétente pour les différends qui touchent au droit de l’UE, ce qui est également critiqué par le DUP (Democratic Unionist Party).
FRONTIÈRE • Selon l’accord de Windsor, les biens commerciaux en provenance de Grande Bretagne seront désormais labellisés de deux manières distinctes afin de fluidifier les échanges entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.
D’un côté, les biens destinés à l’Irlande du Nord — n’ayant pas vocation à être réexportés vers l’UE — emprunteront une “green lane”, ce qui signifie qu’ils feront l’objet de contrôles douaniers allégés et d’une réduction de la charge administrative ; de l’autre, les biens destinés à l’UE emprunteront une “red lane”, impliquant des contrôles de conformité aux exigences du marché intérieur.
Le gouvernement britannique s’est par ailleurs engagé à partager ses données douanières en temps réel afin de permettre à l’UE de détecter les fraudes efficacement.
CONCESSIONS • Bien que l’Irlande du Nord continue d’être soumise aux règles du marché unique européen, Bruxelles a donné son feu vert pour une baisse locale du taux de TVA sur certains produits, comme la bière.
Par ailleurs, alors que Belfast continue d’être soumis à la juridiction de la Cour de justice de l’UE en cas de litige, la création du “Stormont brake” permet à l’Assemblée d’Irlande du Nord (aussi appelée “le Stormont”) de tirer la sonnette d’alarme si 30 de ses élus estiment qu’une nouvelle législation européenne peut nuire aux intérêts nord-irlandais.
Ce faisant, l’Irlande du Nord appliquera un droit de véto sur la législation européenne en question. Le mécanisme est cependant imaginé pour être utilisé en dernier recours et seulement dans des cas d’importance majeure.
RÉACTIONS • Malgré de nombreuses tensions au sujet des négociations entre Bruxelles et Londres, l’accord n’a pour l’instant pas été massivement critiqué par l’aile eurosceptique du parti conservateur britannique. Cela représente une victoire pour Rishi Sunak, qui peine à faire consensus au sein d’un parti conservateur extrêmement divisé.
Cette frange eurosceptique du parti conservateur, ainsi que le DUP, restent tout de même vigilants vis-à-vis de la souveraineté britannique, alors qu’une frontière continuerait de facto d’exister au sein du Royaume-Uni.
“Nos experts juridiques vont passer l’accord au peigne fin. Ils [le DUP] ont également prévu d’examiner le texte en profondeur”, explique Mark François, Président du European Research Group (ERG), qui coordonne l’action des députés eurosceptiques de Westminster.
Le DUP a également réagi avec prudence. “Nous continuons à avoir des inquiétudes”, a déclaré Jeffrey Donaldson, chef du parti, alors que certains unionistes expriment déjà leur réticence à continuer d’accepter l’application du droit européen et la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE.
De son côté, Boris Johnson a déclaré qu’il allait avoir des difficultés à voter en faveur de l’accord, qui ne s’aligne pas avec sa vision personnelle du Brexit. “J’espère que cela va fonctionner”, a-t-il cependant ajouté.
Rishi Sunak s’est quant à lui félicité de la conclusion d’un tel accord. Le premier ministre britannique promet que ce dernier débloquera d’importants investissements. “Avec le Stormont Brake, l'assemblée et le peuple d'Irlande du Nord sont aux commandes”, a-t-il déclaré.
NOUVEAU DÉPART • L’accord de Windsor permet en tout cas au Royaume-Uni d’enfin pouvoir se projeter dans de meilleures relations commerciales avec ses partenaires, tant européens que américains.
Joe Biden a ainsi exprimé son soutien à l’accord et évoque le projet d’une visite officielle le mois prochain lors de l’anniversaire de l’Accord du Vendredi Saint. La résolution de la question nord irlandaise était une des conditions préalables à la possibilité d’un nouvel accord de libre échange entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis.
WHAT NEXT? • Si le vote favorable de la House of Commons n’est pas requis, Rishi Sunak souhaite montrer que l’accord bénéficie d’un fort soutien politique. Le premier ministre britannique a ainsi déclaré qu’un vote aurait lieu “au moment opportun, et ce vote sera respecté”. Il a également insisté sur le fait que le DUP devrait avoir “le temps et l'espace nécessaires pour examiner les détails du cadre”.
Inter alia
ENVI • Alors que l'approbation officielle des nouvelles normes d'émission de CO2 pour les voitures et camionnettes devait se tenir le 7 mars, la présidence suédoise du Conseil a décidé le report de cette réunion à une date ultérieure.
En effet, la perspective de se voir interdire les ventes de véhicules à moteur à combustion à partir de 2035 soulève des préoccupations de la part de plusieurs États membres comme l’Allemagne, l’Italie, la Pologne, et la Bulgarie. Ces derniers réclament un plan spécifique de la Commission au sujet des carburants de synthèse.
Pendant ce temps, les co-législateurs ont trouvé un accord pour définir un standard en matière de “European Green Bonds” (EuGB), c’est-à-dire les obligations européennes considérées comme ‘vertes’. Aujourd’hui, les investisseurs sont confrontés à un ensemble hétérogène de normes nationales.
L’accord trouvé impose aux émetteurs d’obligations vertes de s’assurer que leur activité est alignée avec la taxonomie européenne, qui définit les activités durables. Pour les secteurs qui ne sont pas encore couverts par cette taxonomie, l’accord prévoit une marge de flexibilité de 15%.
Jusqu’à présent, les négociations sur les règles liées aux obligations vertes avaient été bloquées par des désaccords au sujet du degré de flexibilité et du champ d’application des règles.
ECO • L’inflation au sein de la zone euro a ralenti moins rapidement que prévu le mois dernier, passant à 8,5% en février contre 8,6% en Janvier. Si celle-ci est en baisse continue depuis maintenant quatre mois, cette baisse est moins forte que prévu pour le mois dernier.
D’après les derniers chiffres d’Eurostat, l’inflation sous-jacente — qui exclut l'énergie et les denrées alimentaires, dont les prix sont très volatiles — a continué d’augmenter en février, passant à 5,6% contre 5,3% en janvier.
Quant aux prix de l’énergie, ces derniers ont augmenté significativement moins rapidement en février (13,7%) qu’en janvier (18,9%). À l’inverse, les prix des denrées alimentaires ont eux augmenté plus rapidement en février (15%) qu’en janvier (14,1%).
Christine Lagarde, présidente de la Banque Centrale Européenne (BCE), a déclaré que des hausses des taux d’intérêts directeurs étaient à venir.
CHINE • Cette semaine, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen se rendra à Washington pour s’entretenir avec le président américain Joe Biden. L’un des sujets principaux de cette rencontre sera l’envoi potentiel d’armes militaires à la Russie par la Chine.
À l'occasion du premier anniversaire de l'invasion russe, le ministère chinois des affaires étrangères a publié un document en 12 points exposant sa “position sur un règlement politique" de ce qu'il appelle la "crise ukrainienne", appelant à un cessez-le-feu et à un "retour aux négociations".
Cette position a été critiquée par le chef de l'OTAN, Jens Stoltenberg, car Pékin n'a jamais officiellement condamné l'invasion. Ursula von der Leyen a déclaré que la position de la Chine était "tout sauf neutre".
Du côté des Etats-Unis, le secrétaire d’Etat Anthony Blinken a affirmé que la Chine "envisage d'envoyer des armes et d'autres formes d'aide létale" à la Russie, là où l'OTAN ne déclare pas avoir vu de “livraison effective d'aide létale" à ce jour. Dans une interview à la Maison Blanche, Joe Biden a quant à lui déclaré ne pas anticiper de livraison majeure d’armes à la Russie de la part de la Chine.
Le soutien économique de la Chine à la Russie est cependant resté inébranlable face aux sanctions occidentales. Depuis le début de l'invasion, Pékin a considérablement augmenté ses achats d'énergie et de denrées alimentaires russes — les importations russes ont augmenté de 43 % en 2022, atteignant 114 milliards de dollars — et a accéléré ses exportations de pièces électroniques, de voitures et de microprocesseurs chinois.
Nos lectures de la semaine
Les pénuries de compétences, le coût de l’énergie et le manque d'investissements productifs entravent l'innovation et la croissance en Europe, met en garde la BEI dans un rapport.
Matthias Bauer, pour l'ECIPE, et Zach Meyers, pour le CER, se montrent critiques vis-à-vis de la volonté d’imposer un cadre réglementaire plus strict aux fournisseurs de cloud, ce qui pourrait laisser les entreprises européennes plus exposées aux risques de cybersécurité et à la traîne dans la transition numérique.
Dans un rapport rédigé pour l'IESUE—le think tank de l'UE spécialisé en politique étrangère—Jan Joel Andersson explore les moyens de renforcer les alliances de l'Europe et de renouveler l'architecture complexe de la coopération en matière de défense entre les États membres.
Cette édition a été préparée par Marine Sevilla, Ysabel Chen, Maxence de la Rochère et Augustin Bourleaud. À lundi prochain !